4 décembre 2024Calcul en cours...

Préjudices liés aux opioïdes : la Cour suprême approuve le recours collectif multiterritorial intenté par la C.-B.

La Cour suprême du Canada a jugé constitutionnelle la loi de la C.-B. qui permet à la province d’intenter un recours collectif au nom d’autres gouvernements canadiens pour le recouvrement des coûts des soins de santé découlant de l’épidémie d’opioïdes. Dans l’arrêt Sanis Health Inc. c. Colombie-Britannique, 2024 CSC 40, la Cour a statué que l’article applicable de l’Opioid Damages and Health Care Costs Recovery Act (ORA) relève de la compétence législative de la province, ce qui permet à celle-ci de poursuivre le recours collectif projeté qu’elle avait intenté au nom de plusieurs gouvernements du pays contre des fabricants, des négociants et des distributeurs de produits opioïdes.

Cet arrêt pourrait avoir une incidence sur les efforts déployés par la C.-B. pour adopter une législation similaire portant sur un éventail plus large de coûts de soins de santé. L’ancien projet de loi 12 présenté au début de l’année aurait conféré au gouvernement un droit d’action pour recouvrer les coûts découlant de « fautes liées à la santé » au sens large, au nom d’un groupe nommé dans l’action qui pouvait inclure d’autres gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. À l’issue de la deuxième lecture, le gouvernement avait annoncé qu’il suspendait le projet de loi 12 afin de poursuivre les consultations avec les acteurs du secteur. Le projet de loi a ensuite expiré lorsque le parlement a été dissous avant les élections provinciales.

Ce que vous devez savoir

  • Constitutionnalité du recours collectif multiterritorial de la C.-B. La Cour suprême a conclu qu’il est constitutionnellement acceptable que la C.-B. puisse, en vertu de l’ORA, intenter un recours collectif au nom du gouvernement fédéral et d’autres gouvernements provinciaux pour le recouvrement des coûts de soins de santé liés aux opioïdes.
  • Incidence sur l’ancien projet de loi 12. La décision de la Cour pourrait contribuer à déterminer la constitutionnalité de dispositions similaires, comme celles proposées par la C.-B. dans l’ancien projet de loi 12, autorisant les recours collectifs multiterritoriaux pour un éventail plus large de fautes liées à la santé.
  • Effets incertains. Il reste à voir comment l’arrêt peut influer sur le programme législatif de la province, et notamment si une loi semblable à l’ancien projet de loi 12 pourrait être discutée de nouveau. À ce jour, la C.‑B. est la seule province à avoir proposé une loi sur le recouvrement des coûts des soins de santé basée sur une définition de « fautes liées à la santé » aussi large.

Recours collectif lié aux coûts des opioïdes intenté par la Colombie-Britannique

En 2018, le gouvernement de la C.-B. a intenté un recours collectif contre plusieurs fabricants, négociants et distributeurs de produits opioïdes. La province allègue que les défendeurs ont contribué à l’épidémie nationale d’opioïdes en présentant faussement leurs produits comme étant moins addictifs que d’autres médicaments contre la douleur. Elle réclame le recouvrement des coûts sur la base de la responsabilité civile délictuelle en common law et au titre des dispositions relatives aux déclarations trompeuses de la Loi sur la concurrence. Le groupe proposé est formé de gouvernements et d’organismes fédéraux, provinciaux et territoriaux du Canada ayant supporté les coûts de soins de santé liés aux opioïdes.

Après avoir entamé le litige, la C.-B. a adopté l’ORA, qui lui a conféré un droit d’action direct permettant de recouvrer les coûts des soins de santé découlant d’une « faute liée aux opioïdes ». L’article 11 de l’ORA autorise expressément la province à intenter un recours collectif pour des fautes liées aux opioïdes au nom des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que des organismes de paiement des gouvernements fédéral et provinciaux.

Plusieurs des défenderesses ont contesté l’article 11, affirmant qu’il excède la compétence territoriale de la C.-B et ne respecte pas le partage des compétences prévu dans la Constitution parce qu’il traite des droits civils d’autres provinces. Les juridictions inférieures n’ont pas suivi cette argumentation, estimant que l’article 11 est simplement un mécanisme procédural qui permet à d’autres gouvernements du pays de faire valoir leurs droits dans le cadre de l’instance introduite en C.-B. La disposition n’influe pas sur leurs droits civils substantiels, car leurs revendications seront tranchées selon leur propre droit substantiel (qui comprend des lois équivalentes à l’ORA). Les autres gouvernements peuvent également choisir de participer ou non au recours.

CSC : Le recours collectif multiterritorial est autorisé

Par une majorité de 6 contre 1, la Cour suprême a rejeté l’appel, confirmant que l’article 11 crée un mécanisme procédural par lequel l’ORA s’applique au litige en cours concernant les opioïdes et ne crée pas de droits substantiels. Il s’agit donc d’un exercice valide du pouvoir de légiférer sur l’administration de la justice dans la province en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867.

Jugeant que l’article 11 n’excède pas indûment les limites territoriales de la compétence législative de la C.-B., la Cour a autorisé celle-ci à intenter un recours collectif multiterritorial d’une manière qui maintient un lien significatif avec la province. La majorité des juges ont reconnu que les recours collectifs nationaux (c.-à-d. qui sont intentés dans une province et comprenant des résidents d’autres provinces) n’ont rien de nouveau. Les points communs entre le représentant des demandeurs résidant dans le ressort du recours collectif et les membres non‑résidents sont suffisants pour établir un lien réel et substantiel avec la province. Cela ne change pas simplement parce que le groupe comprend les gouvernements d’autres provinces.

Une considération importante pour les juges majoritaires était que les autres gouvernements pouvaient choisir de se retirer du recours au même titre qu’un justiciable peut choisir de se retirer d’un recours collectif national. Cela signifie que les autres gouvernements ne sont liés par l’instance que s’ils le souhaitent, dans le respect de leur souveraineté législative. La cour a aussi tenu compte du fait que les autres gouvernements aient adopté leur propre version de l’ORA, qu’ils aient indiqué leur intention de participer au recours de la C.-B. et qu’ils aient soutenu la position de cette dernière dans l’appel.

Incidences sur l’ancien projet de loi 12 ou une loi similaire

L’arrêt Sanis Health soulève des questions sur le statut de projets de loi similaires, comme l’ancien projet de loi 12 de la C.-B., qui avait été suspendu après la deuxième lecture en avril 2024 et a expiré lorsque le parlement a été dissous avant les élections provinciales. Ce projet de loi visait l’adoption de la Public Health Accountability and Cost Recovery Act, inspirée de l’ORA et de la Tobacco Damages and Health Care Costs Recovery Act (loi permettant le recouvrement des coûts des soins de santé liés au tabac). La nouvelle loi aurait eu une portée plus large ciblant potentiellement les fabricants et les prestataires de services de divers secteurs. Elle prévoyait notamment les dispositions suivantes :

  • Les gouvernements de la C.B. et du Canada auraient un droit d’action pour recouvrer le coût des services de soins de santé découlant de « fautes liées à la santé » : tout manquement à une obligation imposée par la common law, l’equity ou la loi à l’égard des personnes en C.-B., ou tout délit commis en C.-B. qui cause ou contribue à causer une maladie, une blessure ou une affection.
  • Le gouvernement pourrait récupérer, sur une base individuelle ou globale, les coûts actuels et futurs des soins de santé liés à « une maladie, une blessure ou une affection » : expression qui comprend les blessures et les affections physiques et mentales, la « détérioration générale de la santé » et même le risque de maladie, de blessure ou d’affection.
  • Le tribunal serait tenu de présumer le lien de causalité dans certaines circonstances, notamment lorsque le gouvernement prouve que le défendeur a manqué à une obligation et que, par conséquent, les bénéficiaires des services de soins de santé ont été exposés à un risque de maladie, de blessure ou d’affection. Si ce critère est satisfait, le tribunal devra conclure que ce manquement a causé ou contribué à causer une maladie, une blessure ou une affection dont les bénéficiaires n’auraient pas souffert autrement.
  • Dans certains cas, il ne serait pas nécessaire que le gouvernement démontre qu’un défendeur particulier a causé ou contribué à causer une maladie, une blessure ou une affection. S’il peut prouver qu’un ou plusieurs défendeurs, par le manquement à une obligation que leur impose la common law, l’equity ou la loi, ont contribué à un risque de maladie, de blessure ou d’affection en mettant un produit à la disposition d’une personne ou en exposant une personne à un produit, et que la personne a souffert d’une maladie, d’une blessure ou d’une affection à cause de ce produit, alors chaque défendeur qui aurait pu contribuer au risque pourrait être reconnu responsable. Ce serait le cas même si le gouvernement ne pouvait pas démontrer quel défendeur a réellement amené la personne à utiliser le produit ou à y être exposée. La responsabilité serait répartie en fonction de la contribution au risque de chaque défendeur, sur la base de plusieurs considérations factuelles, notamment la part de marché du défendeur et les profits tirés du produit.
  • Le gouvernement pourrait s’appuyer sur des preuves basées sur la population (p. ex., des statistiques ou des renseignements provenant d’études ou d’échantillonnages) pour établir la causalité, la responsabilité et le montant des dommages‑intérêts. Il pourrait également s’appuyer sur des certificats ministériels comme preuve concluante du coût des services de soins de santé.

À l’instar de l’ORA, le projet de loi 12 aurait autorisé le gouvernement de la C.-B. à intenter un recours collectif pour des fautes liées à la santé au nom d’un groupe formé des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que des organismes de paiement fédéraux ou provinciaux chargés de rembourser les coûts des soins de santé, chacun des membres du groupe pouvant se retirer du recours. La constitutionnalité de ce type de recours ayant été confirmée par l’arrêt Sanis Health, un large éventail de participants du secteur pourraient être à risque si le projet de loi 12 était réintroduit dans sa forme préélectorale. Toutefois, contrairement à l’ORA, le projet de loi 12 n’a pas encore d’équivalents dans d’autres provinces.

Il est difficile de prévoir l’incidence qu’aura la décision de la Cour suprême sur la législation future ou si d’autres provinces tenteront de mettre en place une loi similaire à celle de la C.-B. Le groupe de pratique Actions collectives de Torys continuera à suivre l’évolution de la situation.


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