À l’approche de la nouvelle année, Torys examine les effets que les tendances observées cette année pourraient avoir sur les actions collectives au Canada en 2022.
Cette année, nous avons eu droit à quelques précisions sur les premières modifications importantes apportées à la Loi sur les recours collectifs de l’Ontario (la Loi). Il s’agissait des premiers changements en plus de 25 ans et ils sont entrés en vigueur le 1er octobre 2020. Comme nous l’avons décrit l’année dernière, la modification la plus importante concernait l’introduction du critère de certification relatif au meilleur moyen qui adopte les critères de supériorité et de prédominance énoncés dans les Federal Rules of Civil Procedure des États-Unis.
Comme prévu, ce critère de certification plus exigeant a eu un certain impact sur le droit et les procédures en matière d’actions collectives en 2021 et ses effets se feront certainement continuer à sentir en Ontario et ailleurs au pays en 2022. Même si le nouveau critère du meilleur moyen n’a pas encore fait l’objet d’une analyse approfondie, quelques décisions ont brièvement examiné les modifications et ont affirmé que le nouveau critère apporte [traduction] « des différences importantes au processus de certification » lequel comprend désormais « une exigence légale minimale que le recours collectif soit le meilleur moyen de régler les questions communes »1.
Les tribunaux ontariens ont également fourni quelques éclaircissements sur d’autres modifications clés. Dans l’affaire Dufault v. Toronto Dominion Bank2, le tribunal a confirmé pour la première fois qu’en vertu du nouvel article 4.1 de la Loi, les défendeurs dans les recours collectifs proposés ont le droit de faire entendre des motions qui peuvent régler l’instance en tout ou en partie ou limiter les questions en litige ou les éléments de preuve avant la motion en certification. Comme nous l’avons déjà souligné, cette approche diffère de celle adoptée par d’autres juridictions3. Dans l’affaire Baroch v. Canada Cartage4, la cour a confirmé que, compte tenu des nouvelles dispositions de la Loi exigeant la déclaration des accords de financement par un tiers, ces accords auront désormais un effet sur la détermination du caractère raisonnable des ententes sur les honoraires conditionnels et l’octroi des frais de justice dans le cadre des règlements. Enfin, en vertu du nouvel article 29.1 concernant le rejet obligatoire pour cause de retard, le 1er octobre 2021 était la date limite pour les recours collectifs existants, ce qui a amené bien de défendeurs à présenter des requêtes visant à faire rejeter les demandes expirées.
Les modifications apportées à la Loi semblent avoir eu une incidence sur le nombre de recours collectifs intentés en Ontario cette année comparativement aux années précédentes. Dans l’année qui a suivi l’entrée en vigueur des changements, le nombre de recours collectif intentés en Ontario a baissé de près de 33 % par rapport aux années antérieures. Cela a coïncidé avec la hausse constante des demandes introduites devant la Cour fédérale du Canada et dans d’autres provinces telles que la Colombie-Britannique5.
Alors que le nombre de nouvelles demandes d’autorisation d’exercer une action collective a diminué au Québec en 2021, le nombre de dossiers actifs, lui, continue à augmenter. Actuellement, 236 actions collectives autorisées sont en cours auprès de la Cour supérieure du Québec, le plus grand nombre jamais observé et une hausse considérable par rapport aux années antérieures.
À mesure que plus d’actions collectives sont instruites, nous nous attendons à voir un développement du droit substantiel, particulièrement dans des domaines tels que la protection des consommateurs, qui sont moins susceptibles de donner lieu à des jugements de la Cour supérieure en dehors du cadre des actions collectives puisqu’ils représentent relativement peu d’intérêt pour les demandeurs individuels.
Les actions collectives proposées en matière d’emploi sont en hausse et cette tendance devrait se poursuivre en 2022. Nous continuons d’observer des actions collectives liées à la discrimination fondée sur le sexe, le genre et la race, au harcèlement sexuel et, plus récemment, des recours en matière d’équité salariale. Dans certains cas, les tribunaux étaient hésitants à laisser ces recours procéder par voie d’action collective, citant des moyens de procédure plus appropriés, tels que les processus administratifs en matière de droits de la personne mis en place dans la plupart des juridictions6. Cependant, compte tenu de la hausse de ces recours et de l’évolution continue de la façon dont ceux-ci sont plaidés (notamment en ayant recours à des allégations de rupture de contrat, de violation d’un engagement implicite et de manquement au devoir de diligence prévu par la common law7), il y a fort à parier qu’en 2022 on sera plus en mesure de savoir si les tribunaux jugent qu’une action collective constitue le meilleur moyen pour traiter les affaires de discrimination.
La popularité croissante de l’économie à la demande fera probablement aussi monter le nombre de recours liés au statut d’emploi (tels que les récentes actions collectives proposées contre Amazon, SkipTheDishes et Uber). On continuera sûrement à voir en 2022 des actions collectives proposées en matière d’emploi liées aux congés et à l’indemnité de congé annuel, même si les tribunaux ontariens ont été hésitants à certifier ce type de recours à cause de son caractère individuel8.
Après la montée initiale des actions collectives liées à la COVID-19 au début de la pandémie, le nombre de nouvelles demandes a diminué en 20219. Néanmoins, puisque les effets de la pandémie continuent à se manifester et la date butoir s’approchant pour certaines causes d’action, nous nous attendons à ce que ce type d’action collective augmente au début de 2022, particulièrement dans les provinces de common law.
Cette année, les actions collectives en matière de protection des consommateurs liées à la COVID-19 et ayant trait à des décès, à des maladies, à l’assurance contre les pertes d’exploitation, à des services non rendus et à des remboursements non accordés ont donné lieu à des jugements en autorisation et en certification de première instance. La démonstration d’un groupe identifiable et de questions communes susceptibles de faire avancer l’action s’est avérée être un défi difficile à surmonter pour les demandeurs10. Des décisions en appel concernant plusieurs de ces jugements initiaux en autorisation et en certification d’actions collectives liées à la COVID-19 sont prévues en 2022.
Pour finir, l’évolution continue de la jurisprudence liée aux actions collectives en matière de protection des renseignements personnels a amené les tribunaux canadiens à élaborer une théorie de la responsabilité dans les actions collectives pour atteinte à la protection des données fondée sur la preuve du préjudice. Les tribunaux se sont intéressés au type de renseignement qui a fait l’objet de la violation de données et aux conséquences réelles de la violation, plutôt qu’à ses conséquences potentielles. Cela pourrait avoir une incidence sur la fréquence à laquelle ce type de recours sera intenté en 2022.
Compte tenu de la prolifération des actions collectives multijuridictionnelles ces dernières années, certains tribunaux canadiens étaient initialement enclins à autoriser ou à certifier les actions en rassemblant en un seul forum des membres de plusieurs juridictions où des lois différentes pourraient s’appliquer. Lors des jugements au fond, la nécessité de prouver la portée des lois s’appliquant à chacun des membres d’un gros groupe s’est avérée trop complexe et difficile pour les demandeurs et les gros groupes sont maintenant souvent réduits à une seule juridiction après de longues procédures.
Nous nous attendons à ce que l’année 2022 apporte des éclaircissements concernant les effets des gros groupes sur la suspension de la prescription pour des demandes en dehors du forum dans lequel l’action a été autorisée ou certifiée. Le cadre entourant le règlement des demandes contenant des groupes nationaux ou même internationaux continuera à se développer dans les années à venir, à mesure que les avantages d’un règlement uniforme seront évalués à l’aune de particularités juridictionnelles.
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