Le 8 octobre 2025, la Colombie-Britannique a déposé le projet de loi 24, intitulé Vaping Product Damages and Health Care Costs Recovery Act (VRA). Ce texte, inspiré de lois semblables sur les produits du tabac et les opioïdes, doit permettre au gouvernement de récupérer une partie des dépenses en santé qu’il doit engager en raison des problèmes de santé causés par les produits de vapotage1. Dans ce bulletin, nous examinons les caractéristiques de la loi et ses répercussions potentielles sur les grossistes et les fabricants de ces produits.
Ce que vous devez savoir
- La Colombie-Britannique propose une nouvelle loi pour récupérer le coût des soins de santé liés au vapotage. Cette loi s’applique aux produits de vapotage, à l’exception du cannabis et des substances faisant l’objet d’une ordonnance. Elle s’inspire des lois sur le recouvrement du coût des soins de santé liés aux produits du tabac et les opioïdes déjà adoptées par la province.
- Nouveau droit d’action. Le gouvernement aurait un droit d’action qui lui permettrait de poursuivre les fabricants, les grossistes et les consultants de produits de vapotage (ainsi que leurs entités, administrateurs et dirigeants) en vue de recouvrer le coût des soins de santé associés aux préjudices causés par l’exposition aux produits de vapotage ou par leur utilisation.
- La responsabilité pourrait être établie globalement ou par présomption et être appliquée rétroactivement. Le cadre législatif proposé permettrait d’établir la responsabilité de manière globale, sans qu’il soit nécessaire de prouver que les produits ont causé un préjudice individuellement. Ce cadre impose une forme de responsabilité stricte de sorte que, s’il y a confirmation d’un manquement à une obligation envers des personnes découlant de fautes liées au vapotage, la province serait en droit d’invoquer certaines présomptions en ce qui concerne la causalité générale et les dommages-intérêts. La loi réinitialiserait également les délais de prescription applicables et permettrait le recouvrement du coût des soins de santé pour les fautes passées.
Contexte
Au cours des 25 dernières années, la Colombie-Britannique a adopté deux lois lui conférant de nouveaux droits d’action contre les fabricants de produits de tabac combustible2 et d’opioïdes3, des lois qui ont par la suite été répliquées dans d’autres provinces. Le gouvernement britanno-colombien s’appuie sur ces lois pour intenter des actions collectives contre des sociétés vendant et commercialisant des produits de tabac et des opioïdes en vue de recouvrer les coûts des soins de santé associés à l’utilisation de ces produits. L’action collective intentée en vertu de la Tobacco Damages and Health Care Costs Recovery Act a abouti à un règlement multiprovincial de 32,5 milliards de dollars dans le cadre duquel la Colombie-Britannique devrait recevoir 3,6 milliards de dollars au cours des 18 prochaines années4. D’autres actions en justice semblables en vertu de l’Opioid Damages and Health Care Costs Recovery Act sont également en cours; deux actions collectives ont été certifiées à ce jour dans la province5. La Cour suprême a également jugé que, dans ce contexte, la Colombie-Britannique était autorisée à agir en tant que représentant des demandeurs pour un groupe comprenant le gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux cherchant à obtenir un recouvrement contre les fabricants d’opioïdes (ce que nous abordons dans notre bulletin précédent sur la question).
La Colombie-Britannique envisage depuis un certain temps d’étendre la portée des possibles recouvrements de coût des soins de santé dans la province. Au début de 2024, avant l’introduction du nouveau projet de loi 24, le gouvernement avait déposé le projet de loi 12, qui lui aurait conféré un droit d’action pour recouvrer les coûts découlant de « fautes liées à la santé » au sens large, au nom d’un groupe nommé dans l’action qui pouvait inclure d’autres gouvernements provinciaux et/ou le gouvernement fédéral. Or, ce projet de loi a été abandonné lors du déclenchement de l’élection provinciale d’octobre 2024.
La Colombie-Britannique est le premier territoire du Canada à mettre en place ce genre de loi visant les fabricants et les grossistes de produits de vapotage. La VRA, créée sur le même modèle que les lois sur le recouvrement des dommages-intérêts et du coût des soins de santé liés au tabac et aux opioïdes, confère au gouvernement provincial un droit d’action pour recouvrer les coûts des soins de santé associés à l’utilisation de produits de vapotage. Fait notable, la province a indiqué, dans un communiqué de presse sur la VRA, son intention de créer une loi similaire pour les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (SPFA)6.
Projet de loi sur le recouvrement du coût des soins de santé liés au vapotage
La première partie de la VRA, à l’instar des lois sur le tabac et les opioïdes dont elle est inspirée, permet à la province de recouvrer le coût des soins de santé « causés en tout ou en partie par une faute liée au vapotage », ce qui englobe les délits qui contribuent aux préjudices, aux maladies, aux affections ou aux blessures en lien avec le vapotage, ou les manquements aux devoirs envers les personnes de la Colombie-Britannique qui ont pu avoir été exposées à des produits de vapotage ou les avoir utilisés. Si elle est adoptée, elle s’appliquera aux articles suivants :
- Produits de vapotage : substances définies qui contiennent de la nicotine et sont utilisées dans un dispositif défini;
- Dispositifs de vapotage : dispositifs qui transforment la substance définie en aérosol destiné à l’inhalation par la bouche.
Les substances contenant du cannabis ou faisant l’objet d’une ordonnance – y compris celles qui contiennent de la nicotine – ne sont pas visées.
La VRA propose un cadre législatif pour l’établissement de la responsabilité qui présente plusieurs caractéristiques favorables à la province. Voici plus précisément ce qu’elle propose :
- La responsabilité s’appliquerait à divers acteurs du secteur. La loi vise les fabricants, les grossistes et leurs consultants, définis comme :
- les fabricants de produits de vapotage;
- les entités qui tirent au moins 10 % de leurs revenus de la fabrication ou de la promotion de produits de vapotage;
- les entités et les associations professionnelles qui font la promotion de produits de vapotage;
- les distributeurs de produits de vapotage destinés à la revente;
- les filiales de fabricants et de grossistes, ainsi que les fiducies et les coentreprises;
- les administrateurs et les dirigeants qui ont dirigé ou autorisé des actes répréhensibles liés au vapotage ou qui y ont consenti ou participé (sous réserve des moyens de défense fondés sur la diligence raisonnable);
- les personnes qui fournissent des services-conseils en matière de vente, de marketing ou de distribution de produits de vapotage.
- Un recouvrement global pourrait être permis. En plus d’autoriser le recouvrement du coût des soins de santé sur une base individuelle, la VRA permet de recouvrer ces coûts sur une base globale pour un groupe de bénéficiaires. Le recouvrement global ne nécessite pas de dévoiler l’identité des bénéficiaires, ni d’établir de lien de causalité précis ou de chiffrer le coût des soins de santé. La VRA fixe des limites proportionnelles à la communication préalable, notamment les suivantes :
- Les dossiers médicaux et documents connexes d’une personne du groupe n’ont pas à être produits, à moins qu’une règle n’exige leur production à des fins d’expertise.
- Le tribunal peut ordonner la production d’un échantillon statistiquement significatif de dossiers médicaux.
- Une personne n’est pas obligée de répondre à des questions relatives à la santé d’une personne bénéficiaire ni aux soins qui lui ont été prodigués.
- La responsabilité pourrait permettre le recouvrement des réclamations fondées sur le risque. Les maladies, blessures ou affections liées au vapotage comprennent les « risques » qui en découlent.
- Des statistiques et des présomptions pourraient être utilisées pour établir la responsabilité, la causalité et les dommages-intérêts. Comme les lois sur le tabac et les opioïdes, la VRA permet à la province d’utiliser des preuves statistiques pour établir le lien de causalité, mais également pour prouver la responsabilité et pour quantifier les dommages-intérêts. Elle établit également certaines présomptions en faveur de la province quant à la causalité et aux dommages-intérêts si celle-ci peut prouver un manquement à un devoir ou à une obligation envers les personnes qui ont été exposées aux produits de vapotage ou les utilisent. On tiendrait ainsi pour acquis que l’utilisation ou l’exposition n’aurait pas eu lieu sans un tel manquement et que l’utilisation ou l’exposition a causé ou contribué à causer une maladie, une blessure ou une affection pouvant être causée par le produit de vapotage.
- La responsabilité ne pourrait pas être annulée par un règlement. Selon la VRA, un règlement entre un fabricant, un grossiste ou un consultant et le gouvernement ou une personne bénéficiaire ne constitue pas un moyen de défense contre les réclamations en vertu de la loi.
- Les actions collectives multiterritoriales seraient autorisées. La VRA permettrait au gouvernement de la Colombie-Britannique d’intenter une action collective au nom d’autres gouvernements provinciaux et/ou du gouvernement fédéral.
- La responsabilité pourrait être établie rétroactivement. La loi réinitialise le délai de prescription à 15 ans à compter de la date de son entrée en vigueur ou de la découverte de faits. Elle permet au gouvernement de relancer les actions qu’il a précédemment intentées pour recouvrir des coûts des soins de santé si le motif du rejet était un délai de prescription expiré.
Conséquences
Le projet de loi de la Colombie-Britannique est la première tentative législative visant à conférer à un gouvernement provincial canadien un droit d’action lui permettant de recouvrer le coût des soins de santé liés aux produits de vapotage. Si la loi est adoptée, d’autres provinces pourraient tenter de la reproduire, comme ce fut le cas pour les lois sur le recouvrement des dommages-intérêts et du coût des soins de santés liés au tabac et aux opioïdes. Torys continuera à suivre l’évolution de la situation en Colombie-Britannique et dans l’ensemble du pays et à vous en informer. Entretemps, voici les points à retenir :
- La loi n’a pas encore été approuvée ou adoptée. Le dépôt du projet de loi 24 à l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique ne constitue que la première étape du processus. Nous nous attendons à ce que le débat sur les mérites et le contenu de la loi proposée se poursuivent. Si la VRA venait à être adoptée, il est possible que sa forme diffère de celle proposée actuellement dans le projet de loi 24.
- Les litiges concernant les opioïdes pourraient servir de guides. Les litiges en cours aux termes de la loi sur le recouvrement du coût des soins de santé liés aux produits d’opioïdes de la Colombie-Britannique pourraient fournir des indications sur la manière dont les tribunaux interpréteront et appliqueront la loi en question dans d’autres contextes. Nous suggérons aux parties intéressées de suivre l’évolution de ces actions collectives gouvernementales.
- D’autres secteurs pourraient être soumis à des initiatives législatives semblables à l’avenir. La province a déjà communiqué son intention de proposer une loi similaire pour les SPFA.