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Le Canada s’apprête à ajouter les SPFA à la liste des substances toxiques et propose une stratégie de gestion des risques

Le 5 mars 2025, Environnement et Changement climatique Canada et Santé Canada ont publié conjointement la version définitive du Rapport sur l’état des substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques (SPFA) (Rapport sur l’état des SPFA)1, et le rapport Approche de gestion des risques pour les substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques (SPFA), excluant les fluoropolymères (Rapport sur la gestion des risques)2.

Le Rapport sur l’état des SPFA indique que tous les SPFA (à l’exception des fluoropolymères) répondent aux critères applicables aux substances toxiques. Le Rapport sur la gestion des risques propose de réglementer ces SPFA au Canada. Bien qu’une interdiction immédiate ne soit pas proposée, le rapport prévoit un processus en trois phases visant à réduire l’exposition humaine et environnementale à ces substances en restreignant leur fabrication, leur utilisation, leur vente, leur commercialisation ou leur importation à l’avenir, sous réserve de consultations.

Ce que vous devez savoir

  • Les SPFA seront ajoutés à la liste des substances toxiques. Le Rapport sur l’état des SPFA conclut que l’ensemble de la catégorie des SPFA (à l’exclusion des fluoropolymères) répond à un ou plusieurs des critères énoncés dans la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (LCPE) pour les « substances toxiques » et doit être classé comme tel.
  • Les premiers règlements sont prévus pour 2027. Le Rapport sur la gestion des risques propose un cadre en trois phases pour restreindre l’utilisation de la plupart des SPFA au Canada :
    • Phase 1 : Interdiction des SPFA dans les mousses à formation de pellicule aqueuse (mousses AFFF) dès le printemps 2027;
    • Phase 2 : Interdiction des SPFA non nécessaires à la sécurité et à la protection de la santé ou de l’environnement (y compris les applications dans les produits de consommation);
    • Phase 3 : Interdiction des SPFA pour lesquelles il n’existe peut-être actuellement aucune solution de rechange réalisable, tenant compte des facteurs socio-économiques.
  • Le plan de gestion des risques n’est pas définitif. Le Rapport sur la gestion des risques indique explicitement que l’approche qu’il propose est susceptible d’être modifiée et que des exemptions doivent être envisagées à chaque étape.
  • Une consultation publique est en cours. Le Rapport sur la gestion des risques fait l’objet d’une consultation publique jusqu’au 7 mai 2025.

Contexte

Le terme « SPFA » désigne un large groupe de produits chimiques. La définition des SPFA élaborée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2021 englobe des dizaines de milliers de « substances fluorées qui contiennent au moins un groupement méthyle ou méthylène entièrement fluoré (sans aucun atome H, Cl, Br oui qui y soit lié), c’est-à-dire qu’à quelques exceptions près, tout produit chimique comportant au moins un groupement méthyle perfluoré (–CF3) ou un groupement méthylène perfluoré (–CF2–) est une SPFA ».

Les SPFA ont un large éventail d’utilisations dans les produits de consommation et les applications commerciales et industrielles, notamment dans les mousses extinctrices, les matériaux d’emballage alimentaire, les médicaments et les produits de santé naturels, les dispositifs médicaux, les cosmétiques, les pesticides, les textiles tels que les tapis, les meubles, les vêtements et les couches, les véhicules, les articles électroniques, les peintures et les matériaux de construction, ainsi que les nettoyants, les cires et les vernis3.

Le Canada réglemente et envisage de réglementer davantage certaines SPFA depuis un certain nombre d’années. Certains types de SPFA, tels que le sulfonate de perfluorooctane (SPFO) et l’acide perfluorooctanoïque (APFO), sont classés comme substances toxiques depuis 2008 et 2016 respectivement, leur utilisation étant largement interdite au Canada. En avril 2021, le gouvernement du Canada a publié un Avis d’intention dans lequel il a manifesté son souhait d’aller de l’avant avec des activités visant à traiter les SPFA en tant que catégorie. En mai 2023 et en juillet 2024, Environnement et Changement climatique Canada et Santé Canada ont publié des rapports préliminaires conjoints décrivant leur évaluation qualitative des données sur les SPFA et sollicitant l’avis du public. Le dernier Rapport sur l’état des SPFA, publié le 5 mars 2025, fait suite aux consultations publiques menées dans le cadre des rapports préliminaires et constitue la version définitive. En se fondant sur les conclusions du Rapport sur l’état des SPFA, le Rapport sur la gestion des risques recommande certaines mesures de gestion des risques pour l’environnement et la santé humaine associés aux SPFA.

Rapport sur l’état des SPFA

Le Rapport sur l’état des SPFA conclut que les SPFA (à l’exclusion des fluoropolymères) répondent à un ou plusieurs des critères prévus par la LCPE pour les « substances toxiques ». Les substances toxiques sont celles qui peuvent avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l’environnement, ou qui peuvent constituer un danger pour la vie ou la santé humaine. Les substances toxiques énumérées à l’annexe 1 de la LCPE peuvent être soumises à des contrôles réglementaires importants, y compris des restrictions sur l’utilisation, l’achat, la vente, l’importation, l’exportation, la commercialisation et l’étiquetage.

Le Rapport sur l’état des SPFA définit les « SPFA » selon la définition de l’OCDE de 2021 comme des composés qui contiennent au moins un atome de carbone méthyle ou méthylène entièrement fluoré (sans aucun atome d’hydrogène, de chlore, de brome ou d’iode lié à celui-ci). Cette définition est plus large à certains égards (mais plus restreinte à d’autres) que la définition adoptée en 2023 par l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, qui a rejeté la définition de l’OCDE comme étant trop large et susceptible d’inclure des substances qui n’ont pas les mêmes répercussions sur l’environnement et la santé humaine que les SPFA préoccupants. L’EPA estime que sa définition englobe environ 9 400 substances, tandis que la définition de l’OCDE englobe environ 23 000 substances supplémentaires4.

Le Rapport sur l’état des SPFA indique que ses conclusions se fondent sur une évaluation qualitative du devenir, des sources, de la présence et des répercussions possibles des SPFA sur l’environnement et la santé humaine. On y précise toutefois qu’« [o]n dispose de données toxicologiques et épidémiologiques pour environ 50 SPFA, la plupart des recherches ayant principalement porté sur l’APFO et le SPFO ».

Les fluoropolymères5 sont notamment exclus de la catégorie des SPFA abordée dans le Rapport sur l’état des SPFA (bien qu’ils relèvent de la définition technique de l’OCDE), du champ d’application de ses conclusions et de la décision d’inscrire les SPFA sur la liste des substances toxiques. D’autres polymères fluorés font partie du champ d’application6. Le Rapport sur l’état des SPFA conclut que les fluoropolymères ne semblent pas se dégrader dans les conditions environnementales naturelles, qu’ils ne sont peut-être pas aussi mobiles et biodisponibles que d’autres SPFA et qu’ils peuvent donc avoir des profils d’exposition et de danger très différents lorsqu’on les compare à d’autres SPFA. Par conséquent, les fluoropolymères seront pris en compte dans une prochaine évaluation.

Le Rapport sur la gestion des risques

La LCPE autorise l’adoption de règlements sur l’utilisation, la vente, l’achat, l’importation, l’exportation et l’étiquetage des substances toxiques et des produits connexes. Tout règlement de ce type doit d’abord être proposé dans le contexte d’un cadre de gestion des risques. Le Rapport sur la gestion des risques propose un tel cadre, comprenant trois phases, chacune ciblant différents groupes de produits SPFA (à l’exclusion des fluoropolymères) qui toucheront probablement différents secteurs :

  • Phase 1 : Interdiction des SPFA dans les mousses AFFF, si celles-ci ne sont pas déjà réglementées. L’échéancier de la phase 1 prévoit une consultation à l’été/automne 2025 et la publication de projets de règlement au printemps 2027.
  • Phase 2 : Interdiction des SPFA qui ne sont pas nécessaires à la protection de la santé, de la sécurité ou de l’environnement, une attention particulière étant accordée aux applications pour consommateurs pour lesquelles il existe des solutions de rechange. Les produits visés sont les cosmétiques, les produits de santé naturels, les emballages et les additifs alimentaires, les peintures et autres matériaux de construction, les nettoyants, les cires et les vernis, ainsi que les textiles. L’échéancier de la phase 2 prévoit une consultation en 2027 après la publication des projets de règlement de la phase 1.
  • Phase 3 : Interdiction des SPFA pour lesquelles il n’existe peut-être actuellement aucune solution de rechange réalisable, tenant compte des facteurs socio-économiques et de la nécessité d’une évaluation plus approfondie du rôle des SPFA. Les produits ciblés comprendraient l’isolation à la mousse pulvérisée, la réfrigération, les médicaments d’ordonnance, les appareils médicaux, des secteurs industriels tels que l’exploitation minière et le pétrole, ainsi que les applications dans le domaine des transports et militaire. L’échéancier de la phase 3 reste à déterminer.

Le Rapport sur la gestion des risques qualifie les mesures susmentionnées de préliminaires et indique qu’elles pourraient être modifiées. Des exemptions seront envisagées à chaque phase de la gestion des risques, en portant attention aux solutions de rechange réalisables et aux facteurs socio-économiques.

Le Rapport sur la gestion des risques est accompagné d’un avis annonçant une période de consultation de 60 jours7. Les informations supplémentaires obtenues durant la période de consultation seront prises en compte dans l’élaboration de l’approche de gestion des risques.

Conséquences

L’approche de gestion des risques proposée par Environnement et Changement climatique Canada et Santé Canada prévoit des changements radicaux dans l’utilisation des SPFA au Canada. Nous continuerons à vous tenir au courant de la situation.

Entre-temps :

  • Une consultation publique sur le cadre de gestion des risques proposé est menée jusqu’au 7 mai 2025 et tous les membres du public sont invités à soumettre des commentaires.
  • Aucune des phases proposées du plan de gestion des risques n’est définitive; elles pourraient être modifiées et faire l’objet d’exemptions lorsque nécessaire.
  • Les fabricants, vendeurs, importateurs et exportateurs de produits contenant des SPFA ou suspectés d’en contenir devraient profiter de l’occasion pour examiner l’impact des projets de règlement sur les secteurs et les produits concernés.
  • L’information ci-dessous est particulièrement pertinente pour la prise de décisions concernant un cadre de gestion des risques approprié :
    • la disponibilité de solutions de rechange aux SPFA, ou l’absence de telles solutions, dans les produits et les applications actuels;
    • le temps estimé pour la transition vers des solutions de rechange aux SPFA, y compris tous les obstacles éventuels;
    • les répercussions du remplacement des SPFA, y compris les coûts et la faisabilité de leur élimination ou de leur remplacement;
    • les quantités de SPFA dans des produits fabriqués, importés et vendus au Canada.
  • Les entreprises ciblées par des poursuites liées aux SPFA devraient obtenir des conseils sur les risques de litige accrus qui pourraient résulter de l’ajout des SPFA à la liste des substances toxiques.

  1. Gouvernement du Canada, Rapport sur l’état des substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques (SPFA), mars 2025. Cette version définitive remplace les versions provisoires publiées en mai 2023 et en juillet 2024.
  2. Les fluoropolymères sont définis dans le rapport comme étant des polymères formés par polymérisation ou copolymérisation de monomères d’alcènes (dont au moins un contient du fluor lié à l’un ou aux deux atomes de carbone de l’alcène) pour former un squelette d’un polymère à base de carbone uniquement auquel des atomes de fluor sont liés directement.
  3. Notamment les polymères fluorés à chaîne latérale (PFCL) et les perfluoropolyéthers (PFPE).

Si vous souhaitez discuter ces enjeux et ces questions, veuillez contacter les auteurs.

Cette publication se veut une discussion générale concernant certains développements juridiques ou de nature connexe et ne doit pas être interprétée comme étant un conseil juridique. Si vous avez besoin de conseils juridiques, c'est avec plaisir que nous discuterons les questions soulevées dans cette communication avec vous, dans le cadre de votre situation particulière.

Pour obtenir la permission de reproduire l’une de nos publications, veuillez communiquer avec Janelle Weed.

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