Les actions collectives continuent de représenter un risque de litige important pour les entreprises de services financiers au Canada, avec une augmentation notable de poursuites liées à la protection des consommateurs. On voit de plus en plus des allégations concernant le non-respect des structures de tarification et des obligations d’information, souvent à la suite d’enquêtes journalistiques sur les pratiques des banques ou la non-convenance des produits. Ces enquêtes mènent souvent à des poursuites, ce qui rend la gestion de la réputation et la conformité proactive essentielles.
Au-delà des lois sur la protection des consommateurs provinciales, on observe aussi une hausse des actions en vertu de la Loi sur la concurrence fédérale, particulièrement celles concernant les pratiques d’indication partielle des prix et de double étiquetage. Les équipes de contentieux des institutions financières doivent désormais composer non seulement avec des régimes de déclaration d’information complexes, mais aussi avec de nouvelles attentes à l’égard de la transparence des prix en ligne. Puisque les stratégies en demande ciblent maintenant l’indication des prix en ligne, l’équipe de contentieux doit collaborer étroitement avec les équipes de marketing, de conformité et de produits pour réduire les risques.
Dans cet article, nous présentons quelques autres tendances que nous avons observées dans les actions collectives intentées contre les entreprises de services financiers au Québec et ailleurs au Canada. Nous nous appuyons également sur l’expérience des États-Unis, car l’histoire montre que les tendances observées au sud de la frontière ont tendance à migrer vers le nord.
Ces dernières années, on assiste à une hausse des actions collectives proposées à l’encontre d’institutions financières concernant l’indemnité de vacances. Une dizaine d’actions collectives sont en cours au Canada, dont environ la moitié ont été certifiées. Aucune de ces actions n’a encore été jugée sur le fond. À la fin du mois d’octobre 2025, une audience sur les questions communes est prévue dans l’affaire Curtis v. Medcan.
La portée de ces actions varie : certaines concernent des catégories d’employés étroitement définies, comme les employés à la commission, tandis que d’autres ont une portée plus large et peuvent englober presque tous les employés d’une entreprise.
Ces actions soulèvent une série de questions juridiques :
Compte tenu du niveau élevé d’activité et de publicité entourant ces actions, il est probable que les employés des institutions financières examinent de plus près leurs contrats de travail, ainsi que les politiques et les pratiques salariales de leur employeur.
L’indemnité de vacances fait également l’objet d’une attention accrue des législateurs. En juin 2024, l’Ontario a introduit des changements touchant les ententes d’indemnité de vacances, y compris l’obligation de payer l’indemnité de vacances à chaque période de paie. Les institutions ont donc intérêt à examiner la conformité de leurs pratiques de rémunération afin d’atténuer le risque d’action collective. Elles devraient notamment passer en revue leurs politiques et pratiques en matière de rémunération, leurs programmes de primes, leurs structures de rémunération variable et les relevés de paie, afin de repérer et d’atténuer les risques.
Ces deux dernières années, on observe au Québec une hausse d’actions collectives proposées alléguant que certains plans de protection et garanties prolongées constituent de l’assurance et doivent donc respecter le cadre réglementaire propre à la distribution d’assurance. Plus de 40 défenderesses (dont des magasins à grande surface, des constructeurs automobiles et leurs sociétés de financement, des fournisseurs de télécommunications et des institutions financières qui souscrivent les plans) ont été ciblées par ce type d’actions collectives. Un premier jugement d’autorisation a été rendu en juillet 2025, bien qu’aucune des actions collectives proposées n’ait encore été examinée sur le fond.
Cette vague de litiges est le dernier chapitre d’un débat réglementaire et judiciaire qui dure depuis une décennie au Québec sur la classification appropriée des garanties prolongées et des plans de protection. L’Autorité des marchés financiers (AMF) maintient que les plans qui couvrent les risques au-delà des défauts de fabrication (comme les dommages accidentels et la protection contre l’eau ou les chutes) constituent des polices d’assurance. Elle a imposé des sanctions administratives pécuniaires à plusieurs entreprises non conformes et, en 2023, la Cour d’appel du Québec1 a confirmé le pouvoir de l’AMF d’enquêter sur ces pratiques, même lorsque le vendeur n’est pas un assureur autorisé.
Ces actions soulèvent plusieurs questions juridiques :
Compte tenu de la maturité du secteur des plans de protection et de sa prévalence dans les secteurs de la consommation, les détaillants et les institutions financières devraient examiner la couverture des produits et les canaux de distribution afin d’atténuer les risques liés à la réglementation et aux actions collectives.
L’utilisation de logiciels d’intelligence artificielle (IA) dans le secteur des services financiers fait de plus en plus l’objet d’actions collectives aux États-Unis et au Canada. À ce jour, ces actions concernent pour la plupart les violations des droits de la personne et de la protection des renseignements personnels2. Les implications potentielles de cette tendance sont très importantes pour les institutions financières au Canada.
Les assureurs américains qui utilisent l’IA pour le traitement des réclamations, la souscription et le service à la clientèle ont également été confrontés à des allégations de partialité, d’information fausse ou trompeuse et de rupture de contrat. Par exemple, dans l’affaire Huskey et al. v. State Farm Fire and Casualty, les demandeurs allèguent que le système de traitement des réclamations de State Farm, piloté par l’IA, cible les propriétaires noirs de manière disproportionnée. Des poursuites similaires ont été déposées contre les assureurs Cigna et UnitedHealthcare, alléguant que leurs outils d’IA auraient refusé des soins médicaux essentiels à des populations vulnérables.
Dans le contexte de l’emploi, l’affaire Mobley v. Workday, Inc. allègue que l’outil de sélection des candidats alimenté par l’IA de Workday a discriminé les candidats sur la base de la race, de l’âge et du handicap. Utilisé par de nombreuses organisations, cet outil compare les CV des candidats aux offres d’emploi en évaluant l’adéquation des compétences et en formulant des recommandations aux employeurs. Cette affaire soulève d’importantes questions sur la responsabilité des employeurs qui s’appuient sur des systèmes d’IA de tiers susceptibles de générer des résultats biaisés.
Puisque les outils d’IA traitent d’importantes masses de données, leur utilisation par les entreprises fait également l’objet d’allégations d’atteinte à la vie privée. En effet, on observe une hausse d’actions collectives alléguant des atteintes à la sécurité des données ou un traitement inapproprié de données, particulièrement dans le cadre de la collecte, du stockage et de l’utilisation des données par les systèmes d’IA. Ainsi, plusieurs actions collectives allèguent que des entreprises ont obtenu indûment des identifiants biométriques par l’entremise de systèmes d’apprentissage machine fondés sur l’IA3.
Pour les institutions financières qui déploient de plus en plus l’IA dans des domaines comme l’évaluation du dossier de crédit, la détection des fraudes, le traitement des réclamations et le service à la clientèle, ces affaires soulignent les risques juridiques et réputationnels liés aux biais algorithmiques et la nécessité d’une gouvernance prudente des données. La réglementation de l’IA évolue également, qu’il s’agisse de lois provinciales ou de lignes directrices des organismes comme le BSIF et l’AMF.
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