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Le secteur financier canadien est en pleine mutation. Poussés par l’essor des technologies financières, de la monnaie numérique, de l’intelligence artificielle (IA) et du système bancaire ouvert, les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux tentent de moderniser les cadres législatifs, tout en s’efforçant d’intégrer l’économie canadienne en réponse aux tarifs américains.
Dans cet article, nous examinons l’évolution des approches provinciales et fédérales en matière de protection des consommateurs et offrons nos prévisions pour le secteur.
Ces dernières années, plusieurs provinces ont renforcé leur législation en matière de protection des consommateurs. Plus précisément, la législation a été remaniée en Ontario, au Nouveau-Brunswick et au Québec, tandis que la Colombie-Britannique a introduit des mesures ciblées visant l’information fournie aux consommateurs et les contrats d’abonnement.
En Ontario, les modifications proposées à la Loi sur la protection du consommateur (Nouvelle LPC de l’Ontario) introduites en 2023 établiront des exigences uniformes en matière de divulgation d’information lors de la conclusion de contrats à exécution différée, de contrats directs et de contrats à distance, y compris les contrats conclus sur Internet (précédemment il existait des exigences distinctes pour chaque catégorie). Cette mesure rend la législation plus claire et plus cohérente pour les consommateurs. La Nouvelle LPC de l’Ontario élargira également les protections contre les assertions abusives, les droits d’annulation en cas de pratique déloyale et les obligations des fournisseurs qui fournissent de l’information aux consommateurs. Les sanctions en cas d’infraction seront doublées et pourront aller jusqu’à 100 000 dollars pour les personnes physiques et 500 000 dollars pour les personnes morales.
La Nouvelle CPA de l’Ontario n’est pas encore entrée en vigueur et on attend l’adoption de règlements qui fourniront les détails les plus attendus des changements.
Depuis le 1er janvier 2025, les règlements d’application de la Loi concernant les prêts sur salaire de l’Ontario limitent les frais pour paiement refusé à 20 dollars, conformément aux limites prévues par le Code criminel décrites ci-dessous.
Contrairement à l’Ontario, le Nouveau-Brunswick ne disposait pas auparavant d’une loi distincte sur la protection des consommateurs. La protection des consommateurs y était plutôt régie par une mosaïque de lois, notamment la Loi sur la communication du coût du crédit et sur les prêts sur salaire, la Loi sur les services d’évaluation du crédit, la Loi sur le démarchage et la Loi sur les cartes-cadeaux. Le projet de loi Loi sur la protection du consommateur du Nouveau-Brunswick (LPC du N.-B.) consolide les dispositions pertinentes en une seule loi et introduit de nouvelles exigences applicables aux contrats de consommation. À l’instar des modifications apportées en Ontario, elle rend la législation plus accessible et plus transparente. La LPC du N.-B. introduit des règles pour les produits de crédit à coût élevé et, tout comme la Nouvelle LPC de l’Ontario, de nouvelles interdictions contre les pratiques déloyales. La LPC du N.-B. réglemente également les programmes de fidélisation, comme ça a été fait en Ontario et au Québec.
Tout comme la Nouvelle LPC de l’Ontario, la LPC du N.-B. n’est pas encore entrée en vigueur et ses règlements d’application restent à venir.
En Colombie-Britannique, des modifications récentes à la Business Practices and Consumer Protection Act interdisent aux fournisseurs d’inclure des clauses qui empêchent les consommateurs (a) de déposer un recours collectif ou de s’y joindre ou d’exiger qu’un litige soit soumis à l’arbitrage; et (b) de publier en ligne des avis rédigés par des personnes liées à l’entreprise. D’autres modifications proposées introduiront des exigences pour les contrats d’abonnement avec renouvellement automatique et réorganiseront les obligations d’information pour les contrats à exécution différée, les contrats de multipropriété et de vente directe et les contrats à distance. Les dispositions des contrats d’abonnement qui prévoient un renouvellement automatique devront énoncer les modalités du renouvellement.
Plusieurs modifications importantes à la Loi sur la protection du consommateur du Québec sont entrées en vigueur le 7 août 2025, dans le cadre de la mise en œuvre progressive du projet de loi 72.
Parmi les changements les plus importants figure la révision de la méthode de calcul des taux de crédit (un concept similaire au taux annuel). Sous le nouveau régime, seuls les frais annuels d’adhésion à une carte de crédit peuvent être exclus du taux de crédit déclaré. Les frais d’abonnement mensuels sont désormais interdits. En revanche, les institutions financières sont autorisées à récupérer certains coûts auprès des consommateurs, tels que les frais engagés à cause d’un chèque refusé ou d’un virement échoué, à condition que l’institution financière n’en soit pas à l’origine.
Le projet de loi 72 introduit également de nouvelles exigences régissant les modifications de certaines dispositions des contrats de crédit. Dans plusieurs cas, ces modifications doivent être énoncées dans un nouveau contrat ou dans un avenant au contrat initial. Sauf exception, toute modification entraînant une augmentation du taux ou des frais de crédit ne peut être apportée qu’à la demande expresse du consommateur.
Les formulaires de demande de crédit variable et de carte de crédit doivent désormais comporter un champ permettant au consommateur d’indiquer la limite de crédit souhaitée. Les formulaires où cette information n’est pas indiquée doivent être rejetés et il est interdit aux institutions financières d’approuver une limite supérieure à celle demandée par le consommateur.
Une nouvelle règle régissant l’affectation des paiements pour les contrats de crédit variable et de carte de crédit est également entrée en vigueur. En vertu de cette règle, les paiements doivent d’abord être appliqués aux dettes dont le taux de crédit est le plus élevé, puis à celles dont le taux est inférieur, en ordre décroissant.
Ces changements s’appuient sur des réformes antérieures introduites par les projets de loi 29 (2023) et 134 (2017) et reflètent la tendance des gouvernements provinciaux à affirmer leur autorité réglementaire en matière de protection des consommateurs. Suite à la trilogie Marcotte de la Cour suprême, qui a confirmé la compétence provinciale en matière de réglementation des cartes de crédit, le Québec continue de montrer la voie en remodelant le cadre juridique du crédit à la consommation.
Le gouvernement fédéral précédent a entrepris plusieurs initiatives de protection financière des consommateurs afin d’atténuer les tensions économiques liées à la pandémie. Les initiatives les plus récentes sont décrites ci-dessous.
Le gouvernement fédéral actuel a pris une panoplie de mesures visant à renforcer l’économie canadienne. Cependant, il a fait peu d’annonces concernant la protection des consommateurs de produits financiers. Lors de sa campagne électorale, le premier ministre Mark Carney a bien promis de rendre les prêts hypothécaires plus accessibles aux Canadiens, en offrant davantage d’options et en facilitant des termes plus longs. Aucune annonce publique n’a encore été faite concernant cette initiative.
L’été dernier, l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) a publié les résultats de son examen thématique du traitement des plaintes, axé sur la conformité des petites et moyennes banques au Cadre de protection des consommateurs de produits et services financiers. L’agence a déterminé plusieurs aspects à améliorer en soulignant ses attentes élevées à l’égard de la conformité avec le Cadre. Elle a indiqué qu’elle suivra activement les progrès réalisés par les banques dans l’amélioration de leurs politiques et procédures afin d’assurer leur conformité.
Un système bancaire ouvert est un cadre qui permet aux consommateurs de fournir à des prestataires de services financiers un accès à leurs données financières provenant de banques et d’autres institutions financières. En juin 2024, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs, établissant un cadre sur les services bancaires axés sur les consommateurs. Les aspects plus substantiels de ce cadre, tels que la responsabilité et la protection des renseignements personnels, devraient être introduits cet automne. Le Projet de loi d’exécution du budget adopté en juin dernier modifie la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada en établissant un organisme de réglementation « parallèle » au sein de l’ACFC, qui encadrera le cadre sur les services bancaires axés sur les consommateurs.
Le gouvernement fédéral devrait prendre d’autres mesures pour faire avancer cette initiative cette année. La protection des consommateurs sera une composante essentielle, l’objectif étant de « veiller à ce que les consommatrices et les consommateurs profitent de normes cohérentes en matière de protection des consommateurs et de conduite du marché qui, à leur tour, contribueraient à renforcer la confiance des consommateurs »1. Dans un discours prononcé en juin 2025, Mme Shereen, commissaire de l’ACFC, a annoncé que l’agence travaillait en étroite collaboration avec le ministère des Finances à l’élaboration de règles communes qui garantiraient une application uniforme des mesures de protection et des pratiques des prestataires de services financiers.
L’IA, utilisée par les entreprises pour améliorer l’expérience client, est en train de transformer le secteur des services financiers. Toutefois, son adoption pose de nouveaux défis et risques.
Comme nous l’avons souligné dans un bulletin précédent, entre de bonnes mains, les outils d’IA peuvent offrir une foule d’avantages pour les institutions financières et leurs consommateurs. Par exemple, les agents conversationnels révolutionnent les interactions entre les entreprises et les consommateurs, tandis que les tâches internes répétitives comme la saisie de données sont efficacement automatisées. L’IA aide également les entreprises à assurer leur conformité, à détecter et à prévenir les fraudes et à automatiser les processus de prise de décision en matière de crédit.
Parallèlement, les acteurs malveillants recourent à l’« hypertrucage » en utilisant l’IA pour créer de fausses vidéos et de faux documents qui ciblent les personnes vulnérables. La protection des données est également concernée, car les entreprises exploitent de gros volumes de données pour entraîner leurs outils d’IA.
Nous nous attendons à ce que les organismes de réglementation et les décideurs continuent de se pencher sur l’impact de l’IA sur la protection des consommateurs. En juin 2025, le gouvernement fédéral a publié un guide sur l’utilisation de l’intelligence artificielle générative à l’intention des institutions financières et des banques. Le guide présente une vue d’ensemble de l’IA générative, énonce les enjeux liés à son utilisation, propose des principes pour une utilisation responsable et recommande des politiques et des bonnes pratiques à suivre.
Au Québec, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié en juin 2025 un projet de ligne directrice sur l’utilisation des systèmes d’IA par les institutions financières. Comme nous l’avons souligné dans un bulletin précédent, le projet de ligne directrice, qui s’applique aux assureurs, aux coopératives de services financiers, aux sociétés de fiducie et aux institutions de dépôts, établit les attentes de l’AMF en ce qui concerne les mesures que les institutions financières devraient prendre pour atténuer les risques liés à l’utilisation des systèmes d’IA.
Le projet de ligne directrice s’appuie largement sur les normes internationales, notamment celles relatives à l’évaluation des risques, à la validation et à la surveillance, à la gouvernance, à la transparence et au traitement équitable des clients. L’AMF invite les personnes intéressées à soumettre leurs commentaires sur le projet au plus tard le 7 novembre 2025.
Au cours de l’année à venir, on devrait voir une attention accrue portée sur l’IA agentive, c’est-à-dire des systèmes d’IA conçus pour une prise de décision autonome. L’utilisation de l’IA agentive dans les services financiers transformera l’interaction avec les clients et continuera à façonner l’expérience client. Compte tenu de l’évolution rapide de la technologie et des capacités de l’IA, leur impact sur les consommateurs continuera à être étudié de près par les organismes de réglementation.
Dans un contexte de nouvelles réformes et technologies, les institutions financières doivent s’adapter à l’évolution réglementaire et se préparer tant aux défis qu’aux occasions qui les attendent.
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