Le 17 mars 2022, la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’appel du gouvernement fédéral à l’égard d’une décision autorisant un recours collectif contre la GRC. Le recours collectif, qui a été autorisé par la Cour fédérale en 2020, allègue que la direction de la GRC a encouragé et toléré une culture généralisée d’intimidation et de harcèlement au travail.
En janvier 2020, la Cour fédérale a autorisé un recours collectif contre la GRC au nom d’un groupe comprenant les personnes qui ont travaillé pour la GRC ou collaboré avec elle8. La demande alléguait une négligence systémique caractérisée par l’intimidation et le harcèlement général en milieu de travail.
Le gouvernement fédéral s’est opposé à l’autorisation, affirmant que la demande constitue des « différends en milieu de travail » pour lesquels il existe plusieurs mesures de redressement prévues par le législateur et processus de recours internes au sein de la GRC9. Selon lui, ces mécanismes constituent le meilleur moyen de résoudre les plaintes des demandeurs et la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence à l’égard du recours.
La Cour fédérale a rejeté à la fois l’argument de compétence et l’argument de meilleur moyen avancés par le gouvernement10. La juge McDonald a conclu que les demandes présentées par les demandeurs n’étaient pas de simples différends en matière de travail, car elles attaquaient les procédures et les systèmes mêmes qui, selon le gouvernement, peuvent offrir des mesures de redressement appropriées. La preuve présentée par les demandeurs faisait état de problèmes généralisés et omniprésents relativement aux procédures internes de la GRC, dont la procédure des griefs de la GRC, qui allaient au-delà de la discrimination fondée sur le genre et l’orientation sexuelle. La Cour a conclu que « les procédures internes de la GRC semblent ne pas pouvoir offrir des recours ou des indemnisations » relativement aux demandes et « peuvent ne pas offrir de mesure de redressement adéquate, voire n’en fournir aucune, pour certaines des demandes présentées »11.
La juge a également conclu que la définition du groupe comprend les caractéristiques communes de l’intervention professionnelle et de l’assujettissement aux politiques internes de la GRC et que ces caractéristiques communes ont un lien rationnel avec l’allégation de négligence systémique. Le groupe exclut les personnes couvertes par les ententes de règlement existantes conclues dans le cadre des recours en harcèlement contre la GRC fondés sur le sexe (Merlo) et sur l’orientation sexuelle (Ross et al).
En 2021, le gouvernement a fait appel de la décision de la juge McDonald, affirmant entre autres que la Cour fédérale a « commis une erreur manifeste et dominante » en concluant qu’il existait un certain fondement factuel établissant que le recours collectif constituait le meilleur moyen de régler le différend. La Cour d’appel fédérale a maintenu la décision de la Cour fédérale avec deux exceptions : elle a limité la portée du groupe autorisé (en excluant tous les employés syndiqués, employés civils temporaires, employés saisonniers, employés nommés pour une courte période, employés occasionnels et étudiants) et a supprimé la quatrième question commune relative à l’évaluation globale des dommages-intérêts. Elle a également maintenu la conclusion de la juge MacDonald que le recours collectif est le meilleur moyen de régler ce différend12.
Le gouvernement a déposé une demande d’autorisation d’appel de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale. La Cour suprême a rejeté sa demande et, conformément à la pratique établie, n’a pas publié les motifs de sa décision.
Puisque l’affaire Greenwood c. Canada a été instruite devant la Cour fédérale, il reste à voir comment ce type de contestation du meilleur moyen sera abordé en Ontario. En vertu des modifications apportées aux dispositions relatives au meilleur moyen dans la Loi sur les recours collectifs (entrées en vigueur en octobre 2020), les demandeurs doivent démontrer que 1) le recours collectif proposé est le moyen supérieur à tous les autres pour établir les droits des membres du groupe et que 2) les questions de fait ou de droit communes aux membres du groupe l’emportent sur les questions individuelles13. Il n’est donc pas clair si les tribunaux ontariens vont maintenant s’en remettre aux procédures et aux mécanismes de signalement internes des organisations dans le cadre des recours collectifs liés au milieu de travail.
Cette décision rappelle que la seule existence de systèmes internes conçus pour lutter contre l’intimidation et le harcèlement en milieu de travail peut être insuffisante pour protéger un employeur de l’autorisation d’un recours collectif concernant des allégations de négligence systémique. Cela concerne particulièrement les cas où le recours des employés a trait au caractère inadéquat des procédures internes de l’organisation.
Cette décision souligne également le rôle de la direction dans l’établissement d’une culture organisationnelle qui encourage et tolère des comportements problématiques. Les organisations devraient séparer le plus possible leurs mécanismes de signalement interne de leurs opérations courantes afin de réduire le risque de représailles contre les employés et de pressions indues sur les décideurs de la part de la direction.
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