16 octobre 2025Calcul en cours...

Est-ce viable? Est-ce commun? La Cour d’appel de la Colombie-Britannique renforce les exigences en matière de certification

Ce mois-ci, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rendu deux décisions en l’espace de deux jours dans lesquelles elle fournit des précisions sur la certification des actions collectives dans la province : RateMDs Inc. v. Bleuler1 et Syngenta AG v. Van Wijngaarden2. Lus conjointement, ces arrêts démontrent que la Cour continue de mettre l’accent sur l’obligation qu’a le demandeur de prouver qu’il remplit les conditions de certification – l’existence d’une cause d’action viable et la présence de questions communes – avant qu’une action ne puisse être certifiée. De plus, la Cour précise que les éléments de preuve présentés par un demandeur pour établir l’existence d’un « certain fondement factuel » donnant ouverture à la certification doivent satisfaire aux critères d’admissibilité habituels, et décourage la pratique consistant à joindre à l’affidavit d’un professionnel du droit de nombreux documents qui constituent du ouï-dire et qui sont non identifiés, non authentifiés et accessibles au public.

Ce que vous devez savoir

  • La certification n’est pas un mécanisme d’approbation à l’aveuglette. La Cour souligne la nécessité d’examiner attentivement si les demandes sont viables en droit à l’étape des plaidoiries et si les questions communes proposées sont réellement communes. Elle réitère son principe directeur : la certification doit être un « mécanisme de filtrage efficace ».
  • La nouveauté et la complexité ne suffisent pas pour obtenir la certification. Les demandes nouvelles ou complexes qui n’ont aucune chance raisonnable d’être accueillies doivent être distinguées de celles qui sont défendables à l’étape des plaidoiries.
  • Les questions relatives aux réparations qui nécessitent une évaluation individuelle ne sont pas des questions communes. Les questions relatives à la détermination des dommages-intérêts pour lesquelles une conclusion sur le lien de causalité spécifique ou une évaluation individuelle sont nécessaires ne sont pas des questions communes valables.
  • Les règles de preuve habituelles s’appliquent à la certification. La Cour critique la pratique courante qui consiste à joindre aux affidavits d’avocats ou de parajuristes un grand nombre de documents qui semblent souvent provenir des médias ou de recherches en ligne. Les demandeurs doivent être en mesure d’authentifier les documents et d’expliquer les raisons pour lesquelles ils sont admissibles, y compris leur pertinence, leur valeur probante et, si les documents constituent du ouï-dire, la source de l’information.

L’arrêt RateMDs

Dans l’arrêt RateMDs, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique accueille l’appel des défenderesses et annule la certification d’une action collective proposée au nom de professionnels de la santé dont certains renseignements figuraient sur le site RateMDs.com, notamment leur nom, les cotes leur étant attribuées et des avis les concernant. La demanderesse faisait valoir qu’un délit découlant de la violation de la législation provinciale sur la protection des renseignements personnels avait été commis.

La Cour d’appel conclut que la demanderesse n’a pas démontré l’existence d’une cause d’action viable. Ses prétentions, bien que nouvelles, ne pouvaient être accueillies :

  • Pas de nouveau délit pour la simple utilisation de renseignements personnels. La législation sur la protection des renseignements personnels ne confère pas à un demandeur le droit de contrôler l’utilisation de tous les renseignements personnels – l’atteinte à la vie privée dépend du contenu des renseignements ou de l’existence d’une attente raisonnable en matière de protection de la vie privée. Le fait que le délit soit nouveau et complexe n’est pas suffisant pour franchir le seuil de la certification. Les professionnels de la santé ne peuvent pas raisonnablement s’attendre à ce que les renseignements concernant leurs services soient privés, pas plus qu’ils ne peuvent contrôler les sites Web pouvant publier de tels renseignements. Les avis publics sur les services de professionnels sont courants et ne constituent pas, en soi, une violation de la vie privée.
  • Pas de demande valable en l’absence d’usage commercial. La demande pour utilisation non autorisée du nom et de l’image n’avait aucune chance raisonnable d’être accueillie, car les défenderesses n’exploitaient pas commercialement les noms des membres du groupe proposé, lesquels faisaient simplement l’objet de commentaires.

L’arrêt Syngenta

Dans l’arrêt Syngenta, la Cour d’appel accueille, en partie, l’appel d’une ordonnance certifiant une action collective introduite au nom de personnes exposées à des herbicides contenant du paraquat. Les demanderesses alléguaient que l’exposition au paraquat augmentait le risque d’avoir la maladie de Parkinson. La demande était fondée sur la négligence, les actes de violence et l’enrichissement injustifié.

La Cour conclut que la demande pour acte de violence ne pouvait être certifiée. S’appuyant sur les affaires DeBlock v. Monsanto Canada ULC3 (une décision dans laquelle Torys représentait les défenderesses) et Palmer v. Teva Canada Limited4 (lire notre bulletin sur cette affaire), elle statue qu’une exposition alléguée à un produit est insuffisante pour satisfaire à l’exigence de contact direct applicable aux actes de violence.

De plus, la Cour rejette les questions communes relatives aux différentes réparations pour les raisons suivantes :

  • les dommages-intérêts généraux pour négligence et remboursement des frais de santé subrogés exigent la preuve d’un lien de causalité individuel et ne sont donc pas des questions communes valables;
  • les dommages-intérêts majorés ne se prêtent pas à une décision commune, car ils requièrent la preuve du préjudice subi par un demandeur;
  • la restitution n’est pas une réparation possible pour la cause d’action fondée sur la négligence.

Dans ses motifs, la Cour critique une tactique couramment employée par les demandeurs : la présentation de centaines ou de milliers de pages de documents trouvés en ligne (en l’occurrence, des documents judiciaires américains, des articles de presse, des études scientifiques, des pages Web et des publicités) annexés à des affidavits d’avocats ou de parajuristes. La Cour est d’avis que cette stratégie viole les principes de la preuve.

Principaux points à retenir

Ensemble, les arrêts RateMD et Syngenta établissent deux points importants en ce qui concerne a) la fonction de contrôle des critères de certification et b) les règles de preuve applicables aux dossiers de certification.

Les critères de certification remplissent une fonction de contrôle importante

RateMD et Syngenta renforcent le rôle des critères de certification, qui constituent le seuil à franchir pour la certification. La Cour d’appel rappelle aux juges saisis des requêtes qu’ils jouent un rôle de contrôle important en s’assurant que seules les demandes liées à l’intérêt commun des membres du groupe sont présentées. Les tribunaux doivent examiner rigoureusement si un demandeur a rempli chacun des critères de certification, même si les demandes sont nouvelles ou complexes. Les plaidoiries qui n’ont aucune chance raisonnable de réussir, c’est-à-dire les demandes qui ne sont pas suffisamment fondées en droit ou en fait, doivent être rejetées à un stade préliminaire.

Ce degré d’examen s’étend également au critère des questions communes. Les questions communes proposées qui dépendent en grande partie d’évaluations individuelles, comme celles du lien de causalité ou des circonstances individuelles, ne peuvent pas être tranchées à l’échelle de l’action collective et ne doivent pas être certifiées. C’est notamment le cas pour les dommages-intérêts compensatoires et majorés ainsi que pour le recouvrement des frais de santé.

Les règles de preuve habituelles s’appliquent lors d’une audience de certification

Une demande de certification en Colombie-Britannique doit être étayée par une preuve par affidavit qui démontre qu’il existe un « certain fondement factuel » en lien avec le critère des questions communes. L’arrêt Syngenta resserre les paramètres relatifs au type de preuve que les parties peuvent présenter dans le cadre d’une demande de certification :

  • Les éléments de preuve doivent être pertinents et probants. Ils ne sont admissibles que s’ils sont pertinents, si leur valeur probante l’emporte sur leur effet préjudiciable et s’ils ne sont pas visés par une règle d’exclusion (ouï-dire inadmissible).
  • Le ouï-dire est présumé inadmissible. Les auteurs d’affidavit peuvent présenter une preuve fondée sur de l’information et des croyances, mais ils doivent en indiquer la source. Cette source doit être une personne physique et non une société. Le double ouï-dire est toujours inadmissible.
  • Les documents doivent être authentifiés. Un document ne peut être présenté que si la partie qui l’invoque prouve qu’il est bien ce qu’il prétend être. Les défendeurs ne sont pas tenus d’authentifier les documents présentés par le demandeur. Cette obligation incombe au demandeur.
  • Les documents qui ne sont pas présentés pour la véracité de leur contenu doivent être pertinents d’une autre manière. La pertinence est un critère nécessaire de la recevabilité : si une partie se fonde sur l’existence du document et non sur la véracité de son contenu, elle doit démontrer le lien entre le document et ses prétentions.
  • L’exception relative aux documents publics est restreinte. Les documents accessibles au public ne sont pas tous des documents publics. L’exception relative aux documents publics s’applique aux déclarations écrites préparées par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions publiques. Celles-ci ne peuvent être admises si elles ne sont pas fiables.
  • De nombreux documents ne peuvent être admis avant que leur authenticité et leur recevabilité ne soient évaluées. Les juges doivent effectuer ces analyses avant de s’appuyer sur les documents.

Conséquences

Les personnes qui doivent se défendre contre une demande de certification doivent évaluer attentivement le dossier du demandeur et envisager leur stratégie sous les angles suivants :

  • La viabilité des plaidoiries du demandeur. Si les plaidoiries du demandeur ne présentent pas un fondement juridique viable ou n’indiquent pas les faits importants nécessaires pour démontrer les causes d’action alléguées, elles risquent d’être radiées à l’étape de la certification, même si elles sont considérées comme nouvelles ou complexes. Les défendeurs doivent réfléchir aux plaidoiries dont ils souhaitent demander la radiation.
  • Le caractère commun des questions proposées. Les questions communes proposées qui nécessiteraient des évaluations individuelles pour être tranchées ne sont pas certifiables. Les défendeurs doivent évaluer les questions communes proposées afin de déterminer si elles présentent le degré de communauté exigé.
  • Les documents qui ne respectent pas les règles de preuve ne peuvent pas être admis. La Cour d’appel confirme qu’un demandeur ne peut pas se contenter d’annexer des documents à un affidavit sans expliquer pourquoi ils sont authentiques, d’où ils proviennent et pourquoi ils sont pertinents. Les défendeurs ont intérêt à contester les éléments de preuve qui ne satisfont pas à ces exigences.

  1. RateMDs Inc. v. Bleuler, 2025 BCCA 329.
  2. Syngenta AG v. Van Wijngaarden, 2025 BCCA 334.
  3. DeBlock v. Monsanto Canada ULC, 2023 ONSC 6954.
  4. Palmer v. Teva Canada Limited, 2024 ONCA 220.

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