Le gouvernement canadien élargit son cadre législatif sur la lutte contre le blanchiment d'argent (LBA) et le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) redouble ses efforts de contrôle de la conformité, en prévision de l’évaluation du Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPC-FAT) par le Groupe d’action financière (GAFI) à la fin de 2025. Le présent article décrit les changements à la réglementation récemment apportés ou proposés qui ont une incidence sur le secteur financier, notamment les changements à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT), et met en évidence les nouveaux enjeux auxquels sont confrontées les entreprises de technologie financière comme les fournisseurs de services de paiement (FSP) et les entreprises de services monétaires (ESM) – y compris les entreprises de monnaies virtuelles.
Le blanchiment d’argent consiste à dissimuler l’origine de l’argent provenant d’activités criminelles afin de le faire passer pour de l’argent issu de sources légitimes. Le Code criminel canadien prévoit une série d’infractions liées au blanchiment d’argent qui s’appliquent à l’ensemble de la population canadienne. Ces infractions comprennent non seulement le fait de prendre part à toute forme d’opération liée aux produits de la criminalité ou de ne pas se soucier du fait qu’il s’agit de produits de la criminalité, mais aussi le complot ou l’incitation à l’égard de telles opérations. Il faut par ailleurs souligner que le Code criminel a une compétence juridictionnelle très étendue. Cela signifie que même si un acte est autorisé dans un autre pays, les produits qui en découlent sont tout de même considérés comme des produits de la criminalité au Canada si cet acte, commis au Canada, était considéré comme illégal en vertu des lois canadiennes.
Contrairement au Code criminel, la LRPCFAT, administrée par le CANAFE, ne s’applique qu’à certaines entités déclarantes (ED) considérées comme présentant un risque plus élevé de blanchiment d’argent, notamment les entités financières, les courtiers en valeurs mobilières et les entreprises de services monétaires (y compris certains FSP et d’autres entreprises de technologie financière). Elle prévoit des obligations de conformité pour les ED et permet au CANAFE de recueillir des renseignements de nature financière afin de détecter et de prévenir le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Ces obligations comprennent notamment celles qui suivent.
Au cours des dernières années, dans la foulée des changements apportés par le GAFI, le gouvernement fédéral a activement élargi la portée de la LRPCFAT. Quatre mises à jour revêtent une importance particulière pour les institutions financières (IF) :
En attendant, le gouvernement fédéral a proposé d’autres modifications à la LRPCFAT, notamment par le projet de loi C-2, Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, déposé à la Chambre des communes en juin 2025. Les principaux changements comprennent une multiplication par 40 du montant des sanctions administratives pécuniaires et l’obligation d’inscription pour toutes les ED (pas seulement les EMS et les EMS étrangères). Le projet de loi C-2 prévoit aussi interdire à certaines ED, ainsi qu’à « toute personne ou entité qui se livre à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou qui sollicite des dons de bienfaisance en argent du public » d’accepter un paiement, un don ou un dépôt en espèces de 10 000 $ ou plus dans le cadre d’une même opération ou d’une série d’opérations liées. Il serait également interdit aux IF d’accepter des dépôts de tiers en espèces. Ces modifications élargissent considérablement le champ d’application de la LRPCFAT et pourraient contribuer à une évolution accélérée des paiements numériques et des monnaies virtuelles, tant pour les opérations licites qu’illicites.
Dans le secteur des services de paiement, la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (LAAPD), adoptée en 2021 et administrée par la Banque du Canada, réglemente les FSP, notamment en assurant la protection des fonds des utilisateurs finaux et la gestion des risques opérationnels. La LAAPD prévoit des exigences en matière d’inscription et de déclaration et la communication d’informations entre la Banque du Canada et le CANAFE. Ces exigences d’inscription sont entrées en vigueur le 8 septembre 2025.
Aux termes de la LAAPD, les FSP doivent utiliser un compte de fiducie ou un compte distinct assorti d’une assurance ou d’une garantie afin de protéger les fonds des utilisateurs finaux contre les créanciers en cas d’insolvabilité de l’entité. Les ESM et les FSP peuvent être considérés comme des clients à haut risque pour les banques et les petites IF doivent s’assurer qu’elles sont en mesure d’assumer les risques liés à leurs services bancaires et qu’elles disposent de politiques et de procédures appropriées pour atténuer ces risques. Les IF doivent s’assurer que les titulaires de comptes qui sont des ESM ou des FSP satisfont aux exigences d’inscription applicables (ou qu’ils ont un motif valable de dispense). De plus, les entreprises de technologie financière sortent de plus en plus du cadre bancaire traditionnel, notamment en devenant des négociateurs de monnaie virtuelle. Les banques doivent prendre des mesures particulières lorsque ces entreprises offrent des coffres-forts numériques pour y conserver de la monnaie numérique (c’est-à-dire des coffres-forts virtuels). Cette pratique ne relève pas du champ de compétence des EMS ou des FSP, et par conséquent, les entreprises de technologie financière ne sont pas soumises aux exigences rigoureuses de la LRPCFAT ou de la LAAPD. Les IF qui souhaitent offrir des services bancaires à ce type de clientèle devraient tenir compte des risques liés à la fois à la LRPCFAT et au Code criminel. De plus, certaines banques de petite et moyenne taille qui ne sont pas des adhérents pourraient être limitées par la tolérance au risque de leurs adhérents.
Compte tenu de l’évolution continue de la réglementation canadienne et de la propension du CANAFE à imposer des sanctions administratives pécuniaires, les IF sont confrontées à des contraintes de conformité de plus en plus complexes et doivent donc veiller à rester informées.
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