Le mois dernier, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a publié une version révisée de la ligne directrice E-23 (la ligne directrice), qui énonce les attentes à respecter à l’égard de la gestion du risque de modélisation (GRM) à l’échelle de l’entreprise. Cette mise à jour, qui entrera en vigueur le 1er mai 2027, vise à répondre à l’utilisation croissante de l’IA en ajoutant de nouvelles exigences et en élargissant la portée de la ligne directrice, avec des conséquences importantes pour les entités sous réglementation fédérale et leurs fournisseurs de services.
Le 20 novembre 2023, le BSIF a publié une version révisée à l’étude de la ligne directrice E-23 pour consultation publique, consultation qui a pris fin le 22 mars 2024. Cette version présentait plusieurs modifications par rapport à la version de la ligne directrice de 2017 intitulée Gestion du risque de modélisation à l’échelle de l’entreprise dans les institutions de dépôts. Bien que bon nombre des révisions aient été conservées dans la version finale, d’autres modifications ont également été intégrées en réponse aux commentaires formulés par les parties prenantes. Par exemple, la version de 2023 s’appliquait aux régimes de retraite privés fédéraux, mais la version finale de 2025 les exclut.
La ligne directrice définit les termes « modèle » et « modélisation » au sens large afin d’englober toutes les méthodes qui traitent des données en entrée pour générer des résultats. En outre, cette définition inclut expressément les méthodes d’IA et d’AA.
Le principal changement apporté à la ligne directrice concerne l’élargissement de sa portée, tant en ce qui a trait aux entités et aux modèles visés qu’aux risques de modélisation qu’elle veut encadrer.
En plus d’élargir la portée de la ligne directrice, la version révisée met l’accent sur les éléments du cadre de GRM, résumés ci-dessous.
Le BSIF s’attend à ce que les IFF établissent un cadre de GRM comprenant les éléments suivants :
Une IFF doit avoir des politiques, procédures et mécanismes de contrôle qui s’appliquent à l’ensemble du cycle de vie des modèles. Ces instruments doivent être rigoureux, consignés par écrit de manière exhaustive et détaillée, et suffisamment souples pour s’adapter à l’évolution des technologies et aux différents types de modèles et de risques. Ils doivent également suivre les meilleures pratiques de gouvernance, notamment inclure une définition claire de l’obligation de rendre des comptes.
Une IFF doit affecter des ressources adéquates à la GRM. Elle doit être en mesure de démontrer que ses ressources sont suffisantes pour que le cadre de gouvernance soit solide.
Un certain nombre d’attentes transversales de la ligne directrice doivent orienter la mise en place, le fonctionnement et l’amélioration des cadres de GRM des IFF :
Le BSIF précise les attentes applicables aux IFF à chaque étape du cycle de vie du modèle. Les points saillants sont les suivants :
La mise en œuvre d’un cadre de GRM se traduit par des attentes accrues pour les IFF en ce qui concerne les modèles et les données provenant de sources externes, y compris de bureaux étrangers et de tiers fournisseurs, conformément à la ligne directrice B-10, Gestion du risque lié aux tiers du BSIF. De nombreux fournisseurs d’IA et d’AA n’ont pas encore nécessairement mis en place des capacités de gouvernance, de validation et de production de rapports conformes à ces exigences, en particulier en ce qui concerne les défis liés à la complexité, à l’autonomie et à l’explicabilité des modèles d’IA ou d’AA mentionnés dans la ligne directrice. Une IFF devra évaluer et gérer les risques résiduels liés aux tiers fournisseurs de modèles qui ne respectent pas pleinement les normes de GRM, et s’assurer que ces risques restent dans les limites de sa propension à prendre des risques. Ces risques peuvent être atténués par des processus de gouvernance documentés, une supervision rigoureuse et une responsabilité clairement établie au niveau du conseil d’administration et de la haute direction.
Au-delà des relations avec leurs fournisseurs, les IFF peuvent prendre un certain nombre de mesures pour se conformer à la ligne directrice d’ici son entrée en vigueur le 1er mai 2027.
Compte tenu de la portée élargie de la nouvelle ligne directrice et de l’adoption accélérée de l’IA, une IFF doit évaluer son cadre et ses pratiques de gouvernance en matière de GRM par rapport aux attentes du BSIF. Il lui est conseillé de consigner les politiques, procédures et pratiques pertinentes, ainsi que les lacunes repérées et les occasions d’amélioration. Elle doit ensuite hiérarchiser ces lacunes et améliorations potentielles en fonction de leur risque et des considérations commerciales qui y sont liées.
Pour se faire une idée de la portée des modèles qu’elle utilise, une IFF peut commencer par recenser ses modèles et en établir un inventaire. Cette démarche permet de mieux déterminer la portée et l’échelle du cadre de GRM requis.
Certaines attentes de la ligne directrice peuvent nécessiter un effort considérable sur les plans de la gouvernance et de l’organisation. Il s’agit notamment de répondre aux attentes du BSIF en matière de ressources et de dresser un inventaire de tous les modèles comportant un risque non négligeable. Informer et mobiliser le personnel approprié de l’IFF peut s’avérer utile pour structurer les processus et permettre de répondre aux exigences substantielles de la ligne directrice.
Une IFF qui met en place ou améliore un cadre de GRM ou de gouvernance de l’IA doit prendre en compte la mesure dans laquelle elle doit intégrer d’autres exigences et lignes directrices légales (proposées ou déjà en vigueur). Parmi les obligations et lignes directrices existantes, on peut citer les exigences de notification concernant la prise de décision automatisée au Québec et les lignes directrices des autorités de protection de la vie privée sur l’IA générative. Une IFF présente en Europe doit également se conformer à la Loi européenne sur l’intelligence artificielle.
Dans l’analyse des lacunes de son cadre de GRM, une IFF doit inclure les politiques d’approvisionnement, les procédures de contrôle diligent et les modalités contractuelles standards. De manière générale, une IFF doit s’assurer que des protections contractuelles adéquates sont en place, notamment des mécanismes de surveillance, une documentation appropriée ainsi que des plans de contingence et d’urgence lorsqu’elle utilise des données ou des modèles externes, car elle demeure responsable de leur utilisation. Dans certains cas, elle pourrait devoir mettre à jour des contrats à long terme présentant un risque élevé pour qu’ils respectent les attentes du BSIF.
Les deux parties bénéficieraient également d’une répartition claire des responsabilités. Dans certains cas, l’utilisation d’une matrice des responsabilités peut faciliter cette répartition.
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