Dans une récente décision, la Cour fédérale a appliqué une clause d’arbitrage et a suspendu une partie d’un recours collectif envisagé contre Amazon concernant une fixation des prix1. Cette décision correspond à un ensemble de précédents confirmant la force exécutoire des conventions d’arbitrage et des renonciations à un recours collectif généralement prévues dans les conditions d’utilisation2.
En 2020, un recours collectif envisagé contre Amazon a été déposé devant la Cour fédérale alléguant qu’Amazon avait commis un complot avec des vendeurs tiers visant à fixer les prix des produits vendus sur les plateformes d’Amazon, en violation de la Loi sur la concurrence. En 2021, Amazon a déposé une requête visant à suspendre une partie de l’instance en faveur de l’arbitrage.
Pour décider si elle doit accorder la suspension de l’instance, la Cour fédérale s’est penchée sur trois questions :
La Cour fédérale a conclu qu’il y avait une convention d’arbitrage en place, que la réclamation proposée relevait de la convention et qu’il n’y avait aucun motif pour refuser la suspension.
La demanderesse a accepté de conclure une convention d’arbitrage dans le cadre des conditions d’utilisation d’Amazon lorsqu’elle a créé un compte et chaque fois qu’elle a effectué un achat. La Cour fédérale a rejeté l’argument de la demanderesse selon lequel elle n’a pas été adéquatement informée de la convention d’arbitrage, puisque les contrats d’achat au clic sont considérés comme valides par les tribunaux canadiens depuis plus de vingt ans et que cette clause était bien visible, n’étant pas en petits caractères.
La Cour a jugé que la convention d’arbitrage d’Amazon avait une vaste portée englobant toutes les questions liées aux achats effectués sur les plateformes d’Amazon.
Sous réserve d’exceptions limitées, tout différend relevant d’une convention d’arbitrage doit être suspendu en faveur de l’arbitrage. Cela s’applique également aux différends concernant la compétence de l’arbitre et la validité de la convention d’arbitrage. À ce jour, les tribunaux ont établi trois exceptions à cette règle. D’abord, en cas de contestation de la validité d’une convention d’arbitrage, un tribunal peut résoudre la contestation s’il n’y a pas de débat sérieux sur la question. En deuxième lieu, si une contestation de la compétence d’un arbitre concerne une question de droit ou une question mixte de droit et de fait exigeant seulement un examen superficiel d’une preuve documentaire et si le tribunal est convaincu que la contestation n’est pas une tactique visant à retarder l’instance et ne portera pas préjudice au recours à l’arbitrage, le tribunal peut trancher la question. Troisièmement, si le fait de soumettre la question à l’arbitrage empêche une partie d’arbitrer, le tribunal s’abstiendra de le faire.
En l’espèce, la demanderesse a affirmé qu’il lui sera impossible d’arbitrer ses réclamations, puisqu’un arbitre ne pourra pas accorder un recours en vertu de la Loi sur la concurrence (étant donné que la clause relative au choix du droit applicable désigne les lois américaines), que le coût de l’arbitrage était prohibitif et que la convention était contraire à l’ordre public et inique. La Cour a rejeté ces arguments. Pour affirmer qu’une partie est empêchée d’avoir recours à l’arbitrage, il doit être clairement établi qu’il existe une perspective réelle de déni d’accès à la justice, et non pas la seule possibilité d’un déni d’accès à la justice. Malgré les preuves d’expert qu’elle a déposées, la demanderesse n’a pas réussi à satisfaire cette exigence.
Selon la Cour, la preuve ne permettait pas d’établir que l’arbitre ne pourrait accorder aucun recours, même s’il ne peut appliquer la Loi sur la concurrence. La Cour a également déterminé que le coût de l’arbitrage n’était pas prohibitif et que tout obstacle auquel la demanderesse était confrontée découlait de la nature de la réclamation qu’elle cherchait à faire valoir. La convention d’arbitrage limitait le coût initial de l’arbitrage à 200 $ pour la demanderesse et lui laissait l’option d’intenter une poursuite aux petites créances.
La Cour a également conclu que la convention d’arbitrage et la renonciation aux recours collectifs n’étaient pas contraires à l’ordre public, en partie parce qu’il n’y a pas eu d’intervention législative interdisant ces formes d’ententes. Alors que les lois de l’Ontario, du Québec et de l’Alberta interdisent les clauses d’arbitrage dans les contrats de consommation, la Cour a souligné le fait que ni la Loi sur la concurrence ni la législation américaine régissant la convention ne contenaient une telle intervention législative. La Cour a expliqué que même si les préjudices allégués par la demanderesse sont ceux du consommateur moyen – payer un prix excessif pour des biens achetés dans le cadre de transactions de consommation – la conduite ayant mené à ce préjudice a un caractère commercial unique.
Enfin, la Cour a jugé que la clause d’arbitrage n’était pas inique puisqu’il n’y avait pas d’inégalité manifeste du pouvoir de négociation ni un marché imprudent au moment où la convention a été conclue.
En conclusion, la Cour fédérale a suspendu une partie du recours collectif envisagé en faveur de l’arbitrage. Cette décision confirme que les suspensions en faveur de l’arbitrage sont refusées dans des exceptions limitées seulement. À moins de circonstances exceptionnelles, les conventions d’arbitrage et les renonciations aux recours collectifs sont appliquées.
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