Conférenciers
Sylvie Rodrigue (00:06): Bonjour, mon nom est Sylvie Rodrigue et je suis accompagnée de mon associé Christopher Richter. Aujourd’hui, nous allons discuter de quelques développements importants en matière d’actions collectives relatives aux valeurs mobilières au Québec. Chris, la première constatation est qu’il s’agit souvent de recours multijuridictionnels ou qui sont déposés aussi en parallèle hors Québec. Comment explique-t-on ce phénomène selon toi? Et quel est l’impact sur les avocats au Québec?
Christopher Richter (00:29): Bonjour Sylvie. En effet, si le siège social du défendeur est au Québec et s’il s’agit d’un émetteur au Québec, les tribunaux québécois ont certainement juridiction pour entendre l’affaire. Cependant, dans bien des cas, le siège social du défendeur est plutôt ailleurs, ce qui explique le dépôt de recours parallèles hors Québec. Récemment, il y a eu des décisions intéressantes dans lesquelles les tribunaux ont jugé que les affaires qui concernent le marché secondaire doivent être entendues là où les actions ont été négociées.
Habituellement, ceci veut dire l’endroit où se trouve la Bourse : Toronto ou New York dans la plupart des cas. Les tribunaux où se trouvent ces bourses auront donc compétence pour instruire les demandes de tous les porteurs de titres qui ont acquis les titres sur ces bourses. Le groupe proposé sera alors national ou même international. Au Québec, cela donne au défendeur de bons arguments pour contester la compétence du tribunal ou du moins limiter la portée du groupe aux résidents du Québec seulement.
Il y a également la possibilité de suspendre les procédures au Québec en attendant l’issue du litige devant un forum plus approprié. Il est important qu’il y ait une coordination étroite entre les avocats agissant en défense dans toutes les juridictions où des actions collectives ont été déposées. Torys est bien positionné à cet égard, vu notre approche d’équipe unique et intégrée avec nos avocats pratiquant dans plusieurs juridictions, ce qui évite la duplication du travail.
Ceci permet aussi de coordonner efficacement la nature de la preuve devant être déposée devant chaque tribunal. Justement, au sujet de la preuve au Québec, Sylvie, je crois que ton équipe a récemment obtenu gain de cause dans un dossier important concernant le droit des défenderesses de déposer de la preuve sans permission du tribunal.
Sylvie Rodrigue (02:16): Effectivement, ce fut une décision très importante pour le barreau de la défense dans ce domaine. Au Québec, il est bien connu évidemment que les règles sont beaucoup plus strictes qu’ailleurs au pays relativement à la preuve que les défendeurs peuvent déposer pour contester une demande d’autorisation d’action collective. Rien ne se fait de plein droit et la permission du tribunal est requise.
Par contre, ces restrictions ne s’appliquent pas à une demande d’autorisation en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières qui concerne des allégations d’information fausse ou trompeuse sur le marché secondaire. Il est maintenant clair que les défenderesses peuvent déposer de la preuve de plein droit pour contester cette demande d’autorisation. Toutefois et malheureusement, ceci ne veut pas dire que les défenderesses ont carte blanche comme ailleurs au pays.
Le tribunal au Québec, dans le cadre de ses pouvoirs très larges de gestion, demeure maître de la proportionnalité et peut d’office restreindre la preuve qui peut être déposée par les défendeurs. Par exemple, la Cour d’appel a récemment conclu que le tribunal ne pouvait pas évaluer la valeur probante de rapports d’experts contradictoires au stade de l’autorisation, et ce, même en vertu du test d’autorisation de la Loi sur les valeurs mobilières.
Il doit quand même examiner les expertises pour s’assurer que celles-ci appuient la demande d’autorisation, mais il ne s’agit pas d’une bataille d’experts, comme ce serait le cas au procès. Par ailleurs, Chris, tu défends actuellement une action intentée en vertu à la fois de la Loi sur les valeurs mobilières et du Code civil. Pourquoi, selon toi, les demandeurs continuent de plaider les deux causes d’action?
Christopher Richter (03:39): C’est une bonne question, Sylvie. En vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, les demandeurs n’ont pas à démontrer que chacun des membres s’était fié à l’information fausse ou trompeuse, ce qui est un net avantage sur le fond, puisque le lien causal est présumé. Ce n’est pas le cas de l’article 1457 du Code civil. Dans quelques décisions récentes, les tribunaux ont d’ailleurs refusé d’autoriser la demande fondée sur la responsabilité civile, car le lien de causalité n’avait pas été plaidé de manière appropriée.
S’il suffit d’ajouter quelques phrases pour alléguer que le demandeur a acquis les titres et a subi des pertes à cause de l’information fausse ou trompeuse, il ne pourrait s’agir que d’un revers temporaire pour le barreau de la demande. D’ailleurs, certains tentent maintenant de faire des allégations un peu plus précises à ce sujet pour contourner ces décisions.
Stratégiquement, ils ont intérêt à continuer de plaider la responsabilité civile puisque, contrairement aux causes d’action en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, les actions en responsabilité civile n’ont pas besoin d’être autorisées, sauf pour passer le cap de l’article 575 du Code de procédure civile au niveau de l’action collective – un seuil qui n’est pas difficile à franchir. Si l’autorisation en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières n’est pas accordée, les demandeurs veulent donc conserver une autre base pour leur recours. On peut quand même se demander si le jeu en vaut la chandelle, puisqu’il reste difficile d’amener ce genre de dossier à procès.
Sylvie Rodrigue (05:06): En tout cas, cela démontre clairement que les avocats en demande ne sont pas tout à fait prêts à lâcher ce morceau. Après un ralentissement quant au nombre de demandes déposées dans ce domaine, il semble y avoir une recrudescence dernièrement et le droit risque donc de continuer de se développer en 2025. C’est à suivre. Merci de vous être joints à nous.
Dans cette vidéo, Sylvie Rodrigue, Ad. E., et Christopher Richter font le point sur les nouveaux développements dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les réclamations pour information fausse ou trompeuse sur le marché secondaire. Sylvie et Chris discutent des sujets suivants :
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