Les innovations technologiques dans le secteur financier canadien transforment la manière dont les Canadiens accèdent aux produits et services financiers et les utilisent. Dans son budget 2025 (le Budget), le gouvernement fédéral (le gouvernement) a réaffirmé son objectif de moderniser les systèmes de paiement canadiens en s’engageant à lancer le système de paiement en temps réel au Canada en 2026 et à mettre en œuvre deux nouveaux cadres législatifs : l’un régissant les services bancaires axés sur les consommateurs et l’autre régissant les cryptomonnaies stables adossées à une devise.
Alors que beaucoup s’attendaient à ce que le gouvernement annonce son intention de présenter un projet de loi visant à compléter la Loi sur les services bancaires axés sur les consommateurs (LSBC), le Budget contient plusieurs annonces surprenantes concernant les plans de mise en œuvre et de surveillance de cette loi.
La plus grande surprise est le transfert du mandat de surveillance et d’administration de la LSBC de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) à la Banque du Canada. Le Budget stipule que cette délégation de responsabilités à la Banque du Canada s’inscrit « en complément de ses activités de supervision des fournisseurs de services de paiement ». Ce raisonnement prend tout son sens si l’on considère que les fournisseurs de services de paiement (FSP) ont l’intention de devenir des entités participantes; toutefois, dans le cadre actuel, les seules institutions légalement tenues de participer au titre de la LSBC sont les grandes banques. On ignore encore combien de ces FSP ont l’intention de devenir des entités participantes.
La délégation du mandat de surveillance à la Banque du Canada (la Banque) correspond également mieux à l’importance accrue que le gouvernement accorde à la concurrence au Canada. Le rôle de l’ACFC consiste avant tout à protéger les consommateurs, tandis que la Banque du Canada est susceptible d’adopter une approche davantage axée sur la concurrence. En effet, le mandat de la Banque en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail (LAPD) vise à « superviser et réglementer les activités associées aux paiements de détail exécutées par les fournisseurs de services de paiement pour favoriser la compétition et l’innovation en matière de services de paiement par le renforcement de la confiance dans le secteur des paiements de détail ». Plusieurs administrations ont adopté une approche similaire, où l’un des principaux objectifs du système bancaire ouvert est de favoriser la concurrence dans le secteur des services bancaires.
Puisque la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada (la Loi sur l’ACFC) a déjà été modifiée (et a reçu la sanction royale) aux fins de l’administration et de l’application de la LSBC, le gouvernement devra décider si l’administration et l’application de la LSBC par la Banque correspondront au cadre déjà établi en vertu de la Loi sur l’ACFC, ou si ce cadre sera abandonné au profit du cadre d’administration et d’application applicable aux FSP en vertu de la LAPD. Bien que le cadre d’application de la LAPD et le cadre d’application actuel régissant la LSBC en vertu de la Loi sur l’ACFC soient très similaires, il existe certaines distinctions importantes. Par exemple, la LAPD permet à la Banque de réduire de moitié une sanction administrative pécuniaire si le FSP conclut une transaction, alors que la Loi sur l’ACFC n’offre pas cette souplesse.
L’engagement du gouvernement visant à « accélérer la prochaine phase des services bancaires axés sur les consommateurs, notamment en légiférant sur la capacité de demander qu’une opération soit réalisée, comme le transfert de comptes ou le paiement de factures, ou “l’accès en écriture”, d’ici le milieu de 2027, quand le projet de système de paiement en temps réel du Canada sera opérationnel et que son utilisation sera répandue », a été accueilli favorablement. D’autres administrations qui ont mis en place des systèmes bancaires ouverts indiquent que les meilleurs cas d’utilisation de ce type de système sont ceux qui permettent des actions directes, notamment des transferts de fonds.
Le gouvernement a également annoncé qu’il entendait revenir à son projet initial, soit d’intégrer un droit à la mobilité des données dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) plutôt que dans la LSBC – une décision sensée qui permettra d’éviter les chevauchements et les conflits potentiels dans l’application des exigences.
Le Budget instaure un cadre historique pour réglementer les cryptomonnaies stables adossées à une devise, marquant ainsi une rupture avec le cadre réglementaire actuel qui caractérise ces instruments comme des valeurs mobilières. Ottawa prévoit d’allouer 10 millions de dollars sur deux ans à la Banque du Canada pour superviser la mise en œuvre, avec des coûts annuels récurrents d’environ 5 millions de dollars qui seront recouvrés grâce aux frais d’émetteurs. Cette initiative inscrit le Canada dans la lignée d’autres cadres réglementaires mondiaux applicables aux cryptomonnaies stables, tels que ceux des États-Unis et de l’Europe.
En vertu du projet de loi, les émetteurs de cryptomonnaies stables seront tenus de maintenir des réserves d’actifs suffisantes, d’établir des politiques de rachat, de mettre en œuvre des cadres de gestion des risques et de protéger les renseignements personnels et financiers. Les modifications apportées à la LAPD permettront d’élargir la surveillance réglementaire pour régir les fournisseurs de services de paiement qui exécutent des fonctions de paiement au moyen de cryptomonnaies stables visées. Ces mesures ont pour but de soutenir l’intégrité du cadre réglementaire des cryptomonnaies stables et de favoriser la stabilité financière, alors que la part des cryptomonnaies stables dans les paiements mondiaux continue d’augmenter.
Bien que le Budget annoncé soit axé sur les cryptomonnaies stables adossées à une devise, nous pensons que tout régime à venir aura une incidence sur des domaines connexes, tels que les dépôts de jetons, la conservation des actifs de réserve et, plus largement, le règlement sur la chaîne. Ces développements s’inscrivent dans une convergence mondiale vers des cadres de type « argent sur la chaîne » observée dans l’Union européenne, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Selon les prévisions, les cryptomonnaies stables devraient devenir partie intégrante des systèmes de paiement mondiaux. L’annonce récente du budget signale donc la volonté du Canada de se rallier à ses partenaires internationaux et confirme la tendance croissante à transférer l’argent vers la chaîne de blocs.
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