Conférenciers
Ana-Ioana Ioanas (00:05): Les entreprises qui veulent exercer des activités au Québec ont beaucoup de règles à respecter et notamment en matière de divulgation des bénéficiaires ultimes en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises. Je m’appelle Ana-Ioana Ioanas et je suis sociétaire en droit des affaires au Bureau de Montréal de Torys et je suis ici avec mon collègue Guillaume Lavoie, associé dans notre département.
Guillaume, qu’est ce que tu peux nous dire sur ces nouvelles exigences?
Guillaume Lavoie (00:28): Une entreprise qui pratique des activités commerciales au Québec a l’obligation de devoir s’inscrire auprès du Registraire des entreprises. Elle doit divulguer une série d’informations. Mais à l’égard des nouvelles exigences, l’un des changements importants, c’est l’obligation de devoir divulguer les bénéficiaires ultimes de l’entité qui est obligée de devoir s’inscrire.
L’information qui doit être divulguée à leur égard c’est leur nom, leur adresse, leur date de naissance (parce qu’on parle d’individus, on va y revenir), le type de contrôle qu’ils exercent sur l’entité qui est inscrite, la date à laquelle ils sont devenus des bénéficiaires ultimes, et si c’est applicable, la date à laquelle ils ont cessé de l’être.
Ce n’est pas toutes les entités qui sont requises de devoir fournir ce genre d’information.
Ana-Ioana Ioanas (01:09): Oui, effectivement, il y a des dispenses. Par exemple, les personnes morales de droit privé à but non lucratif, les sociétés d’État, les émetteurs assujettis dans la province de Québec, certaines banques et institutions financières et les sociétés de fiducie régies par une loi fédérale ou une loi d’une autre province.
Guillaume Lavoie (01:27): La notion de bénéficiaire ultime dans la Loi sur la publicité légale est inspirée vaguement de la législation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Ce dont on parle c’est donc une personne physique. Donc on cherche un individu qui détient directement ou indirectement par rapport à l’entité qui est inscrite, soit les titres détenant 25 % ou plus des droits de vote ou des titres qui représentent 25 % ou plus de la juste valeur marchande des titres de cette entité et que ce soit directement ou indirectement.
Donc on regarde vraiment à travers la chaîne de détention ultime. Ça peut être aussi un individu qui détient un contrôle de fait. Et ça, ce que je viens de décrire, ça s’applique à l’égard de l’ensemble des entités. Mais il y a aussi des critères spécifiques à certains types d’entités. Par exemple à l’égard de la société en commandite, son ou ses commandités vont être considérés comme des bénéficiaires ultimes et à l’égard d’une fiducie, l’ensemble de ses fiduciaires également.
Ana-Ioana Ioanas (02:20): Mais tu parlais des droits de vote. Qu’en est-il s’il existe une convention de vote entre plusieurs personnes physiques qui chacune détiennent moins de 25 %, mais qui ensemble détiennent plus de 25 % et en vertu de la convention de vote, ils votent ensemble?
Guillaume Lavoie (02:34): Donc, dans un exemple comme celui-ci, parce que chacune d’elles rencontre le critère, puisqu’elles votent ensemble, elles se retrouvent à toutes être bénéficiaires ultimes.
Ana-Ioana Ioanas (02:45): Donc une entreprise peut avoir plusieurs bénéficiaires ultimes?
Guillaume Lavoie (02:47): Absolument. Et il peut aussi y en avoir zéro.
Ana-Ioana Ioanas (02:51): Est-ce que tu peux nous en dire plus sur le critère du contrôle de fait?
Guillaume Lavoie (03:56): La Loi sur la publicité légale nous renvoie au test fiscal pour les fins de la notion de contrôle de fait. Donc ça veut dire qu’il faut regarder vraiment l’ensemble des circonstances, comme la Loi sur les impôts le requiert, qui peuvent être pertinentes. Donc, les exemples les plus évidents c’est lorsqu’on peut se retrouver, par exemple, à avoir des conventions d’actionnaires qui pourraient octroyer des droits de veto. Évidemment, c’est une analyse qui doit être faite au cas par cas.
Ana-Ioana Ioanas (03:20): Mais prenons un exemple concret. Une entité, ABC Inc., est constituée en Espagne et veut exercer des activités au Québec. Elle doit donc s’immatriculer au Québec et divulguer l’identité de ses bénéficiaires ultimes. Celle-ci est détenue à 100 % par XYZ Inc. qui est elle-même détenue à 100 % par BubbleGum Inc. BubbleGum Inc. est une entreprise qui est un émetteur assujetti au Québec. Que se passe-t-il?
Guillaume Lavoie (04:44): Dans ton exemple, l’entité qui doit s’inscrire c’est ABC Inc. Donc il faut regarder au niveau de la détention dans cette entité-là. XYZ, qui est son actionnaire, c’est une entité, ce n’est pas une personne physique. Donc on continue à examiner la chaîne de détention indirecte. On se retrouve à BubbleGum. Normalement, on devrait continuer parce que BubbleGum n’est pas un individu, mais dans l’exemple que tu as mentionné, BubbleGum, tu mentionnes qu’elle est un émetteur assujetti au Québec. Donc c’est l’une des dispenses qui s’appliquent au niveau des nouvelles exigences. À partir du moment où il s’agit d’un émetteur assujetti au Québec, on peut divulguer, même s’il ne s’agit pas d’un individu, on peut divulguer BubbleGum. Elle va être considérée comme un bénéficiaire ultime et on n’aura pas besoin d’essayer d’identifier la chaîne de titres au-delà de BubbleGum pour savoir s’il peut y avoir d’autres bénéficiaires ultimes qui, en raison de leur détention dans BubbleGum, auraient été requis d’être divulgués.
Ana-Ioana Ioanas (04:34): Mais est-ce qu’on peut arrêter l’analyse là?
Guillaume Lavoie (04:36): Non, il faut quand même s’assurer de regarder au niveau de l’ensemble des critères. Par exemple, j’ai mentionné tout à l’heure la notion de contrôle de fait. Il faut regarder au niveau d’ABC Inc., de XYZ. Il peut y avoir d’autres personnes qui, même si elles ne détiennent pas de titres, peuvent se retrouver à avoir un contrôle de fait d’une façon ou d’une autre. Donc il faut vraiment regarder l’ensemble des critères.
Ana-Ioana Ioanas (05:57): OK, mais dans notre exemple, présumons qu’il n’y a aucune personne physique qui a un contrôle de fait. Que se passe-t-il si BubbleGum était un émetteur assujetti en Espagne et non au Québec?
Guillaume Lavoie (05:07): Elle ne pourra pas bénéficier de cette dispense. Il va falloir vraiment, à ce moment-là, regarder la chaîne de titres et voir s’il peut y avoir notamment des actionnaires qui peuvent détenir 25 % ou plus des titres.
Ana-Ioana Ioanas (05:17): Donc ce que tu dis, c’est que ça risque de devenir compliqué. Mais que se passe-t-il, par exemple, si ABC ne peut confirmer avec certitude qu’elle a un bénéficiaire ultime?
Guillaume Lavoie (05:30): Ce que le législateur impose donc à cette entité-là, c’est l’obligation de devoir prendre ce qu’il réfère comme étant « tous les moyens nécessaires » pour identifier les bénéficiaires ultimes. Qu’est-ce que cela veut dire en pratique? Le Registraire des entreprises nous indique simplement que ça veut dire au-delà de simplement prendre les mesures raisonnables.
Ana-Ioana Ioanas (05:55): En effet, c’est un lourd fardeau. Retournons par contre aux informations qui doivent être divulguées auprès du Registraire des entreprises versus les informations qui sont rendues publiques par le Registraire des entreprises. Le nom, l’adresse (et on doit le mentionner, c’est l’adresse résidentielle) seront rendues publics. L’adresse résidentielle ne sera pas rendue publique si une adresse professionnelle est divulguée. Puis le type de contrôle et la date à laquelle le bénéficiaire ultime est devenu bénéficiaire ultime seront aussi publiés au Registraire des entreprises.
Par contre, la date de naissance ne le sera heureusement pas. Il est aussi important de se rappeler que l’entité a non seulement une obligation de divulguer ces informations, mais elle a aussi une obligation de tenir ces informations à jour dans les 30 jours suivant la date de changement. N’est-ce pas?
Guillaume Lavoie (06:38): Absolument. Donc c’est des obligations à ne pas prendre à la légère, avec des conséquences potentiellement importantes au niveau de l’accès public à cette information-là. Donc une consultation avec vos avocats est évidemment nécessaire. Merci beaucoup Anna.
Ana-Ioana Ioanas (06:53): Merci. Merci à vous.
Guillaume Lavoie (06:50): Merci à tous et rendez-vous dans notre prochaine vidéo.
Ana-Ioana Ioanas (06:52): Au revoir.
En vertu des nouvelles règles de transparence des entreprises en vigueur au Québec, les organisations qui exercent des activités dans la province doivent déclarer certaines informations sur leurs bénéficiaires ultimes. Dans cette vidéo, Guillaume Lavoie et Ana-Ioana Ioanas expliquent ce que les nouvelles règles signifient pour les entreprises, y compris :
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