Conférenciers
Ana-Ioana Ioanas (00:06) : Vous voulez offrir des valeurs mobilières aux résidents du Québec dans le cadre d’un placement privé et vous vous demandez quelles exigences liées au français vous devez respecter en matière de contrats d’adhésion? Je m’appelle Ana-Ioana Ioanas, sociétaire en droit corporatif au sein du bureau de Montréal de Torys, et je suis ici avec mon collègue Guillaume Lavoie, associé dans le même département.
Guillaume, qu’est-ce que tu peux nous dire sur ces nouvelles exigences?
Guillaume Lavoie (00:29) : Certainement Ana. Donc, depuis juin 2023, l’une des nouvelles exigences qui a particulièrement d’impact sur les entreprises, c’est celle concernant l’obligation de traduction à l’égard des contrats d’adhésion. Si vous avez conclu des contrats par le passé dans une langue autre que le français, vous êtes sans doute familiers avec la clause qu’on appelle communément en anglais la « French language clause ».
Eh bien, depuis l’année dernière avec les nouvelles exigences, ce genre de renonciation n’est plus valide, à moins que les parties qui se sont vu imposer le contrat aient eu l’opportunité de se faire remettre une copie de ce contrat dans la langue française et par la suite peuvent renoncer valablement.
Ana-Ioana Ioanas (01:11) : Mais quels sont les contrats qui rentrent dans cette définition? Les contrats d’adhésion sont des contrats dont les principales clauses ne sont pas négociables et elles ont été imposées ou rédigées par l’une des parties, en son nom ou selon ses instructions. On fait la distinction entre « non négociables » et « non négociées ». Il n’est pas nécessaire qu’une partie ait exercé son droit de négocier le contrat, à condition que la possibilité de négocier ait été effectivement offerte et qu’elle était réelle.
Mais il y a quand même des dispenses qui visent notamment les contrats de prêt, les instruments financiers et les contrats ayant pour objet la gestion de risques financiers, certains accords internationaux et intergouvernementaux, ainsi que les accords avec les Premières Nations. Mais les deux types de dispenses dont nous souhaitons traiter aujourd’hui sont les contrats d’adhésion utilisés dans des relations avec l’extérieur du Québec, ainsi que les contrats qui ne sont pas réellement des contrats d’adhésion.
Cela va nécessiter une analyse au cas par cas pour chacune des dispenses.
Guillaume Lavoie (02:14) : Donc, il faut regarder l’ensemble des facteurs pour savoir au départ, est-ce qu’on a un contrat d’adhésion ou non? Donc, même si une partie est représentée par un conseiller juridique, même si celui-ci n’a pas dans les faits négocié le contrat, le fait qu’il y a eu un conseiller juridique d’impliqué peut laisser sous-entendre, même s’il n’y a pas eu de négociation, qu’il y avait une opportunité de le faire.
Lorsqu’on parle d’acquisition de titres par des investisseurs institutionnels, des investisseurs qui vont avoir un plus grand pouvoir de négociation (ça peut être dans un contexte d’un « road show » ou autrement), ils peuvent être appelés à négocier le prix ou à négocier certaines modalités importantes du placement. Si on a un placement qui est fait auprès de plusieurs investisseurs, dépendamment des circonstances, si certains de ces investisseurs négocient des modifications ou négocient les modalités de leur placement, que ce soit via des « side letters » ou d’autres modifications à certains des contrats, ça peut être un indice à l’effet que peut-être que l’ensemble des investisseurs ont eu ce type d’opportunité, même s’ils ne s’en sont pas tous prévalus. C’est le genre d’éléments qu’il faut regarder au cas par cas pour déterminer si on est face à un contrat d’adhésion ou non.
Ana-Ioana Ioanas (03:20) : Donc c’est très factuel. La deuxième dispense concerne les contrats d’adhésion utilisés dans des relations avec l’extérieur du Québec. Ce terme n’a malheureusement pas été défini dans la législation, ni dans aucun commentaire. Donc il reste à savoir comment il va être interprété. Cependant, en supposant que l’émetteur n’est pas situé au Québec et qu’il n’a pas de lien important avec le Québec (par exemple des filiales majeures ou une présence importante qui donnerait à penser que le contrat est formé au Québec, par exemple, le fait d’avoir beaucoup d’employés au Québec), nous sommes d’avis qu’il n’est pas nécessaire de traduire le contrat.
Guillaume Lavoie (03:56) : Mais Ana, qu’en est-il s’il y a une des parties qui est au Québec, mais que le contrat n’est pas régi par les lois du Québec?
Ana-Ioana Ioanas (04:03) : La loi applicable n’est pas nécessairement pertinente, parce que la Charte peut s’appliquer indépendamment de la loi applicable, ce qui est souvent le cas d’ailleurs. Ce qui importe vraiment et le plus, c’est l’identité des parties et leur domicile. Si le siège social et l’âme dirigeante de l’émetteur sont situés à l’extérieur du Québec, tant qu’aucun représentant ou mandataire établi au Québec n’agit pour le compte de l’émetteur dans le cadre du placement, l’émetteur va pouvoir se prévaloir de cette dispense et n’avoir aucun document à traduire.
Guillaume Lavoie (04:31) : Une des questions qui se soulève assez rapidement, c’est de savoir quelle va être la conséquence si on décide de ne pas traduire et qu’on se retrouve en violation de la Charte de la langue française. Donc il y a des pénalités qui peuvent être appliquées et qui peuvent être imposées en vertu de la Charte. Mais une des conséquences importantes, c’est que la partie adhérente d’un contrat d’adhésion peut demander l’annulation du contrat à tout moment sans avoir à prouver qu’elle a subi un préjudice.
Ana-Ioana Ioanas (04:55) : Oui, effectivement. Et il va incomber à l’émetteur de démontrer que la partie adhérente n’a subi aucun préjudice afin qu’on puisse éviter l’annulation du contrat. La partie adhérente peut également demander une réduction de ses obligations équivalente aux dommages subis, s’il y en a.
Guillaume Lavoie (05:09) : À la lumière de ces conséquences, on ne peut plus tout simplement se fier sur la bonne vieille clause « French language clause » avec la renonciation. Ça veut dire qu’il faut vraiment se poser la question au cas par cas pour savoir s’il y a une obligation et s’assurer de traduire lorsque c’est requis. Merci beaucoup Ana. Merci à tous et rendez-vous dans notre prochaine vidéo.
Ana-Ioana Ioanas (05:27) : Au revoir.
En vertu de la nouvelle Charte de la langue française du Québec, une partie doit d’abord prendre connaissance de la version française d’un contrat d’adhésion avant de pouvoir signer sa version anglaise.
Dans cette vidéo, Guillaume Lavoie et Ana-Ioana Ioanas expliquent comment ces nouvelles exigences s’appliquent aux contrats dans le cadre d’un placement privé au Québec, notamment :
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