T4 | Revue Trimestrielle de TorysAutomne 2025

CGS sous forme de fonds à un seul investisseur : une solution de rechange durable aux fonds amalgamés

Auteurs

Dans le présent article, nous examinons les caractéristiques propres aux comptes gérés séparément (CGS) qui sont structurés comme des fonds à un seul investisseur et leur rôle dans le contexte actuel de la mobilisation de fonds. Comme son nom l’indique, un fonds à un seul investisseur est un instrument de placement (le plus souvent structuré sous la forme d’une société en commandite) établi par un promoteur de fonds pour un investisseur unique. Un fonds à un seul investisseur convient tout particulièrement aux grands investisseurs institutionnels qui sont moins touchés par les contraintes de liquidité et plus susceptibles de maintenir leur activité d’investissement pendant les périodes d’incertitude économique.

L’attrait des CGS ne se dément pas malgré des années difficiles pour la mobilisation de fonds

Ces dernières années, la mobilisation de fonds a été plus difficile pour les fonds privés avec appels de capital (« drawdown funds ») traditionnels, et ce, partout dans le monde et pour toutes les stratégies. Les données révèlent qu’à l’échelle mondiale, le montant des capitaux privés amassés a chuté de près de 40 % entre 2021 et 20241. Cette diminution globale masque le fait que les investisseurs institutionnels ont parallèlement augmenté leurs placements sur les marchés privés (hausse de 10 % de 2014 à 2023) et réduit la part des marchés publics (baisse de 5 % sur la même période)2. Plusieurs facteurs expliquent cette apparente contradiction et permettent aussi de comprendre l’essor des modèles non traditionnels de mobilisation de fonds, comme les CGS.

Au moment où un volume toujours plus important de capitaux afflue vers une poignée de promoteurs de très grande taille qui ont fini par dominer le secteur et qui représentaient près de la moitié du montant total mobilisé au niveau mondial en 20243, de nombreux gestionnaires, en particulier des nouveaux venus ou des gestionnaires du marché intermédiaire, sont à la recherche de solutions de rechange au modèle traditionnel des fonds amalgamés. La mobilisation de fonds au moyen de CGS est l’une des options qui ont continué à attirer des capitaux parmi les promoteurs de fonds de toutes tailles. Cet outil de placement populaire aurait été mis en œuvre par 40 % des conseillers américains en 20234 et a enregistré une hausse des actifs sous gestion de 30 % entre 2017 et 20235.
 

La mobilisation de fonds au moyen de CGS est l’une des options qui ont continué à attirer des capitaux. Cet outil de placement populaire aurait été mis en œuvre par 40 % des conseillers américains en 2023.

 
Par rapport aux fonds amalgamés traditionnels, les CGS sous forme de fonds à un seul investisseur peuvent constituer une option particulièrement intéressante pour les investisseurs qui ont besoin d’une solution adaptée à leurs besoins particuliers ainsi que pour les promoteurs qui cherchent à approfondir leur relation avec un investisseur donné ou à amasser des capitaux à investir. Les fonds à un seul investisseur présentent des différences avec les fonds amalgamés traditionnels, mais leurs flux opérationnels, leur gouvernance et leur structure sont similaires.

Voilà qui contraste avec un autre type de CGS fréquemment utilisé, la convention de gestion de placements. Dans le cadre d’une convention de gestion de placements, aucun instrument de placement distinct n’est établi. L’investisseur conserve la propriété directe des actifs à son nom et le contrat autorise le gestionnaire de placements à gérer ses actifs. Les conventions de gestion de placements et les fonds à un seul investisseur ont en commun un grand nombre de caractéristiques, que nous examinons ci-dessous.

Caractéristiques des fonds à un seul investisseur et éléments à prendre en considération

Personnalisation

Pour l’investisseur, l’un des principaux avantages d’un fonds à un seul investisseur est qu’il peut être personnalisé en fonction de ses besoins, notamment en ce qui concerne la stratégie et les restrictions de placements, la durée du fonds, les préférences dans la présentation de l’information, ainsi que toute autre exigence légale, fiscale, réglementaire ou relative à la structure. Ces critères peuvent être extrêmement précis et ciblés, un avantage que l’investisseur ne pourra pas nécessairement trouver dans un fonds amalgamé conçu pour attirer de multiples investisseurs. Il arrive que les fonds à un seul investisseur soient structurés comme des fonds à capital variable, sans échéance prescrite. Pour en savoir plus sur les structures de fonds à capital variable, veuillez consulter notre article « Open-ended funds part 1: a new way forward for private market funds ».

Droits de gouvernance

Les investisseurs ont généralement plus de contrôle sur l’activité d’investissement dans un fonds à un seul investisseur que dans un fonds amalgamé traditionnel. Par exemple, l’investisseur d’un fonds à un seul investisseur peut avoir le droit de choisir ou de refuser un placement. Ce droit peut (pour des raisons juridiques, fiscales et autres) être structuré comme le refus de financer un appel de capital plutôt que comme le droit d’approuver un placement particulier. Les investisseurs doivent être conscients des conséquences que l’exercice de ce niveau d’autorité sur les placements pourrait avoir sur leur statut de responsabilité limitée, qui dépend en partie du territoire où le fonds a été établi et des lois qui le régissent. Par exemple, certains investisseurs préfèrent les sociétés en commandite du Manitoba, du Delaware ou du Québec lorsqu’ils veulent avoir un plus grand contrôle sur les décisions de placement, car ces provinces et cet État semblent offrir un régime de responsabilité limitée plus favorable. Pour en savoir plus sur les différences en matière de responsabilité limitée selon les territoires, veuillez consulter notre article « Ontario limited partnerships : a globally favoured jurisdiction for private funds ».

En outre, l’investisseur d’un fonds à un seul investisseur peut s’attendre à ce que les recours du commanditaire soient plus importants que ce qui serait généralement offert dans le cadre d’un fonds en gestion commune. Le droit de retrait du commandité, en particulier sans faute, peut être un point particulièrement sensible pour le promoteur d’un fonds à un seul investisseur, étant donné qu’il met en place un mandat personnalisé pour un investisseur unique (et parfois une plateforme de ressources pour le soutenir). La possibilité pour l’investisseur de mettre fin à la période d’engagement, hors faute, est un recours très courant dans les fonds à un seul investisseur, souvent à l’issue d’une période de lune de miel préétablie. Les considérations quantitatives relatives à l’engagement du commandité, à la réduction de l’intéressement en cas de retrait du commandité pour une raison valable, et au paiement des frais de gestion en cas de dissolution du fonds et de retrait du commandité font souvent l’objet de discussions.

Aspects financiers

En règle générale, les promoteurs créent un fonds à un seul investisseur uniquement si cet investisseur apporte une somme assez importante pour justifier tous les efforts déployés en vue de créer le fonds sur mesure et de gérer le mandat personnalisé. En raison du montant élevé de l’engagement, l’investisseur peut avoir un meilleur pouvoir de négociation et des attentes en matière de frais de gestion et d’intéressement (entre autres) au sein du CGS et, parfois, dans l’ensemble des fonds vedettes du promoteur (p. ex., réduction offerte sur toute la plateforme). Du point de vue du promoteur du fonds (en particulier pour les promoteurs qui sont en mesure de mobiliser des capitaux importants), les fonds à un seul investisseur peuvent être considérés comme une source de revenus offrant un potentiel de hausse limité, car ce type de fonds peut difficilement atteindre la taille d’un grand fonds en gestion commune, et cela se répercute sur les frais de gestion et d’autres aspects financiers.

Conflits d’intérêts

Les investisseurs et les promoteurs de fonds à un seul investisseur doivent tenir compte des conflits d’intérêts susceptibles de découler du fait que le promoteur gère le fonds en même temps que d’autres mandats. Parmi les éléments à prendre en considération, mentionnons la répartition des placements entre le fonds à un seul investisseur et les autres mandats existants, ainsi que les paramètres relatifs aux opérations et investissements croisés. En outre, il convient de tenir compte de l’équipe qui travaille pour le CGS et de vérifier, surtout lorsqu’elle travaille pour d’autres fonds du promoteur, qu’elle a assez de temps pour tout faire (y compris en ce qui concerne le temps et l’attention que chaque fonds exige, et les éventuels événements déclencheurs liés à des personnes clés).

Fardeau administratif lourd

Les fonds à un seul investisseur peuvent être plus coûteux à établir et plus lourds à gérer sur le plan administratif pour le promoteur que les fonds amalgamés, à montant total mobilisé équivalent. Par exemple, les fonds à un seul investisseur exigent généralement une négociation plus poussée des documents juridiques en raison de la personnalisation du mandat. En outre, les promoteurs de fonds à un seul investisseur doivent souvent respecter des exigences plus importantes en matière d’information continue, puisqu’ils doivent répondre aux demandes d’information particulières de l’investisseur. Les promoteurs doivent également déterminer s’ils disposent des ressources humaines (y compris les personnes clés et le service administratif) nécessaires pour gérer avec succès un fonds à un seul investisseur en plus de leurs autres mandats.

Relations bilatérales

Les fonds à un seul investisseur reposent souvent sur la collaboration, les interactions et un échange constant d’idées entre l’investisseur et le promoteur, à un niveau plus avancé que dans les fonds amalgamés. Par conséquent, les fonds à un seul investisseur peuvent être un outil inestimable pour nouer une relation solide et durable entre les investisseurs et les promoteurs, et peuvent déboucher sur des occasions mutuellement et exponentiellement bénéfiques.


  1. David Dawkins, « State of Private Capital Fundraising in 2025 », Preqin (14 avril 2025), p.1.
  2. Fredrik Gahlqvist et al, « Global Private Markets Report 2024: Private markets in a slower era », McKinsey & Company (28 mars 2024), p.13.
  3. Nicolas Moura, « 2024 Annual Global Private Market Fundraising Report », Pitchbook (4 mars 2025), p.8.
  4. The Cerulli Edge : US Managed Accounts, numéro du T3 2023.
  5. Manulife, « What is a separately managed account » (1er mai 2024), à l’adresse https://www.jhinvestments.com/viewpoints/investing-basics/what-are-separately-managed-accounts.

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