Le marché américain du crédit privé – où le financement aux sociétés est fourni par des prêteurs non bancaires – connaît une croissance régulière, malgré un contexte de volatilité générale. Alors que les banques américaines réduisent leurs activités de prêt aux sociétés, le crédit privé prend le relais. Dans cet article, nous examinons les principales tendances qui façonnent l’avenir de ce marché en expansion.
Le crédit privé est devenu l’un des secteurs du financement qui connaît la croissance la plus rapide aux États‑Unis. Son essor s’explique par quelques grandes tendances : les promoteurs de capital-investissement et les sociétés recherchent du financement sûr, les banques font preuve de plus de prudence et les investisseurs souhaitent faire fructifier leur argent, d’autant plus qu’on assiste à un ralentissement des activités de fusion et acquisition et à une diminution des PAPE. De nombreuses opérations de crédit privé sont réalisées dans les segments inférieur et principal du marché intermédiaire, où les banques américaines sont devenues moins actives en raison d’une réglementation plus stricte et d’un risque de marché accru, ce qui limite les options pour les emprunteurs. Quant au segment supérieur du marché intermédiaire et aux opérations les plus importantes, le crédit privé est en concurrence avec le marché des prêts syndiqués à grande échelle, les prêts à terme structurés par les banques vendus à des investisseurs institutionnels et les émissions de billets à rendement élevé. Comparativement aux prêts syndiqués à grande échelle et aux émissions de billets à rendement élevé, qui exigent une commercialisation auprès des investisseurs et la communication de beaucoup d’information, les opérations de crédit privé peuvent souvent être réalisées plus rapidement et avec un risque de marché moindre. Bien que cette dette ait un coût plus élevé, beaucoup d’emprunteurs sont prêts à payer la prime, en particulier lorsque les conditions de marché sont incertaines.
Les opérations de crédit privé sont particulièrement attrayantes dans des cas où, par exemple, la société ne souhaite pas communiquer des informations sensibles, ne dispose pas d’états financiers audités pour une période assez longue ou exerce des activités dans un secteur qui n’a pas la faveur des investisseurs (p. ex. un secteur perçu comme particulièrement exposé aux droits de douane, alors que ce risque ne s’applique pas à la société). Lorsque les marchés des prêts syndiqués à grande échelle et des obligations à rendement élevé sont volatils, les émetteurs peuvent d’abord conclure des accords avec des prêteurs privés (p. ex. pour un financement d’acquisition ou lorsqu’une échéance est imminente), puis se refinancer à moindre coût sur le marché des prêts syndiqués à grande échelle ou celui des obligations. Les prêteurs privés continueront de négocier des clauses de protection contre le rachat anticipé et des frais initiaux pour se prémunir contre cette dynamique.
Le ralentissement des activités de fusion et acquisition et la diminution des PAPE ont également poussé un plus grand nombre de gestionnaires de placements à réorienter leurs capitaux vers le crédit privé. Des rendements plus élevés et une volatilité moindre ont suscité l’intérêt des investisseurs sur un marché mondial qui, selon certaines estimations, représentera trois billions de dollars d’ici à 2028. Certains experts craignent qu’une croissance rapide n’entraîne un affaiblissement des normes de prêt, mais jusqu’à présent, la structure de la plupart des opérations de crédit privé reste relativement prudente, avec des clauses favorables aux prêteurs et des protections plus fortes que celles que l’on retrouve normalement sur le marché des prêts syndiqués à grande échelle. Dans un contexte d’afflux de capitaux et de faiblesse relative des activités de fusion et acquisition, les fonds de crédit privé ont étendu leur portée géographique. L’Europe devient une région de plus en plus importante pour la croissance du crédit privé, car les banques européennes réduisent leur exposition aux prêts en réponse aux changements réglementaires, à l’instar de ce que l’on observe aux États-Unis.
Le crédit privé ne se limite plus au prêt direct, où il était généralement considéré comme étant constitué de prêts de premier rang finançant des acquisitions par emprunt sur le marché intermédiaire ou des entreprises de taille moyenne. Il est désormais utilisé dans des secteurs qui étaient auparavant dominés par les prêts syndiqués à grande échelle. Aujourd’hui, les stratégies de crédit privé comprennent le financement adossé à des actifs, le financement structuré, les opérations de transfert de risque important et même les prêts de catégorie investissement à de grandes sociétés ouvertes. Certains fonds de crédit privé ont également commencé à acquérir des prêts syndiqués à grande échelle, notamment lorsque des crédits privés antérieurs sont refinancés sur le marché des prêts syndiqués avec des conditions plus souples, ce qui efface la distinction entre les deux marchés.
Plutôt que de se faire concurrence, les banques et les prêteurs privés travaillent de plus en plus en partenariat. Dans les opérations de prêt conjoint, les opérations syndiquées de type « club deal » et les coentreprises, les banques mettent à profit leur taille et leur rayon d’action, tandis que les prêteurs privés offrent de vastes réserves de capitaux à déployer. Ce chevauchement croissant crée un marché plus connecté et plus efficace tant pour les emprunteurs que pour les prêteurs. Toutefois, cela pourrait également inciter les prêteurs à assouplir leurs normes de crédit et à adopter les caractéristiques les plus favorables aux emprunteurs de chaque marché, ce qui augmenterait le risque de marché.
Malgré son dynamisme, le marché du crédit privé n’est pas à l’abri des risques. De nombreux prêts accordés dans le contexte de faiblesse des taux d’intérêt qui prévalait en 2020 et 2021 sont aujourd’hui sous pression. Avec la hausse des taux d’intérêt et l’élargissement des écarts de crédit, certaines entreprises ont du mal à gérer l’augmentation des paiements visant le remboursement de leur dette, ce qui pourrait entraîner des problèmes de trésorerie ou des violations de clauses restrictives. Si certains emprunteurs ont refinancé ou restructuré leur dette – en utilisant des outils tels que les intérêts payés en nature ou le report des échéances – beaucoup d’autres n’ont pas encore réagi à la pression. Il est difficile de mesurer le niveau réel de risque, car les normes de présentation de l’information varient et les informations publiques disponibles sont moins nombreuses que sur les marchés traditionnels. Souvent, les signes de difficulté ne sont visibles qu’au moment où l’entreprise rate un paiement ou s’engage dans un processus de restructuration officiel.
Le marché du crédit privé a prouvé sa flexibilité et sa résilience face à l’évolution du secteur financier. Ce qui a commencé comme une source de financement pour les entreprises du marché intermédiaire qui ne pouvaient pas accéder au marché des prêts syndiqués est maintenant devenu un élément clé de l’environnement de prêt plus large, alimenté par la demande des investisseurs. Face à la croissance du crédit privé et de son chevauchement avec les prêts traditionnels, tant les emprunteurs que les prêteurs devront rester attentifs au maintien de normes de crédit rigoureuses et s’adapter à l’évolution de l’économie.
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