Auteurs
Rebecca Amoah
La composante « sociale » des facteurs ESG englobe un large éventail de facteurs sociaux qui touchent les entreprises canadiennes, notamment les droits de la personne, la santé et la sécurité, l’engagement et la satisfaction des employés, la réconciliation avec les Autochtones et la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI). C’est ce dernier point qui fait l’objet du présent article.
Les entreprises canadiennes et leurs conseils d’administration sont de plus en plus appelés à déclarer leurs données en matière de DEI et à prendre des mesures pour s’assurer qu’ils respectent leurs engagements. Les organismes de réglementation et les conseillers en valeurs mobilières consacrent également des ressources considérables pour aider les émetteurs à favoriser ces engagements. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont lancé une consultation publique (bulletin en anglais seulement) sur des projets de modification des obligations d’information et des lignes directrices en matière de gouvernance relativement à la diversification de la représentation au sein des conseils d’administration et des équipes de direction au-delà de la mixité des sexes.
Le mois dernier, Institutional Shareholder Services (ISS) et Glass Lewis Co. ont élargi leurs attentes en matière de communication de l’information et de vote par procuration, qui recommandent que les sociétés ouvertes atteignent certains seuils en matière de mixité des sexes. La représentation raciale et ethnique sera mise à l’avant-plan par ISS en février 2024.
L’un des principaux risques auxquels sont exposées les entreprises canadiennes est l’augmentation des recours collectifs intentés par des employés qui allèguent des obstacles systémiques à l’inclusion et à l’avancement professionnel. À ce jour, on a observé des recours collectifs intentés par des employés concernant la discrimination fondée sur le sexe et la race dans les pratiques de rémunération, de promotion et de maintien en poste, ainsi que l’inconduite en milieu de travail. Cette tendance suit des développements qui ont eu lieu aux États-Unis et représente un domaine que les employeurs canadiens devraient surveiller activement. Dans cet article, nous présentons certaines affaires en cours et les meilleures pratiques que les employeurs canadiens devraient mettre en œuvre pour atténuer les risques liés aux litiges en matière de DEI.
Les recours collectifs proposés peuvent être fondés sur des allégations de discrimination systémique dans les pratiques d’embauche, de promotion et de maintien en poste d’un employeur. Dans l’affaire Thompson et al. c. Sa Majesté le Roi, un groupe proposé de fonctionnaires noirs, anciens et actuels, réclame des dommages-intérêts pour les occasions qu’ils ont perdues en raison de leur race. Le recours allègue que les employés noirs ont fait l’objet d’attitudes et de commentaires méprisants relativement à leur rendement et qu’on leur a fourni moins de mesures d’adaptation qu’à leurs collègues. On y allègue également qu’il y avait du favoritisme à l’égard des autres employés, ceux-ci recevant des dossiers plus complexes, de meilleures possibilités de formation et de mentorat et des évaluations plus positives.
L’affaire Thompson en est encore aux premières étapes de la procédure. La requête du gouvernement visant le rejet de la demande pour incompétence et la suspension d’une partie de la demande, tout comme la requête en certification, devraient être entendues en octobre 2023.
Après l’affaire Thompson, un autre recours collectif en matière de DEI a été intenté contre le gouvernement canadien. Dans l’affaire Zentner et Wells c. Sa Majesté le Roi, représenté par le procureur général du Canada, un groupe proposé de femmes d’ascendance autochtone qui travaillaient au sein de divers ministères responsables des affaires autochtones allègue avoir subi du harcèlement et de la discrimination fondés sur la race, la culture, l’origine ethnique et le sexe, et qu’on leur a refusé des promotions méritées sans justification.
Bien que ces recours collectifs aient été intentés contre le gouvernement (un employeur fédéral ayant des obligations légales et constitutionnelles uniques), nous ne croyons pas que les entreprises canadiennes soient à l’abri de telles poursuites. Compte tenu des tendances en matière de litige aux États-Unis1, nous nous attendons à ce que les employeurs du secteur privé fassent bientôt l’objet de réclamations alléguant que certains désavantages systémiques ont eu une incidence disproportionnée sur les employés marginalisés. En réponse à cette tendance, les entreprises devraient s’assurer que leurs décisions en matière d’avancement et de cessation d’emploi sont bien documentées et fondées sur des cadres mesurables et objectifs liés aux attentes en matière d’emploi, et non sur des motifs illicites de discrimination.
Les tribunaux canadiens prêtent de plus en plus attention non seulement au contenu des politiques de lutte contre la discrimination, mais aussi à la manière dont les employeurs les appliquent. Ainsi, dans l’affaire Lewis v. WestJet Airlines Ltd., la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a certifié un recours collectif contre WestJet Airlines. Le recours allègue que l’entreprise protège les auteurs d’agressions et de harcèlement sexuels, particulièrement les pilotes, et favorise une culture d’entreprise qui tolère le harcèlement, encourage le silence et omet d’enquêter adéquatement sur les plaintes2.
La décision de la Cour d’appel signale deux choses : premièrement, les employeurs sont tenus de respecter leur engagement de se prémunir contre le harcèlement et la discrimination au travail; deuxièmement, les tribunaux pourraient être disposés à conclure que cet engagement fait partie des contrats de travail des employés.
Pour éviter de faire l’objet de recours collectifs en discrimination et en harcèlement, les employeurs devraient élaborer et mettre en œuvre des politiques de tolérance zéro à l’égard de tout comportement qui favorise un milieu de travail discriminatoire ou hostile. Ces politiques doivent être communiquées à l’échelle de l’entreprise et les employés doivent recevoir une formation sur les attentes et les exigences qui y sont prévues. Tous les membres du personnel, y compris la direction, doivent y être assujettis.
Les recours en cette matière n’ont pas encore vu le jour au Canada, alors qu’aux États-Unis, une employée a intenté un recours collectif proposé contre Edward Jones alléguant qu’après avoir été forcée de travailler de la maison pour éviter des comportements prétendument sexistes de la part de ses collègues, elle a reçu moins d’avantages liés à l’avancement professionnel et à la rémunération3. Les employeurs doivent continuer de surveiller la façon dont les employés s’adaptent aux politiques de télétravail ou de travail hybride, et déterminer si certains groupes d’employés sont plus susceptibles d’opter pour le télétravail. Le cas échéant, il faut veiller à ce que les employés qui travaillent en présentiel ne bénéficient pas de façon disproportionnée de possibilités pour une raison autre que leur lieu de travail.
Dans un recours collectif proposé aux États-Unis contre Google, une ancienne employée allègue que la politique de rémunération de la société qui consiste à utiliser des « échelles salariales » a pour effet de placer les employés noirs surqualifiés dans des échelles salariales inférieures qui ne correspondent pas à leurs expériences et qualifications pertinentes4. Cette affaire met en lumière la façon dont les entreprises abordent les décisions en matière de rémunération. Les employeurs peuvent atténuer les biais inconscients qui peuvent intervenir dans la détermination des salaires et des primes en fondant ces décisions sur des critères de rendement objectifs qui correspondent aux normes du secteur et, si possible, en formant un comité représentatif pour prendre les décisions en matière de rémunération.
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