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Le budget 2025 selon Torys : la stratégie de compétitivité climatique

Dans le budget fédéral de 2025, une stratégie de compétitivité climatique figure au cœur des priorités : il s’agit d’une feuille de route pour que le Canada devienne une « superpuissance dans les énergies propres ». La stratégie vise à améliorer l’efficacité du système de tarification du carbone industriel au Canada, à élargir les incitatifs à l’investissement dans les technologies propres et à clarifier la réglementation en révisant les cadres existants et en en adoptant de nouveaux.

Ce que vous devez savoir

  • S’engager à nouveau en faveur de la tarification du carbone industriel. Le budget reflète l’engagement pris par le premier ministre Carney dans son programme électoral d’améliorer l’efficacité du système de tarification du carbone industriel à l’échelle nationale. Le budget souligne que les marchés du carbone au Canada ne fonctionnent pas tous aussi bien qu’ils le devraient et prévoit des mesures visant à améliorer les signaux de prix et l’efficacité des marchés.
  • Revoir les politiques complémentaires. Le budget prévoit des modifications aux différentes politiques relatives aux émissions de gaz à effet de serre qui ont été conçues pour compléter la tarification du carbone industriel. Ces modifications pourraient inclure un examen approfondi du Règlement sur l’électricité propre (dont la constitutionnalité fait actuellement l’objet d’un examen), le renforcement du règlement sur le méthane provenant du secteur pétrolier et gazier et des sites d’enfouissement, ainsi que la mise à jour du Règlement sur les combustibles propres pour renforcer les chaînes d’approvisionnement nationales.
  • Faire marche arrière sur les plafonds d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier. Le budget laisse entrevoir la fin possible de la proposition controversée de plafonds d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier, sous réserve de la mise en place de marchés du carbone efficaces, d’une réglementation renforcée en matière de méthane dans le secteur pétrolier et gazier et du déploiement à grande échelle de technologies de capture et de stockage du carbone.
  • Stimuler l’investissement grâce aux crédits d’impôt. Le budget confirme le soutien du gouvernement à l’égard du programme de crédits d’impôt à l’investissement pour l’économie propre. Il propose de bonifier plusieurs des crédits d’impôt à l’investissement existants et de mettre en place le crédit d’impôt à l’investissement pour l’électricité propre.
  • Élaborer des lignes directrices sur l’investissement durable. Dans le prolongement des engagements antérieurs, le budget réaffirme l’intention du gouvernement de publier, d’ici la fin de 2026, des lignes directrices canadiennes sur l’investissement durable. Cette taxonomie fournirait des indications sur ce qui peut être considéré comme un investissement « vert » ou un investissement pour la « transition » vers une économie verte.
  • Modifier le projet de loi C-59. Les modifications apportées à la Loi sur la concurrence en 2024 ont introduit des dispositions exigeant la justification de certaines allégations environnementales. Le budget tient compte du fait que ces dispositions ont eu des effets imprévus, incitant certaines organisations à ralentir ou à inverser leurs efforts visant à protéger l’environnement, et propose d’en éliminer certains aspects.

S’engager à nouveau en faveur de la tarification du carbone industriel

Comme nous l’avons déjà mentionné1, après les récentes élections, le gouvernement fédéral a rapidement pris des mesures pour réduire la redevance fédérale sur les combustibles (communément appelée « taxe carbone ») à 0 $/tonne, puis a présenté un projet de loi visant à abroger complètement le programme. Néanmoins, le gouvernement reste déterminé à améliorer la tarification du carbone industriel, qui est réglementée au niveau fédéral par le système de tarification fondé sur le rendement (STFR). Le STFR s’applique aux installations industrielles situées dans les provinces n’ayant pas leur propre programme de tarification du carbone industriel et, en théorie, sert à établir le niveau de rigueur de référence dans les provinces qui ont leur propre programme.

Cependant, il est admis dans le budget que ce prix de référence fédéral ne fonctionne pas comme prévu, puisque les crédits de conformité dans certaines provinces se négocient bien en dessous du prix de référence fédéral actuel de 95 $/tonne. Par exemple, les crédits compensatoires générés dans le cadre du programme TIER (Technical Innovation and Emissions Reduction) de l’Alberta se vendent depuis peu à moins de 20 $/tonne; certains crédits compensatoires admissibles dans le cadre du programme provincial de STFR de la Colombie-Britannique se vendent à moins de 15 $/tonne; et certains crédits compensatoires2 admissibles dans les systèmes de plafonnement et d’échange liés du Québec et de la Californie se vendent à moins de 20 $/tonne.

Le budget propose plusieurs mesures visant à améliorer le système de tarification du carbone industriel :

  • Le gouvernement fédéral propose de collaborer avec ses homologues provinciaux et territoriaux afin d’établir une trajectoire pluridécennale pour le prix du carbone industriel afin de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. À l’heure actuelle, le gouvernement a seulement annoncé l’augmentation de son prix de référence du carbone jusqu’en 2030, date à laquelle il devrait atteindre 170 $/tonne3. De nombreux commentateurs du marché réclament une plus grande stabilité des prix à long terme.
  • Le gouvernement fédéral prendra des mesures pour améliorer l’application de son indice de référence pour les émissions industrielles de gaz à effet de serre à l’échelle nationale, une mesure très attendue à l’approche de l’examen par le gouvernement fédéral de l’équivalence des programmes provinciaux prévu pour 2026. Ces mesures pourraient se heurter à une certaine résistance dans certaines provinces. Plus tôt cette année, anticipant l’augmentation prévue du prix de référence fédéral à 110 $/tonne en 2026, le gouvernement de l’Alberta a gelé le prix de contribution au fonds TIER (qui sert de plafond de prix sur ce marché) à 95 $/tonne, préparant ainsi le terrain pour un éventuel débat fédéral-provincial sur de nouvelles hausses de prix. Néanmoins, le budget propose une collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, notamment en ce qui concerne la possibilité d’harmoniser et de relier les marchés provinciaux de crédits carbone, une autre mesure qui pourrait améliorer la liquidité du marché, mais qui pourrait également se heurter à la résistance de certaines provinces qui pourraient voir des capitaux quitter leur territoire à la recherche de crédits de conformité moins coûteux générés dans d’autres provinces.
  • Le budget indique également que le Fonds de croissance du Canada continuera à émettre des contrats sur différence pour le carbone afin d’offrir une certitude quant aux prix aux investisseurs qui réalisent des investissements en capital importants et à long terme. Ces contrats visent à garantir contractuellement un prix réglementaire du carbone. Cependant, ils peuvent être difficiles à intégrer dans les marchés de produits environnementaux où les réductions d’émissions, dont le prix est garanti, peuvent ne pas avoir de prix de marché en dehors du programme réglementaire.

Revoir les politiques complémentaires

Le budget prévoit des modifications aux différentes politiques de réduction des émissions que le gouvernement fédéral a adoptées ou proposées pour compléter la tarification du carbone industriel, notamment les suivantes :

  • Un examen plus approfondi du Règlement sur l’électricité propre (REP), qui fait actuellement l’objet d’un renvoi devant la Cour d’appel de l’Alberta. Dans cette affaire, intentée par le gouvernement de l’Alberta, la Cour est appelée à déterminer si le règlement outrepasse de manière inconstitutionnelle les pouvoirs législatifs du Parlement du Canada. Dans ce contexte, le budget indique de manière ambiguë que le gouvernement fédéral collaborera avec les provinces et les territoires pour faire progresser les objectifs de réduction des émissions prévus par la réglementation à mesure que la demande en électricité augmente. L’audience de cette affaire renvoyée à l’arbitrage devrait avoir lieu en juin 2026.
  • Le renforcement des règlements sur le méthane émis pour le secteur pétrolier et gazier et les sites d’enfouissement. Le budget indique également que le gouvernement fédéral collaborera avec les provinces et les territoires afin de négocier des accords d’équivalence permettant, le cas échéant, de remplacer les règles provinciales. À cet égard, le gouvernement a proposé des modifications à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) afin de supprimer la limite actuelle imposée à la durée de ces accords d’équivalence.
  • Des mises à jour du Règlement sur les combustibles propres (RCP) qui « renforceront les chaînes d’approvisionnement nationales, et appuieront les emplois dans le secteur agricole, forestier, et des déchets ». Bien que le budget ne précise pas la nature de ces mises à jour, le RCP actuel offre des incitatifs importants aux producteurs américains de biocarburants, qui peuvent obtenir des crédits négociables pour l’importation de ces combustibles au Canada. Le budget indique que des modifications ciblées du RCP permettront de soutenir l’industrie nationale des biocarburants, ce qui pourrait signifier que le gouvernement limitera les possibilités d’obtention de crédits pour les importateurs étrangers ou offrira davantage de possibilités d’obtention de crédits aux fournisseurs nationaux.

Faire marche arrière sur les plafonds d’émissions pour le secteur pétrolier et gazier

Le budget laisse présager que le gouvernement fédéral fait marche arrière concernant la proposition controversée visant à plafonner les émissions pour le secteur pétrolier et gazier, évoquée dans un cadre réglementaire de décembre 2023 et présentée dans un projet de règlement en novembre 2024. La proposition a suscité d’importantes tensions entre les provinces. Il n’est cependant pas question dans le budget d’abandonner complètement ce projet. Le gouvernement indique plutôt que si le pays dispose de marchés du carbone efficaces, d’un règlement renforcé sur le méthane pour le secteur pétrolier et gazier et de technologies de captage et de stockage du carbone à grande échelle, il ne sera pas nécessaire de plafonner les émissions du secteur pétrolier et gazier, car cela n’aurait qu’une valeur marginale en matière de réduction des émissions.

Stimuler l’investissement grâce aux crédits d’impôt

Dans le budget, les crédits d’impôt à l’investissement pour l’électricité propre continuent d’être présentés comme la pierre angulaire de la stratégie industrielle du Canada en matière d’énergie propre. Il confirme notamment l’adoption prochaine d’une loi qui mettra en place le crédit d’impôt à l’investissement pour l’électricité propre, le dernier d’une série initialement proposée à être adopté. Par ailleurs, le budget propose de supprimer les conditions imposées aux gouvernements provinciaux et territoriaux pour que leurs sociétés d’État puissent bénéficier de ce crédit d’impôt à l’investissement.

Le budget promet également des modifications à certains des crédits d’impôt à l’investissement existants :

  • Dans le budget, le gouvernement propose de prolonger de cinq ans la disponibilité des pleins taux du crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone qui s’appliqueraient de 2031 à 2035. Les taux du crédit resteraient inchangés de 2036 à 2040.
  • Le budget propose d’agrandir la liste des minéraux critiques admissibles au titre du crédit d’impôt à l’investissement pour la fabrication de technologies propres afin d’y inclure l’antimoine, l’indium, le gallium, le germanium et le scandium, afin d’appuyer les investissements dans l’extraction, la transformation et le recyclage des co-produits et des sous-produits des minéraux critiques.

Élaborer des lignes directrices sur l’investissement durable

Comme nous l’avons déjà mentionné4, le 9 octobre 2024, le gouvernement du Canada a annoncé les détails d’un cadre de gouvernance, les secteurs prioritaires et les échéanciers pour l’élaboration de lignes directrices canadiennes sur l’investissement durable, également appelées taxonomie, que les acteurs des marchés financiers sont invités à adopter volontairement. Selon la proposition, ces lignes directrices créeraient un système de classification fondé sur des données scientifiques indépendantes relatives au climat et sur l’expertise sectorielle afin de fournir aux acteurs du marché des indications sur les activités économiques à considérer comme durables. Depuis cette annonce, peu de progrès ont été réalisés dans l’élaboration des lignes directrices. Toutefois, le budget réaffirme le soutien du gouvernement à l’élaboration des lignes directrices d’ici la fin de 2026, en mettant l’accent sur une taxonomie visant à définir les investissements « verts » ou les investissements pour la « transition » vers une économie verte. Le gouvernement choisira une organisation externe qui possède l’expertise nécessaire pour élaborer les lignes directrices sur l’investissement durable et annoncera ce choix d’ici la fin de 2025.

Modifier les dispositions sur l’écoblanchiment et les lignes directrices connexes

Comme nous l’avons déjà mentionné5, les modifications apportées en 2024 à la Loi sur la concurrence, communément appelées « dispositions sur l’écoblanchiment », sont devenues le sujet principal des discussions sur la communication d’information liée aux changements climatiques au Canada. Le budget reconnaît que ces modifications ont engendré beaucoup d’incertitude chez les investisseurs et ont eu un effet dissuasif sur la communication d’information par les entreprises.

Le gouvernement a donc l’intention, dans le budget de 2025, de modifier la Loi sur la concurrence pour éliminer certains aspects de ces dispositions, tout en continuant à protéger contre les fausses allégations. Dans le budget, le gouvernement propose notamment de modifier la Loi sur la concurrence afin de mettre à jour les dispositions relatives à l’écoblanchiment en supprimant l’obligation pour les entreprises de justifier leurs déclarations d’avantages environnementaux en fonction de normes méthodologiques reconnues à l’échelle internationale, et la possibilité pour les tierces parties de déposer des plaintes en matière d’écoblanchiment directement devant le Tribunal de la concurrence. On ignore encore les détails de ces modifications.

Prochaines étapes

Bien que le budget propose un vaste programme en matière de climat, il prévoit néanmoins peu de délais concrets. De nombreuses initiatives, en particulier celles qui concernent la tarification du carbone et l’harmonisation réglementaire, dépendent de la coopération des provinces et des territoires.

Le message central du budget est néanmoins clair : le Canada a l’intention de se hisser au rang de superpuissance mondiale dans les énergies propres. Cette volonté est synonyme à la fois d’occasions et de transition, dans un contexte d’évolution des politiques visant à concilier ambitions climatiques et pragmatisme industriel.


  1. CCO8 Non-DEBs. Chacune de ces réglementations limite l’utilisation des crédits compensatoires à un pourcentage du total des obligations de conformité.
  2. Voir la taxe sur la redevance pour émissions excédentaires dans l’annexe 4 de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Si vous souhaitez discuter ces enjeux et ces questions, veuillez contacter les auteurs.

Cette publication se veut une discussion générale concernant certains développements juridiques ou de nature connexe et ne doit pas être interprétée comme étant un conseil juridique. Si vous avez besoin de conseils juridiques, c'est avec plaisir que nous discuterons les questions soulevées dans cette communication avec vous, dans le cadre de votre situation particulière.

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