Le 23 octobre 2025, les ACVM ont publié un avis de consultation concernant le projet de Décision générale coordonnée (la décision générale) qui autoriserait, dans le cadre d’un projet pilote pluriannuel, certains émetteurs émergents à opter pour la communication semestrielle d’information financière. Les ACVM mettront à profit les leçons tirées du projet pilote pour élaborer un projet réglementaire plus large sur l’information semestrielle et suivront l’évolution de ce thème à l’échelle internationale. La consultation prendra fin le 22 décembre 2025. Ces développements, au Canada, font suite aux déclarations du président Trump et du président de la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis, M. Atkins, qui sont en faveur d’un passage à la communication semestrielle d’information, plutôt que trimestrielle, pour les émetteurs assujettis à la SEC. À ce jour, aucune modification formelle des règles de la SEC n’a été proposée.
Lors de l’élaboration du projet pilote, les ACVM ont, en partie, pris en considération les avis recueillis sur d’autres propositions publiées pour consultation en 2011, 2017 et 2021, de manière à autoriser la communication semestrielle d’information pour certains émetteurs assujettis. Un consensus se dégage de ces commentaires, à savoir que les obligations d’information trimestrielle imposent un fardeau disproportionné aux petits émetteurs émergents. Par ailleurs, ces consultations ont suscité de nombreux commentaires sur la réduction des coûts.
À l’heure actuelle, les émetteurs émergents canadiens profitent de dispositions d’allègement de leur fardeau de communication dans le cadre des règles d’information continue, notamment un contenu abrégé du rapport de gestion et un champ d’application plus limité des attestations du chef de la direction et du chef des finances. Selon la proposition des ACVM, un émetteur émergent admissible serait autorisé, s’il le souhaite, à être dispensé de l’obligation de déposer un rapport financier intermédiaire (y compris le rapport de gestion correspondant et l’attestation) pour chaque période de trois et de neuf mois, s’il remplit toutes les conditions suivantes :
Un émetteur qui se prévaut de la décision générale le dispensant de l’obligation de déposer un rapport financier intermédiaire pour chaque période de trois et de neuf mois est aussi dispensé de l’obligation de déposer un rapport de gestion pour chacune de ces périodes intermédiaires.
L’objectif du projet pilote est uniquement de réduire le fardeau de la conformité aux obligations d’information continue, et non de modifier l’information que doit fournir un émetteur émergent admissible dans les prospectus ou les circulaires. Par conséquent, la décision générale dispose que l’émetteur déposant un prospectus simplifié, une circulaire de sollicitation de procurations ou une note d’information relative à une offre publique d’achat ou de rachat est tenu d’y inclure la dernière information financière intermédiaire en la forme prévue par le Règlement 51-102. Cela dit, le projet pilote ne vise pas à restreindre l’utilisation de la dispense pour financement de l’émetteur coté prévue au Règlement 45-106, qui a permis à de nombreux petits émetteurs émergents assujettis de réunir des capitaux de manière efficace et peu coûteuse. La dispense pour financement de l’émetteur coté permet à un émetteur assujetti d’émettre des titres librement négociables sans prospectus, sous réserve, entre autres, que l’émetteur ait déposé tous les documents d’information périodique et occasionnelle qu’il est tenu de déposer en vertu des lois canadiennes sur les valeurs mobilières
En outre, l’émetteur cesse de se prévaloir des dispenses prévues par la décision générale s’il dépose un prospectus préalable, puisqu’un supplément de prospectus préalable peut être déposé en tout temps pendant la durée de vie du prospectus préalable de base. L’émetteur cesse de se prévaloir des dispenses prévues par la décision générale s’il change la date de clôture de son exercice, car ce changement risque d’entraîner de longues périodes sans présentation d’information financière.
Le 15 septembre 2025, le président Trump a invité la SEC à envisager une réforme réglementaire visant à remplacer la communication trimestrielle d’information par une communication semestrielle. Les principales raisons invoquées sont les suivantes : i) encourager les investisseurs à adopter une vision axée sur la croissance à long terme, plutôt qu’une approche à court terme; et ii) réduire le fardeau de la conformité pour inciter davantage d’entreprises à entrer en bourse et à y rester. Cette demande fait écho à une initiative similaire du président américain en 2018, à la suite de laquelle la SEC avait publié un document de consultation sollicitant les commentaires du public sur la pertinence de la communication trimestrielle de l’information, sans toutefois proposer de modification réglementaire.
À la suite de cette nouvelle demande du président Trump, le président Atkins a confirmé publiquement que la SEC proposera une modification réglementaire qui, si elle est adoptée, permettrait aux sociétés américaines cotées et assujetties de déposer des rapports semestriels, mais leur laisserait la possibilité de continuer à déposer des rapports trimestriels. Le président Atkins a souligné les économies que réaliseraient les émetteurs. Il n’a pas indiqué que la SEC limiterait cette nouvelle mesure aux petits émetteurs, contrairement au projet pilote canadien. Toute proposition de règle de la SEC devra faire l’objet d’une consultation publique avant d’être finalisée.
Bien que les détails de la proposition de règle de la SEC restent à préciser, le passage d’un régime d’information trimestrielle à un régime d’information semestrielle toucherait principalement les sociétés américaines qui déposent les formulaires 10-K (pour l’information annuelle) et 10-Q (pour l’information trimestrielle). Les émetteurs relevant du régime d’information multinational (RIM) et les émetteurs privés étrangers continueraient de déposer des rapports intermédiaires conformément aux règles de leur pays d’origine. Ainsi, les modifications proposées par la SEC pourraient ne pas avoir d’impact direct sur les émetteurs canadiens inscrits à la fois au Canada et aux États-Unis, qui devront continuer à se conformer aux exigences d’information des autorités canadiennes.
Les partisans du régime d’information semestrielle soutiennent qu’il permettrait une réduction des coûts et des efforts redondants, ainsi qu’une concentration accrue, pour la direction, sur l’atteinte de résultats à long terme. De plus, il rapprocherait le Canada et les États-Unis d’autres territoires, comme le Royaume-Uni et l’Union européenne. Par ailleurs, tant au Canada qu’aux États-Unis, les émetteurs demeureraient assujettis aux lois sur les valeurs mobilières et aux règles des bourses qui imposent une communication rapide des nouveaux faits importants. Au Canada, en cas de changement important dans l’entreprise, les activités ou le capital, un émetteur doit continuer à déposer une déclaration à cet effet. Aux États-Unis, les entreprises assujetties doivent toujours déposer un rapport courant sur formulaire 8-K pour signaler certains événements particuliers (par exemple, la conclusion de contrats importants, des acquisitions ou des cessions majeures, l’engagement de dettes importantes, la nomination ou le départ d’administrateurs et de cadres dirigeants).
Néanmoins, le passage à l’information semestrielle comporte certains inconvénients. Par exemple, une réduction de la fréquence des rapports obligatoires pourrait entraîner une diminution du flux d’information transmis aux investisseurs, comparativement aux rapports trimestriels, ce qui pourrait se traduire par une couverture moins fréquente de la part des analystes. En outre, si certains émetteurs choisissent de déposer un rapport semestriel, alors que d’autres conservent un rapport trimestriel, il pourrait devenir plus difficile pour les investisseurs de comparer des émetteurs similaires; les investisseurs pourraient donc éprouver des difficultés à prendre des décisions éclairées, tandis que le bon fonctionnement des marchés risquerait d’être perturbé. En ce qui concerne les émetteurs dont les résultats varient fortement ou qui connaissent des difficultés financières, une absence d’information trimestrielle obligatoire diminuerait la transparence des incidences financières et comptables découlant de tout nouveau développement, qui ne serait pas aussi rapidement connu.
Les conséquences négatives potentielles d’une information semestrielle pourraient freiner son adoption, même si elle était autorisée. Au Canada, en limitant le nombre d’émetteurs émergents admissibles à se prévaloir de la proposition des ACVM et en excluant de fait les émetteurs admissibles qui mènent des activités transactionnelles (comme des financements par prospectus ou des opérations de fusion et acquisition nécessitant une circulaire d’information), les ACVM risquent de ne pas observer le même taux d’adoption ou de ne pas bénéficier de renseignements utiles du marché quant à l’information semestrielle. Le projet pilote canadien se trouve à un stade préliminaire et doit encore être affiné, tandis qu’aux États-Unis, l’initiative demeure conditionnelle à la publication d’une proposition de règle par la SEC, qui devrait faire l’objet d’un volume important de commentaires publics.
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