La récente décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Lochan v. Binance Holdings1 démontre que les tribunaux de l’Ontario continuent d’examiner de près les clauses d’arbitrage de certains contrats types. La décision dans l’affaire Lochan, où la Cour refuse de confirmer la clause d’arbitrage en litige, s’oppose à plusieurs décisions récentes dans lesquelles les tribunaux ont prononcé le sursis de recours collectifs envisagés au profit de clauses d’arbitrage figurant dans des contrats types. En analysant ces affaires et les différentes clauses d’arbitrage en litige, on constate que les tribunaux sont plus enclins à appliquer une clause d’arbitrage d’un contrat type lorsqu’il est établi que les membres du groupe envisagé ont, en pratique, accès à la procédure d’arbitrage. Lorsque l’arbitrage est jugé pragmatiquement inaccessible, les tribunaux sont plus enclins à refuser de suspendre un recours collectif envisagé au profit d’un arbitrage2.
Les demandeurs ont introduit un recours collectif envisagé en juin 2022 dans lequel ils alléguaient que Binance, une plateforme de négociation de cryptomonnaies et de dérivés connexes, avait vendu des titres sans distribuer de prospectus3.
La défenderesse a demandé le sursis du recours collectif envisagé au profit d’un arbitrage. Lors de leur inscription sur la plateforme, les nouveaux utilisateurs ont été informés qu’ils pouvaient s’inscrire en moins de 30 secondes et ont été invités à accepter des conditions générales qui contenaient une clause d’arbitrage pouvant être modifiée à la discrétion de la défenderesse4. Au cours de la période visée par le recours collectif, la défenderesse a modifié unilatéralement la clause d’arbitrage à quatre reprises5.
La modification la plus récente de la clause d’arbitrage prévoyait que les parties devaient soumettre tous les différends (peu importe leur ampleur) à l’arbitrage à Hong Kong, selon le droit hongkongais. Le coût médian d’un arbitrage effectué selon les règles d’arbitrage convenues par les parties était de 26 743 $ US pour les litiges inférieurs à 1 million de dollars US6. Or, la réclamation de l’investisseur moyen était de 5 000 $ CA7.
La Cour d’appel se penche sur la question de la validité et du caractère inique de la clause d’arbitrage dans ces circonstances.
La première question que doit se poser un tribunal pour déterminer s’il doit ordonner le sursis d’un recours collectif envisagé au profit d’un arbitrage est celle de savoir si le contrat est lui-même exécutoire8. Dans de nombreux cas, cette question ne fait pas l’objet de contestations. La Cour d’appel souligne toutefois qu’il est important de garder à l’esprit les exigences de base de la formation des contrats et la possibilité qu’un contrat soit nul.
Dans cette affaire, les demandeurs font valoir que le contrat est nul parce qu’il est contraire à la loi. Toutefois, la Cour ne traite pas de cet argument et s’appuie plutôt sur d’autres motifs pour rendre sa décision9.
La Cour d’appel souligne qu’en vertu du principe de compétence-compétence, l’arbitre est généralement habilité à juger en premier de la validité d’une clause d’arbitrage ou de sa propre compétence. En général, la cour s’en remet aux décisions de l’arbitre à cet égard. Toutefois, cette procédure habituelle est soumise à des exceptions restreintes, dont deux ont été appliquées par la Cour dans cette affaire :
Par conséquent, la Cour décide que, dans les circonstances, la validité de la clause d’arbitrage ne doit pas être tranchée en premier lieu par un arbitre.
Après avoir déterminé qu’elle était compétente pour statuer sur la validité, la Cour se penche sur l’argument de la défenderesse selon lequel le juge des motions a commis une erreur en examinant la question de la validité du point de vue du membre moyen du groupe plutôt que de celui des représentants des demandeurs. Ces derniers avaient effectué des achats d’une valeur plus élevée que ceux de l’investisseur moyen en cryptomonnaies et réclamaient donc des sommes plus importantes14. La Cour conclut que, dans le contexte de cette affaire – où la clause d’arbitrage demeurait la même quelle que soit l’ampleur ou la nature du litige –, il était approprié qu’elle examine la situation de l’investisseur moyen plutôt que celle des représentants des demandeurs. À la lumière de cette analyse, la Cour confirme la décision de première instance et refuse de prononcer le sursis du recours collectif au profit d’un arbitrage en raison de l’ordre public et de l’iniquité15.
Les clauses d’arbitrage des contrats types sont souvent confirmées par les tribunaux, et ce, même dans le cadre de recours collectifs. Au bout du compte, la question de savoir si une clause d’arbitrage est valide repose sur le contenu de la clause. Les tribunaux ont récemment jugé valides des clauses d’arbitrage de contrats types qui prévoyaient un ou plusieurs des éléments suivants, lesquels rendaient la procédure de résolution des différends accessible aux membres moyens du groupe : 1) un arbitrage régi par le droit local16; 2) des audiences locales ou virtuelles17; 3) des frais non prohibitifs et/ou des frais assumés par l’entreprise ayant rédigé le contrat et la clause d’arbitrage18; 4) une option de retrait donnant aux personnes le choix du mécanisme de résolution des différends19. Chaque affaire dépend des conditions énoncées dans la clause d’arbitrage et du contexte dans lequel elle est appliquée.
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