8 juillet 2024Calcul en cours...

Québec dépose la version finale du Règlement modifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires

Le 26 juin 2024, le gouvernement du Québec a déposé dans sa forme finale le Règlement modifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires (le Règlement) dans la Gazette officielle. Le dépôt de cette version finale du Règlement fait suite à la publication par le ministre de la Langue française, en janvier 2024, d’un projet de règlement (le Projet de règlement) assujetti à une période de consultation de 45 jours permettant à toute personne intéressée de soumettre des observations écrites sur ledit Projet de règlement.

Le Règlement précise certaines modifications apportées par la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (projet de loi n° 96) à la Charte de la langue française (la Charte) et facilite la mise en œuvre de cette dernière.

Ce que vous devez savoir

Notre bulletin précédent résumait les modifications que le Projet de règlement envisageait d’apporter au Règlement sur la langue du commerce et des affaires. Ce bulletin résume les différences entre le Projet de règlement et la version finale du Règlement, et les principaux changements dont les entreprises devraient tenir compte.

  • Marques de commerce reconnues. Le Règlement réintroduit l’exception relative aux marques de commerce reconnues (qui comprend les marques enregistrées et les marques de common law) en ce qui concerne l’inscription sur un produit et son emballage, l’affichage public et la publicité commerciale, plutôt que de limiter l’exception aux marques enregistrées comme cela avait été proposé initialement (bien que les génériques et descriptifs qui y sont intégrés doivent quand même être traduits dans certains cas).
  • Période transitoire et exceptions à l’utilisation du français sur les produits et l’emballage. Le Règlement clarifie les situations où une inscription sur un produit peut être rédigée exclusivement dans une langue autre que le français. Ainsi, les produits fabriqués avant le 1er juin 2025, ou dans certains cas entre le 1er juin 2025 et le 31 décembre 2025, bénéficieront d’une dispense de deux ans dans certaines circonstances.
  • Critères liés à la prédominance du français sur les produits et disponibilité de contrats connexes en français. Le Règlement facilite l’application de certaines dispositions de la Charte en matière d’inscriptions sur un produit et de contrats d’adhésion et édicte de nouvelles règles en matière d’affichage public des marques de commerce et des noms d’entreprise. Ainsi, le Règlement éclaircit l’exigence de la nette prédominance du français, précisant que l’espace consacré au texte rédigé en français doit être « au moins deux fois plus grand que celui consacré au texte rédigé dans une autre langue ».
  • Inscriptions gravées ou embossées sur les produits. Le Règlement n’exige pas que les inscriptions soient traduites en français dans les cas où elles sont « nécessaires à l’utilisation du produit » (cette obligation ne s’applique actuellement qu’aux mentions liées à la sécurité). Cela dit, le ministre de la Langue française a indiqué qu’il envisageait encore de réintégrer cette obligation.
  • Entrée en vigueur échelonnée. Bien que la majorité des dispositions du Règlement entreront en vigueur le 1er juin 2025, celles qui portent sur les contrats d’adhésion entreront en vigueur 15 jours après sa publication dans la Gazette officielle, soit le 11 juillet 2024.

Aperçu des modifications

Exceptions relatives aux marques de commerce déposées et reconnues

Sans modifier les changements aux dispositions de la Charte concernant l’exception relative aux « marques de commerce déposées » qui entreront en vigueur le 1er juin 2025 conformément au projet de loi n° 96 (voir notre bulletin précédent), le Règlement réintroduit l’exception des « marques de commerce reconnues » tant en matière d’inscription sur un produit et son emballage, d’affichage public que de publicité commerciale. Ainsi, nonobstant les modifications à la Charte qui entreront en vigueur dans moins d’un an, les marques de commerce reconnues (qui comprend les marques déposées et les marques de common law non déposées) pourront toujours être affichées uniquement dans une autre langue que le français, si aucune version correspondante en français ne se trouve au registre des marques de commerce. Il s’agit là d’un changement bienvenu pour l’industrie. Cela dit, même si le fait qu’une marque soit enregistrée ou non est une simple question de fait, il reste à voir comment l’Office québécois de la langue française (OQLF) interprétera les marques de common law sur les étiquettes et le matériel de marketing. Dans la mesure du possible, il est conseillé d’enregistrer les marques. 

La version finale du Règlement ne reprend pas l’article du Projet de règlement qui prévoyait qu’est assimilée à une marque de commerce déposée celle en cours d’enregistrement aux fins des exceptions. Cette disposition avait été accueillie favorablement par les propriétaires de marques considérant les délais de traitement de l’OPIC; toutefois l’exception relative aux marques reconnues est sans doute encore plus large.

Le Règlement précise que, lorsqu’une marque de commerce reconnue rédigée dans une autre langue que le français est utilisée sur un produit ou son emballage et que cette marque contient un générique ou un descriptif, celui-ci doit, sauf exception, figurer en français sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.

Le Règlement ajoute des précisions sur la portée des termes « générique » et « descriptif ». Alors que ces définitions reflètent en grande partie celles du Projet de règlement, elles excluent explicitement certains éléments qui ne seront plus considérés comme des génériques ou des descriptifs et n’ont pas à être traduits. Ainsi, en matière d’inscription sur un produit ou son emballage, le Règlement exclut de ces définitions le nom d’une entreprise ou le nom du produit tel que commercialisé (un changement bienvenu pour les entreprises). Les appellations d’origine et les noms distinctifs à caractère culturel sont aussi exclus. Ces exclusions/précisions ne sont pas reprises en matière d’affichage public et de publicité commerciale et l’ambiguïté demeure quant à la manière dont elles seront appliquées dans le contexte des marques secondaires et tertiaires et des sous-marques qui peuvent ne pas être techniquement considérées comme le nom du produit. Il existe également une certaine incertitude quant à la taille et au positionnement de la version française des génériques et des descriptifs, puisque les indications contenues dans le Projet de règlement ont été omises dans la version finale. L’OQLF devrait publier d’autres lignes directrices en temps utile, qui pourraient apporter des éclaircissements supplémentaires.

Période transitoire et exceptions à l’utilisation du français sur les produits et l’emballage

Le Projet de règlement prévoyait une période de transition pour les produits qui n’étaient pas conformes aux nouvelles exceptions relatives aux marques de commerce, et cette période a été quelque peu élargie dans la version finale.

Si un produit non conforme à la nouvelle disposition de la Charte concernant les exceptions relatives aux marques de commerce utilisées sur un produit ou son emballage (i) a été fabriqué avant le 1er juin 2025 et (ii) aucune version française de sa marque de commerce reconnue n’a été déposée au 26 juin 2024, il pourra quand même être distribué, vendu ou loué jusqu’au 1er juin 2027. Le Règlement ajoute que cette période supplémentaire de deux années s’applique également aux produits fabriqués entre le 1er juin 2025 et le 31 décembre 2025 qui sont visés par les nouvelles normes relatives à l’étiquetage prévues par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (symboles nutritionnels, autres dispositions d’étiquetage, vitamine D et graisses ou huiles hydrogénées) ou par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement sur le cannabis (aliments supplémentés). 

Inscription sur un produit et documents disponibles au public

Le Règlement ne reprend pas la disposition du Projet de règlement qui prévoyait qu’une inscription sur un produit qui doit être en français conformément à l’article 51 de la Charte s’étend à « l’inscription qui s’y affiche pour l’utilisateur au moyen d’un logiciel embarqué ».

De plus, le Règlement ne précise plus que (i) l’obligation de rédiger en français les documents visés par l’article 52 de la Charte (catalogues, brochures, dépliants, etc.) et (ii) de rendre la version en français accessible dans des conditions aussi favorables que celles dans une autre langue comprend l’information publiée sur des sites Internet et des plateformes de média. Cette précision confirmait la position déjà prise par l’OQLF.

Le Projet de règlement imposait la traduction en français des inscriptions gravées, cuites, incrustées, rivetées, soudées ou embossées sur les produits dans les cas où celles-ci sont « nécessaires à l’utilisation du produit » (alors qu’actuellement seules les mentions liées à la sécurité du produit doivent être traduites). Cette obligation est absente de la version finale du Règlement, mais le ministre de la Langue française a indiqué qu’il envisageait encore de la réintégrer.

Contrats d’adhésion

Les dispositions du Projet de règlement en matière de contrats d’adhésion ont toutes été incluses dans la version finale du Règlement.

Le Règlement ajoute qu’en cas de divergences entre les versions en français et dans une autre langue qui lui sont remises ou qu’il consulte, l’adhérent aura la possibilité d’invoquer celle dans la langue de son choix en fonction de ses intérêts. Cette disposition est majeure et pourrait avoir des impacts considérables dans l’éventualité où une traduction n’est pas conforme au vocabulaire désiré par le rédacteur.

Contrairement aux autres dispositions du Règlement qui entrent en vigueur le 1er juin 2025, celles concernant les contrats d’adhésion entrent en vigueur le 11 juillet 2024.

Affichage public et publicité commerciale

Les règles en ce qui concerne l’affichage public et la publicité commerciale sont demeurées essentiellement les mêmes que celles se trouvant dans le Projet de règlement, à l’exception de certains éléments.

Le gouvernement du Québec a conservé la définition de l’expression « de façon nettement prédominante » qui se trouvait au Projet de règlement. Cela signifie que « le texte rédigé en français a un impact visuel beaucoup plus important que le texte rédigé dans une autre langue ». Toutefois, le Règlement ne prévoit plus qu’un texte rédigé en français a un impact visuel beaucoup plus important lorsqu’il est, entre autres, « au moins deux fois plus grand que celui rédigé dans une autre langue ». Il prévoit plutôt que c’est le cas lorsque « l’espace consacré au texte rédigé en français est au moins deux fois plus grand que celui consacré au texte rédigé dans une autre langue ». C’est un changement considérable qui pourrait éviter aux entreprises de changer complètement leur image de marque. Dans le cas d’affichages dynamiques (c.-à-d. qui comportent des textes rédigés en français et dans une autre langue s’affichant en alternance), le texte rédigé en français doit être visible « au moins deux fois plus longtemps que celui rédigé dans une autre langue ».


Si vous souhaitez discuter ces enjeux et ces questions, veuillez contacter les auteurs.

Cette publication se veut une discussion générale concernant certains développements juridiques ou de nature connexe et ne doit pas être interprétée comme étant un conseil juridique. Si vous avez besoin de conseils juridiques, c'est avec plaisir que nous discuterons les questions soulevées dans cette communication avec vous, dans le cadre de votre situation particulière.

Pour obtenir la permission de reproduire l’une de nos publications, veuillez communiquer avec Janelle Weed.

© Torys, 2024.

Tous droits réservés.
 

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières nouvelles

Restez à l’affût des nouvelles d’intérêt, des commentaires, des mises à jour et des publications de Torys.

Inscrivez-vous maintenant