Auteurs
Roxanne Beaucage
Le 1er juin 2023, le ministre de la Justice du Québec a déposé le projet de loi n⁰ 29 intitulé « Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens » visant à lutter contre l’obsolescence programmée, définie dans le projet de loi comme un bien qui « fait l’objet d’une technique visant à réduire sa durée normale de fonctionnement ». Avec son adoption, ce projet de loi pourrait modifier de façon importante la Loi sur la protection du consommateur (« L.p.c. »), notamment en assujettissant les fabricants et commerçants à des nouvelles normes et obligations reliées au bon fonctionnement, à la durabilité et à la réparabilité de certains biens de consommation, en créant un nouveau régime de sanctions administratives pécuniaires et en tenant responsables les dirigeants et administrateurs d’une organisation contrevenant à la L.p.c. ou à ses règlements.
Les modifications proposées aux termes du projet de loi visent à modifier la L.p.c. afin :
À ce stade, la date d’entrée en vigueur du projet de loi est inconnue. Le projet de loi prévoit cependant que son entrée en vigueur sera graduelle et s’étendra sur une période pouvant aller jusqu’à trois ans à compter de sa sanction. Le projet de loi sera assujetti à une étude parlementaire et est susceptible à des modifications au cours de son processus d’adoption.
Le projet de loi prohibe de façon générale le commerce de biens pour lesquels l’obsolescence est programmée et introduit une durée « plancher », dont l’étendue sera déterminée par règlement, pendant laquelle certains biens couramment achetés sont censés fonctionner de manière adéquate. Le projet de loi identifie les catégories de biens qui seront assujettis à cette nouvelle garantie : une cuisinière, un réfrigérateur, un congélateur, un lave-vaisselle, une machine à laver, un sèche-linge, un téléviseur, un ordinateur de bureau, un ordinateur portable, une tablette électronique, un téléphone cellulaire, une console de jeu vidéo, un climatiseur, une thermopompe et tout autre bien déterminé par règlement.
À défaut pour le bien de respecter cette durée, les commerçants seront forcés d’assumer les frais afférents à la réparation, incluant les frais raisonnables de transport ou d’expédition. La durée de cette garantie devra être divulguée près du prix annoncé et toute information pertinente déterminée par règlement relative à cette garantie devra être transmise aux consommateurs.
La garantie de bon fonctionnement oblige aussi maintenant les commerçants à s’assurer de la disponibilité des pièces, des services de réparation et des renseignements nécessaires à l’entretien ou à la réparation du bien pendant « une durée raisonnable après la conclusion du contrat », ainsi qu’à un prix « ne décourage[ant] pas l’accès par le consommateur », à moins d’indiquer avant la conclusion du contrat que le commerçant ou le fabricant ne fournit pas de tels pièces, services ou renseignements. Le projet de loi prévoit aussi que les logiciels de diagnostic et leurs mises à jour devront respecter les mêmes prescriptions. Les pièces de rechange devront pouvoir être installées à l’aide d’outils couramment disponibles et les réparations ou les entretiens devront pouvoir s’effectuer sans causer de dommages irréversibles au bien. À défaut pour le commerçant de respecter ces obligations, le consommateur pourrait avoir droit d’exiger la réparation du bien sans frais, et, si le commerçant fait toujours défaut de s’exécuter après une telle demande, le commerçant pourrait être obligé de remplacer le bien ou rembourser son prix d’achat.
Le projet de loi interdit aussi d’adopter une technique visant à rendre plus difficile l’entretien ou la réparation d’un bien, ou encore, dans le cadre de contrat de louage à long terme, d’exiger des frais au motif :
Le commerçant désirant vendre une garantie supplémentaire devra aussi dévoiler au consommateur l’existence de la garantie de bon fonctionnement ainsi que la possibilité de résoudre le contrat d’achat d’une garantie supplémentaire sans frais ni pénalité dans un délai de 10 jours.
Le projet de loi assujettit aussi maintenant les voitures d’occasion à cette garantie de bon fonctionnement, et prévoit que dans ce cas, le commerçant ne pourra pas invoquer l’absence de pièces de rechange, de services de réparation ou de renseignements nécessaires à l’entretien ou à la réparation du bien.
Des amendes variant entre 3 000 $ et 125 000 $ sont prévues en cas de contravention par une organisation pour la majorité des nouvelles dispositions introduites à la L.p.c. par le projet de loi. Ces montants pourraient toutefois être revus à la hausse lors de la contravention à certaines dispositions de la LPC, notamment l’interdiction de faire le commerce d’un bien pour lequel l’obsolescence est programmée ou l’obligation de divulguer conformément l’existence de la garantie de bon fonctionnement et sa durée. En effet, le projet de loi prévoit que l’amende minimale pourrait dans ces cas être équivalente au double du bénéfice pécuniaire retiré de la perpétration de l’infraction, et celle maximale, au quadruple.
Le projet de loi prévoit aussi de nouveaux facteurs dont doit tenir compte le tribunal dans la détermination du montant de l’amende, incluant le préjudice économique causé aux consommateurs, le nombre de consommateurs lésés ou ayant pu être lésés ainsi que le bénéfice pécuniaire et les autres avantages retirés, ou ayant pu l’être, par la perpétration de l’infraction.
Indépendamment des dispositions entourant l’obsolescence programmée, le projet de loi prévoit aussi que l’administrateur, dirigeant, mandataire ou représentant d’une organisation qui contrevient à la L.p.c. ou à ses règlements est présumée avoir aussi commis l’infraction, à moins d’avoir fait preuve de diligence raisonnable en prenant « toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration ».
Le projet de loi introduit aussi un régime de sanctions administratives pécuniaires pouvant être ordonnées par l’OPC pour des contraventions à la L.p.c. ou ses règlements. À cet égard, le projet de loi habilite le gouvernement à déterminer par règlement des « manquements objectivement observables » à une disposition de la L.p.c. ou de ses règlements.
Le montant de ces sanctions sera aussi déterminé par le gouvernement, mais ne pourra excéder 3 500 $ par jour dans le cas des personnes morales, et le projet de loi prévoit que chaque jour durant lequel un manquement se poursuit constitue un manquement distinct.
Compte tenu de l’existence parallèle des régimes de sanctions pénales et administratives, le projet de loi prévoit qu’un même manquement pour une même journée ne peut faire l’objet d’une sanction par les deux régimes.
Fait très important : lorsque l’organisation responsable de payer une telle sanction fait défaut de verser la somme réclamée, le projet de loi prévoit que les administrateurs et dirigeants sont tenus solidairement avec ledit responsable, à moins d’établir avoir fait preuve de prudence et de diligence afin de prévenir le manquement. Le paiement d’une sanction administrative pécuniaire est aussi garanti par une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles du débiteur.
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