La Cour d’appel du Québec a autorisé1 en partie l’institution d’une action collective pour divulgation fausse ou trompeuse sur le marché secondaire par Barrick Gold Corporation en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec (L.v.m.), concluant que le demandeur avait prouvé une possibilité raisonnable de succès relativement à l’un des trois types de déclarations fausses ou trompeuses. Elle a toutefois rejeté l’autorisation de la réclamation en responsabilité civile en vertu du Code civil du Québec (C.c.Q.) au motif que le demandeur n’avait pas plaidé s’être fié aux déclarations fausses et trompeuses. Elle a également rejeté l’autorisation de la réclamation pour divulgation fausse ou trompeuse sur le marché primaire.
Cette décision confirme que les critères d’autorisation des réclamations pour présentation inexacte de faits importants sur le marché secondaire de la L.v.m. sont plus stricts que les critères d’autorisation d’une action collective du Code de procédure civile (C.p.c.), et que la partie défenderesse n’a pas besoin de l’autorisation de la Cour pour produire de la preuve à l’effet que les critères de la L.v.m. ne sont pas satisfaits. Elle réitère également que les principes juridiques applicables aux réclamations pour présentation inexacte de faits importants en vertu de la L.v.m. sont différents de ceux qui régissent les réclamations en responsabilité civile en vertu du C.c.Q.
Le demandeur a allégué que Barrick avait fourni trois types de déclarations fausses ou trompeuses concernant la conformité du projet minier Pascua-Lama aux exigences environnementales, soit i) son système de gestion de l’eau, ii) ses mesures de protection des glaciers et (iii) son système de surveillance de la qualité de l’eau. Le demandeur a allégué en outre que ces déclarations fausses ou trompeuses avaient par la suite été publiquement corrigées, entraînant une baisse importante du cours de l’action de Barrick. Au terme d’une audience de six jours, le juge Davis de la Cour supérieure a rejeté l’ensemble des autorisations demandées, statuant que le demandeur n’avait pas prouvé l’existence d’une chance raisonnable de démontrer que Barrick avait fait une présentation inexacte de faits importants.
La Cour d’appel a conclu que le juge de première instance avait correctement résumé les cadres juridiques applicables, mais avait commis une erreur dans leur application à l’affaire dont il était saisi [traduction] « en considérant l’étape de l’autorisation comme un mini‐procès » et en ne tenant pas compte de la preuve déposée par le demandeur qui contredisait la preuve déposée par Barrick. La Cour d’appel a donc réexaminé l’affaire pour déterminer si les autorisations demandées devraient être accordées.
La Cour d’appel a confirmé que, dans les actions collectives proposées en valeurs mobilières au Québec, il est préférable de commencer par les critères d’autorisation prévus à l’article 225.4 de la L.v.m. De ceux-ci, le critère de la bonne foi n’était pas contesté. On contestait par contre le critère de la possibilité raisonnable de succès, plus exigeant que le critère d’apparence de droit prévu par l’article 575(2) C.p.c. pour l’autorisation d’une action collective. La Cour d’appel a indiqué que les deux parties (le demandeur mais aussi le défendeur) peuvent présenter de la preuve dans le contexte du mécanisme de filtrage de la L.v.m. sans l’autorisation préalable de la Cour, ajoutant que le juge doit tenir compte de la preuve présentée par les deux parties, mais qu’il n’a pas à procéder à une analyse complète de cette preuve.
Une demande d’autorisation d’intenter une action pour divulgation fausse ou trompeuse fondée sur les dispositions de la L.v.m. concernant le marché secondaire doit démontrer, à l’égard de chaque déclaration fausse ou trompeuse alléguée, qu’il existe une possibilité raisonnable de succès relativement aux éléments suivants : (i) le défendeur a fait une divulgation fausse ou trompeuse au sens de la L.v.m., ce qui signifie qu’elle doit induire en erreur sur un fait important; (ii) cette déclaration fausse ou trompeuse a par la suite fait l’objet d’une rectification rendue publique; (iii) le demandeur a acquis des actions entre le moment où la déclaration fausse ou trompeuse a été publiée et le moment où elle a fait l’objet d’une rectification rendue publique; (iv) lorsque la déclaration fausse ou trompeuse n’était pas contenue dans un document essentiel, le défendeur savait ou aurait dû savoir que l’information était fausse ou trompeuse.
La Cour d’appel a estimé que le demandeur avait satisfait à ce fardeau, mais uniquement en ce qui concerne les allégations de déclarations fausses ou trompeuses relativement au système de surveillance de la qualité de l’eau. En ce qui concerne les deux autres types de déclarations fausses ou trompeuses (mesures de protection des glaciers et système de surveillance de la qualité de l’eau), la Cour d’appel a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer qu’il s’agissait d’un fait important, un élément essentiel des réclamations pour déclarations fausses ou trompeuses en vertu de la L.v.m. La Cour d’appel a clairement établi qu’il incombe au demandeur de démontrer qu’il a une possibilité raisonnable de succès, y compris en ce qui concerne l’importance des faits. Le défendeur n’a pas à prouver l’absence d’une chance raisonnable de succès du demandeur.
Ayant conclu que le demandeur satisfaisait aux critères d’autorisation de la L.v.m. en ce qui concerne les allégations de déclarations fausses ou trompeuses relativement au système de surveillance de la qualité de l’eau, la Cour d’appel a jugé, comme l’on pouvait s’y attendre, que le critère moins strict de l’apparence de droit prévu au paragraphe 575(2) C.p.c. était également satisfait à cet égard.
Les réclamations liées au marché primaire n’étant pas assujetties au mécanisme de filtrage de la L.v.m., la Cour d’appel a conclu que le prospectus sur lequel le demandeur s’était fondé avait été publié avant les déclarations fausses ou trompeuses concernant le système de surveillance de la qualité de l’eau, de sorte que sa demande à cet égard ne pouvait être valide. En ce qui concerne les deux autres types de déclarations fausses ou trompeuses, la Cour d’appel a jugé que les allégations concernant l’importance des faits étaient [traduction] « vagues, générales et imprécises ». Par conséquent, les réclamations liées au marché primaire ne satisfaisaient pas au critère de l’apparence de droit.
Le demandeur a tenté de s’appuyer sur l’arrêt Asselin2 de la Cour suprême du Canada (CSC) pour faire valoir qu’il n’avait pas besoin de plaider s’être fié aux déclarations fausses ou trompeuses pour satisfaire au critère de l’apparence de droit du C.c.Q. La Cour d’appel a rejeté entièrement cet argument, soulignant que l’affaire Asselin ne portait pas sur les obligations d’information prévues par la L.v.m., que le demandeur dans cette affaire a fait valoir qu’il s’était fié à l’information fausse ou trompeuse et que rien n’y contredit la décision de la CSC dans l’arrêt Theratechnologies3, où la CSC a statué que, dans toute réclamation pour déclarations fausses ou trompeuses liés aux valeurs mobilières en vertu du C.c.Q., il est essentiel de faire valoir qu’on s’était fié à ces déclarations.
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