Arrestation illégale et abusive : victoire pour l’Association canadienne des libertés civiles devant la Cour suprême dans une affaire de responsabilité civile
Torys a agi à titre de conseiller juridique de l'Association canadienne des libertés civiles avec une équipe qui comprenait Sylvie Rodrigue, Marie-Ève Gingras et Emma Loignon-Giroux.
Le 29 novembre 2019, l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) a remporté, à titre d’intervenante, une importante victoire devant la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’affaire Kosoian c. Société de transport de Montréal. L’équipe de Torys, composée de Sylvie Rodrigue, Marie-Ève Gingras et Emma Loignon-Giroux, représentait l’ACLC dans le cadre de son intervention.
Les principales questions dans cette affaire étaient les suivantes: a) les policiers devraient-ils être tenus responsables des dommages causés à une personne arrêtée, détenue et fouillée sur la base d’une infraction inexistante, et ce, même s’ils croyaient à l’existence d’une telle infraction et avaient agi de bonne foi; et b) les Canadiens peuvent-ils refuser de s’identifier aux policiers lorsque cette demande n’a aucun fondement juridique valable.
L’affaire est survenue après que l’agent Fabio Camacho eut ordonné à Bela Kosoian de tenir la main courante de l’escalier mécanique dans une station de métro et qu’elle ait refusé d’obtempérer. L’agent Camacho lui a demandé de le suivre pour recevoir un constat d’infraction, ce qu’elle a refusé de faire. L’agent Camacho et l’un de ses collègues ont alors conduit Mme Kosoian dans une salle de confinement et lui ont demandé de fournir une pièce d’identité, ce qu’elle a refusé. La tension a monté et l’agent Camacho a procédé à l’arrestation de Mme Kosoian pour refus de s’identifier, puis l’a menottée et a fouillé son sac. Sa carte d’identité trouvée, Mme Kosoian a reçu deux constats d'infraction, l’un pour « désobéissance à un pictogramme » et l’autre pour le refus de décliner son identité. La cour municipale de la Ville de Montréal a par la suite acquitté Mme Kosoian de ces deux infractions. Mme Kosoian a intenté une action en responsabilité civile relativement à sa détention et à son arrestation. La Cour du Québec a rejeté l’action, soutenant que l’agent Camacho n’avait pas commis de faute, et les juges majoritaires de la Cour d’appel du Québec sont parvenus à la même conclusion. La CSC a accueilli le pourvoi à l’unanimité et a ordonné à la Société de transport de Montréal (la société responsable du réseau de métro), à la Ville de Laval et à l’agent Camacho de verser 20 000 $ à Mme Kosoian.
L’ACLC est intervenue devant la CSC dans cette affaire pour soutenir que la détention, l’arrestation et la fouille d’une personne relativement à une infraction inexistante ne peuvent être considérées comme une conduite policière raisonnable. La CSC a donné raison à l’ACLC et a clairement indiqué qu’un policier engage sa responsabilité civile s’il porte atteinte aux droits et libertés des Canadiens sur la base d’une infraction inexistante. Un policier ne peut se soustraire à sa responsabilité en faisant valoir qu’il croit de bonne foi en l’existence d’une infraction si une telle croyance erronée est déraisonnable. La CSC a précisé que la présomption de validité des lois, règlements et dispositions réglementaires ne s’étend pas à l’existence même d’une infraction. En outre, une infraction n’est pas présumée exister du seul fait que l’État, qu’une personne morale ou qu’un de leurs représentants croit qu’elle existe.
L’ACLC est intervenue également pour soutenir que les Canadiens n’ont pas l’obligation de décliner leur identité à un policier dont la conduite est illégale. Encore une fois, la CSC était d’accord avec la position de l’ACLC et a confirmé que les policiers doivent s’appuyer sur un fondement juridique valide pour demander aux citoyens de dévoiler leur identité. Si l’infraction que le policier croit avoir été commise n’existe pas, ni le Code de procédure pénale du Québec, ni aucune autre loi ou règle de common law ne lui confère le pouvoir d’exiger qu’une personne obéisse à ses ordres et s’identifie.
Appliquant ces principes aux faits, la CSC a conclu que le fait de ne pas tenir la main courante d’un escalier mécanique comme le suggère un pictogramme ne constitue pas une infraction en droit et qu’il n’est pas raisonnable de conclure autrement. L’agent Camacho a donc agi illégalement et Mme Kosoian avait le droit de refuser d’obéir à son ordre de tenir la main courante et de s’identifier.
Bien que cette décision ait été rendue en vertu des lois du Québec, la décision de la CSC dans cette affaire s’applique à l’extérieur du Québec, comme il ressort du fait que la CSC s’est fondée sur de nombreuses décisions de common law et a invoqué des règles de common law.
Il est possible de consulter la décision de la CSC à partir du site Web de Lexum.