Conférenciers
Christopher Richter (00:05) : Bonjour, je m’appelle Christopher Richter et je suis associé en litige chez Torys. Je suis ici avec mon associée Julie Himo, également du bureau de Montréal de Torys et nous aimerions vous donner un aperçu de ce qui se passe en matière de litige et d’enquête dans notre pratique. Aujourd’hui, nous discuterons des tendances en matière de litiges contractuels, de responsabilité des dirigeants ainsi que de poursuites par les autorités réglementaires et des actions collectives qui peuvent en découler.
Julie, je voudrais d’abord parler de la bonne foi et de l’interprétation contractuelle qui sont des concepts dont les tribunaux ont beaucoup traités récemment. Ils ont notamment abordé la notion de contrat relationnel, où il est plus courant d’invoquer la bonne foi.
Julie Himo (00:53) : Oui, un contrat relationnel est un contrat qui implique une relation à long terme entre des parties qui poursuivent un objectif commun au moyen d’une coopération étroite et d’une confiance mutuelle. Dans l’affaire Bombardier c. Honeywell International, la bonne foi a été invoquée pour définir les obligations des parties. Honeywell était tenue de négocier de bonne foi une réduction de prix si le coût de ses moteurs rendait les avions de Bombardier non compétitifs.
L’affaire est maintenant en appel, alors nous verrons ce que la Cour d’appel décidera. La Cour supérieure a cité la récente décision de la Cour suprême dans l’affaire Ponce c. Rhéaume, où l’on peut également parler d’un contrat relationnel. Il semble que la bonne foi puisse même imposer des obligations positives. S’agit-il d’une nouvelle tendance, Chris?
Christopher Richter (01:36) : Je ne dirais pas que c’est vraiment nouveau, mais la bonne foi permet d’étendre les obligations contractuelles des parties à des obligations implicites telles que l’obligation d’informer dans certaines situations. La Cour suprême a déclaré que la bonne foi impose une obligation de loyauté contractuelle, c’est à dire qu’il n’est pas nécessaire d’agir en fonction des intérêts de l’autre partie, mais il faut en tenir compte.
Il y a une dimension même proactive à cette obligation qui inclut le devoir d’informer l’autre partie pour l’aider à exécuter le contrat.
Julie Himo (02:08) : Ça veut dire qu’il est encore plus important de prévoir des limitations de responsabilité dans le contrat qui seront appliquées, sauf en cas de dol ou de fraude, comme ça a été soulevé dans l’affaire Prelco. Les administrateurs et dirigeants sont également de plus en plus exposés au risque de responsabilité réglementaire. L’une des tendances que nous observons, c’est que les organismes de réglementation et les tribunaux civils et commerciaux exercent leur autorité plus efficacement.
Chris, peux-tu nous donner quelques exemples au Québec?
Christopher Richter (02:38) : Bien sûr, Julie. Les tribunaux québécois sont (je pense que tout le monde le sait) surchargés et s’efforcent de supprimer les obstacles à une prise de décision efficace. Ils ne veulent pas s’occuper de querelles de compétence ces jours-ci. Un exemple, c’est l’affaire Sharp c. l’Autorité des marchés financiers. La Cour suprême a reconnu la compétence du Tribunal administratif des marchés financiers du Québec pour entendre les plaintes déposées par l’AMF contre des personnes à l’extérieur du Québec, lorsqu’il existe un lien suffisant avec la province. Ce critère semble s’appliquer à toute autorité réglementaire provinciale qui pourrait maintenant agir dans l’ensemble du Canada et même à l’échelle internationale, si le comportement a un lien suffisant avec la province.
Julie Himo (03:23) : Dis-nous Chris, le risque règlementaire, c’est une chose, mais qu’en est-il du risque lié aux actions collectives? Est-ce que ce risque peut être encore plus élevé de nos jours?
Christopher Richter (03:32) : Oui, il y a beaucoup d’avocats en demande qui utilisent les violations réglementaires comme fondement d’actions collectives. On n’a qu’à regarder les nouvelles règles contre la décomposition des prix prévues à la Loi sur la concurrence. La prohibition de décomposition des prix existe de longue date au Québec en vertu de la Loi sur la protection du consommateur, mais à cause des nouvelles modifications apportées au fédéral, ce risque existe maintenant partout au Canada.
On a parfois l’impression que la moindre ambiguïté dans l’information publiée en ligne peut donner lieu à une nouvelle action collective. Et cette tendance, je pense, ne fait que s’amplifier. Julie, je sais que tu as une pratique très occupée en protection des renseignements personnels et cybersécurité. Quelles sont les tendances dans ce domaine pour les actions collectives?
Julie Himo (04:23) : Alors on continue de voir une hausse des actions collectives liées aux violations des données personnelles que les entreprises québécoises détiennent sur des clients, des employés et d’autres groupes d’individus. En 2023, six nouvelles actions collectives en cette matière ont été déposées au Québec. Par contre, les tribunaux n’autorisent plus aussi facilement ces recours. Les avocats en demande ont de plus en plus de mal à passer l’étape de l’autorisation.
C’est pourquoi nous attendons à voir l’apparition d’actions collectives alléguant un traitement inapproprié des renseignements personnels et le non-respect des nouvelles exigences de la Loi 25, qui est la nouvelle loi sur la protection des renseignements personnels au Québec. Il faut bien déterminer les renseignements qu’on peut recueillir, utiliser et transmettre, car on risque de voir de plus en plus d’allégations d’absence de consentement.
On voit aussi de nouvelles tendances liées à l’utilisation de l’intelligence artificielle qui va devenir une source importante de responsabilité. Les organisations tentent de tirer profit des données qu’elles détiennent, qu’elles génèrent ou qu’elles peuvent même acheter auprès de tiers. Cette tendance entraînera certainement une augmentation des actions collectives résultant des pratiques de collecte et d’utilisation des données. Quelques-unes ont déjà été déposées au Québec, notamment dans les affaires Flo Health, Home Depot et Whaleco, mais il y en aura certainement d’autres.
Alors c’est une tendance qui est à surveiller.
On observe l’émergence de trois points saillants en litige au Québec. Dans cette vidéo, Christopher Richter et Julie Himo se penchent sur ceux-ci, soit :
Cliquez ici pour consulter les autres vidéos de la série.
Si vous souhaitez discuter ces enjeux et ces questions, veuillez contacter les auteurs.
Cette publication se veut une discussion générale concernant certains développements juridiques ou de nature connexe et ne doit pas être interprétée comme étant un conseil juridique. Si vous avez besoin de conseils juridiques, c'est avec plaisir que nous discuterons les questions soulevées dans cette communication avec vous, dans le cadre de votre situation particulière.
Pour obtenir la permission de reproduire l’une de nos publications, veuillez communiquer avec Janelle Weed.
© Torys, 2024.
Tous droits réservés.