La situation actuelle du cycle économique canadien peut être décrite comme une histoire de résilience et de défis. Toute l’année 2025, le marché de crédit canadien a subi l’impact des changements économiques et géopolitiques, notamment en ce qui concerne le cycle économique, la politique monétaire et les tensions commerciales internationales. Dans cet article, nous examinons certains de ces développements et leurs implications pour les emprunteurs et les prêteurs.
La plupart des entreprises se sont adaptées à l’ère post-COVID-19 et à la « nouvelle normalité ». Les emprunteurs, dans l’ensemble, ont adapté leurs activités aux nouveaux comportements des consommateurs, à la normalisation des chaînes d’approvisionnement, à la stabilité des revenus et des dépenses et à une politique monétaire accommodante.
D’autre part, la vague de tarifs douaniers annoncés et imposés par l’administration Trump est source d’incertitude. Si les entreprises canadiennes les plus touchées sont celles qui vendent les produits visés par les tarifs aux États-Unis, des effets importants se ressentent sur les pièces détachées, les chaînes d’approvisionnement et l’ensemble de l’économie canadienne. Il reste à déterminer l’ampleur des contre-tarifs et des mesures que le gouvernement canadien prendra pour atténuer l’impact d’une guerre commerciale par des politiques monétaires ou fiscales, comme il l’a fait au début de la COVID-19.
L’impact de l’IA sur les entreprises et l’économie mondiale devient également pertinent. Les entreprises qui peuvent exploiter la puissance de l’IA bénéficieront d’avantages concurrentiels, d’une plus grande efficacité et d’une réduction des coûts. À l’inverse, les gouvernements devront composer avec des perturbations et des déplacements de la main-d’œuvre à mesure que l’IA agentive et les robots intelligents accaparent de plus en plus de tâches : autant de forces déflationnistes qui pourraient nécessiter une révision de la notion du PIB par habitant1.
Les prévisions font état d’une croissance économique modeste d’environ 1,5 % pour 2025 et l’on s’attend à ce que l’expansion se poursuive en dessous du potentiel. La baisse des taux d’intérêt devrait soutenir la consommation et l’investissement, même si des incertitudes persistent, particulièrement en ce qui concerne les politiques commerciales.
La Banque du Canada prévient que les nouveaux tarifs douaniers américains et les éventuelles mesures de rétorsion pourraient freiner le rendement économique futur. Les emprunteurs devraient revoir leur situation financière, discuter avec les prêteurs en amont et explorer des stratégies de financement diversifiées pour gérer ces défis.
Les emprunteurs et les prêteurs canadiens affrontent activement l’incertitude créée par les récents tarifs douaniers et les tensions commerciales avec les États-Unis, et particulièrement leur impact sur les contrats de prêt. Deux dispositions contractuelles sont devenues importantes dans ce contexte : les clauses de force majeure (en tant qu’arme de défense) et les clauses d’effet défavorable important (en tant qu’arme offensive).
Le crédit privé a connu une croissance fulgurante ces dernières années et de nombreuses sociétés financières prévoient que les volumes mondiaux atteindront jusqu’à 3 000 milliards de dollars d’ici 2028. Cette croissance s’observe principalement aux États-Unis, sous l’effet de plusieurs facteurs, dont les changements réglementaires, qui ont conduit les banques à réduire leurs activités de prêt. Au Canada, ce marché demeure relativement sous-développé par rapport aux États-Unis. Cette disparité peut être attribuée aux facteurs suivants :
Bien que nous ayons constaté une augmentation des fonds de crédit privés canadiens, beaucoup de fonds déploient leurs capitaux au sud de la frontière et dans d’autres régions afin d’atteindre les rendements souhaités.
Il sera intéressant de voir si le conflit commercial actuel poussera l’une ou l’autre des six grandes banques à se retirer des prêts dans certains secteurs, libérant ainsi la place au crédit privé en tant que source de capitaux. Nous pourrions également assister à une augmentation de la pression sur les clauses de maintenance dans les facilités de crédit existantes avec les banques canadiennes, ce qui pourrait aussi ouvrir la porte aux prêteurs privés qui sont généralement en mesure d’offrir des conditions plus souples et de gérer des situations de capital complexes. Enfin, en cas de récession, les entreprises en difficulté pourraient se tourner vers le crédit privé pour obtenir des liquidités. Le crédit privé est réputé pour sa capacité à s’adapter aux impacts économiques inhabituels et à combler le vide laissé par d’autres fournisseurs de capitaux. Il reste à voir si cela sera le cas au Canada.
Les prêts liés au développement durable (PDD) font désormais partie intégrante de la finance durable au Canada et gagnent en popularité auprès des entreprises et des institutions financières canadiennes qui cherchent à aligner leurs stratégies de financement sur les objectifs de développement durable. Toutefois, les récents décrets présidentiels américains visant à démanteler les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) peuvent se révéler problématiques pour les entreprises canadiennes qui exercent des activités transfrontalières et qui disposent d’un PDD avec une composante DEI.
En effet, puisque leurs PDD pourraient faire l’objet d’un examen réglementaire par les autorités américaines, les emprunteurs et les prêteurs pourraient devoir revoir et modifier les paramètres DEI prévus dans le contrat de PDD. Les entreprises canadiennes touchées auraient intérêt à revoir les indicateurs clés de performance (ICP) et les objectifs de rendement de leurs PDD afin d’assurer leur conformité avec la réglementation canadienne et américaine. Tout élément lié à la durabilité dans leurs nouveaux PDD devra probablement être axé sur l’environnement plutôt que sur les facteurs sociaux en raison de la politique actuelle des États-Unis. Nous nous attendons à ce que beaucoup d’entreprises modifient leurs PDD en supprimant ou modifiant les ICP liés à la DEI, en limitant la portée géographique des ICP ou en séparant les PDD dans une tranche distincte détenue par des prêteurs qui ne sont pas assujettis aux restrictions américaines.
Le passage de la quasi-totalité du marché canadien des prêts (soit environ 20 000 milliards de dollars de prêts et de dérivés basés sur le taux CDOR) au taux CORRA est maintenant presque terminé.
Cette transition a amené plusieurs à se demander s’il faut inclure un ajustement pour l’écart de crédit (représentant le delta consensuel à l’échelle du marché entre le taux sans risque et le taux de financement interbancaire) à la marge de transaction (représentant la prime de risque intrinsèque d’un emprunteur). La question peut être résumée comme suit :
Lorsque les marchés mondiaux des prêts et des dérivés ont commencé la transition des taux sensibles au crédit (comme le CDOR et le LIBOR) à des taux sans risque (comme le CORRA et le SOFR), la question s’est posée de savoir comment convertir ces taux dans les contrats de prêt existants. Pour utiliser une analogie, c’est comme si le risque de crédit était auparavant mesuré en pouces et l’est désormais en centimètres, d’où la nécessité d’un facteur de conversion. Des ajustements pour l’écart de crédit ont donc dû être utilisés dans un contexte où le risque de crédit était évalué selon le taux de référence CDOR.
Aujourd’hui, nous constatons que plusieurs, voire la plupart des contrats de prêt renoncent aux ajustements pour l’écart de crédit, les prêteurs raisonnant de plus en plus en termes de taux CORRA. Cette tendance devrait se poursuivre et nous recommandons à ceux qui s’appuient encore sur le taux CDOR à suivre la tendance du marché en supprimant les ajustements pour l’écart de crédit et en fixant le prix des prêts uniquement en fonction du taux CORRA.
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