T3 | Revue Trimestrielle de TorysÉté 2025

Fusions et acquisitions transfrontalières aux États-Unis – Bilan de mi-année

Les activités de fusion et acquisition des deux premiers trimestres de 2025 n’ont pas atteint les sommets auxquels bien des gens s’attendaient; toutefois, malgré l’incertitude, on peut continuer d’espérer un environnement propice aux opérations d’ici la fin de l’année. Dans cet article, nous examinons les opérations transfrontalières réalisées à la mi-année, ainsi que l’impact des tarifs douaniers et d’autres développements commerciaux sur l’humeur du marché. Nous examinons aussi les facteurs qui pourraient pencher en faveur d’un environnement plus favorable pour le reste de l’année.

Fusions et acquisitions aux États-Unis

À la fin du premier semestre, le bilan des opérations de fusion et acquisition aux États-Unis est mitigé, les investissements nationaux et internationaux dans des cibles américaines montrant des signes de ralentissement (voir la figure 1). Cela s’explique notamment par la volatilité géopolitique, qui a eu un effet négatif sur les opérations, alors que l’on s’attendait à leur retour en force. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux négociateurs aient opté pour une approche attentiste face à la vague d’annonces de tarifs douaniers américains, et aux pauses, ajustements et mesures de rétorsion qui ont suivi toutes ces annonces au cours des derniers mois. On a aussi senti l’impact des taux d’intérêt élevés et de l’incertitude quant à l’approche de l’administration Trump à l’égard de la mise en application des lois antitrust. Cela dit, la valeur annualisée des opérations devrait augmenter modérément, passant de 1,31 billion de dollars en 2024 à 1,46 billion de dollars en 2025 (voir la figure 2), en partie grâce au nombre élevé d’opérations dépassant le milliard de dollars. On est actuellement en bonne voie pour enregistrer une augmentation de 29 % de la valeur des opérations d’une année à l’autre; en revanche, l’augmentation du nombre d’opérations menées par des acquéreurs américains de cibles américaines devrait être plus modeste, à 5 % d’une année à l’autre (voir la figure 2).

Figure 1 : Nombre d’opérations et valeur (tout acquéreur d’une cible américaine)
Nombre d’opérations et valeur (tout acquéreur d’une cible américaine)
Source : Bloomberg. Selon les opérations annoncées du 1er janvier 2020 au 30 juin 2025. Ce calcul ne tient pas compte des opérations résiliées et annulées.
 
Figure 2 : Nombre d’opérations et valeur (acquéreur américain d’une cible américaine)
Nombre d’opérations et valeur (acquéreur américain d’une cible américaine)
Source : Bloomberg. Selon les opérations annoncées du 1er janvier 2020 au 30 juin 2025. Ce calcul ne tient pas compte des opérations résiliées et annulées.

 
Même si de nombreuses opérations restent en suspens, les méga-opérations (d’une valeur supérieure à un milliard de dollars) se poursuivent à un rythme soutenu. Il reste à voir si elles découlent d’opérations préparées à la fin de 2024 ou si elles annoncent un regain de confiance pour 2025. En juin, la valeur des dix plus grandes opérations annoncées représentait environ 34 % de la valeur totale des opérations au premier semestre de 2025, la plus importante étant évaluée à 39 milliards de dollars (projet d’acquisition de Walgreens par Sycamore Partners). Parmi les autres opérations notables annoncées, mentionnons l’acquisition de Cox Communications par Charter Communications pour 34,5 milliards de dollars et l’acquisition de Wiz Inc. par Alphabet Inc. pour 32 milliards de dollars.

D’un point de vue sectoriel, les acquéreurs américains trouvent des occasions dans l’immobilier, qui est le secteur le plus important en ce qui concerne le nombre d’opérations depuis le début de l’année (voir la figure 3). La création de catégories d’actifs immobiliers non traditionnelles a entraîné une augmentation des activités de fusion et acquisition ces dernières années1, tandis que les actifs immobiliers traditionnels (p. ex., les logements et les bureaux) demeurent tributaires, en partie, de l’évolution des taux d’intérêt et des répercussions des droits de douane sur les coûts de construction, l’offre et les évaluations. Cependant, les actifs combinant l’immobilier et l’infrastructure numérique (p. ex., les centres de données, les câbles et les centrales de production d’énergie) ont permis de réaliser certaines méga-opérations en 2024, notamment l’acquisition d’AirTrunk par Blackstone pour 16 milliards de dollars2, et montrent des signes de croissance soutenue pour 2025. Le secteur de la technologie demeure prometteur grâce à l’essor de l’IA, les investisseurs affichant un intérêt marqué pour l’infonuagique, les logiciels améliorés par l’IA et la cybersécurité, entre autres. Ce secteur continue de susciter de fortes attentes sur les marchés et devrait continuer d’attirer des investissements jusqu’à la fin de l’année, comme en témoigne l’acquisition de X Corp. par xAI pour 33 milliards de dollars en mars.

Figure 3 : Ventilation par secteur cible (acquéreur américain d’une cible américaine)
Ventilation par secteur cible (acquéreur américain d’une cible américaine)
Source : Bloomberg. Selon les opérations annoncées du 1er janvier 2020 au 30 juin 2025. Ce calcul ne tient pas compte des opérations résiliées et annulées.

Flux d’opérations à l’échelle mondiale

Investissements canadiens aux États-Unis

Il est peu probable que les investissements canadiens aux États-Unis retrouvent leur niveau des années fastes de 2021 et 2022; cependant, si on se fie à la valeur annualisée des opérations prévue (62 milliards de dollars), l’année 2025 pourrait être légèrement meilleure que l’année précédente, dont la performance était déjà faible. La persistance du ralentissement des investissements canadiens aux États-Unis depuis 2023 et 2024 est emblématique de l’incertitude qui règne dans les relations commerciales mondiales, plus particulièrement entre les États-Unis et le Canada. Par ailleurs, la promesse de la conclusion éventuelle d’un accord commercial entre les États-Unis et le Canada (suite à l’annulation de la taxe sur les services numériques par le Canada) pourrait atténuer l’incertitude pour les Canadiens qui investissent aux États-Unis et favoriser les activités de fusion et acquisition.

Alors que le volume des opérations reste faible dans la plupart des secteurs après des années d’inflation élevée et de difficultés liées au financement, les acquéreurs canadiens continuent de se tourner vers les États-Unis pour trouver des occasions. Résultat : on assiste à une légère augmentation de la proportion des opérations évaluées à plus d’un milliard de dollars et de celles évaluées à entre 100 et 500 millions de dollars par rapport à l’année précédente. Dans le secteur financier, les acquéreurs canadiens sont à l’origine de la plupart des opérations effectuées aux États-Unis par des acteurs étrangers depuis le début de l’année, en hausse de 8 % par rapport à 2024 (voir la figure 5). La proportion des opérations réalisées par des acquéreurs du secteur de l’énergie a également connu une légère hausse (3 % en 2024), ce qui pourrait indiquer un regain d’intérêt pour les acquisitions liées à la sécurité énergétique, comme l’acquisition par Keyera Corp. des activités canadiennes de liquides de gaz naturel de l’entreprise américaine Plains, annoncée en juin3. En revanche, la part des opérations réalisées par des acquéreurs canadiens dans le secteur des matériaux a baissé de 5 % par rapport à l’année dernière, probablement en raison de la vulnérabilité du secteur face aux tarifs douaniers américains et aux mesures de rétorsion prises à l’échelle mondiale. Même avant la plus récente annonce de tarifs de 35 % sur les biens canadiens, les tarifs américains ont connu en 2025 leur niveau le plus élevé depuis 19394 et continuent de peser sur les entreprises dont les chaînes d’approvisionnement sont internationales.

Figure 4 : Nombre d’opérations et valeur (acquéreurs canadiens de cibles américaines)
Nombre d’opérations et valeur (acquéreurs canadiens de cibles américaines)
Source : Bloomberg. Selon les opérations annoncées du 1er janvier 2020 au 30 juin 2025. Ce calcul ne tient pas compte des opérations résiliées et annulées.
 
Figure 5 : Ventilation par secteur d’activité des acquéreurs (acquéreurs canadiens de cibles américaines)
Ventilation par secteur d’activité des acquéreurs (acquéreurs canadiens de cibles américaines)
Source : Bloomberg. Selon les opérations annoncées du 1er janvier 2020 au 30 juin 2025. Ce calcul ne tient pas compte des opérations résiliées et annulées.
 
Investissements américains au Canada

Le contexte géopolitique actuel a un effet dissuasif majeur sur les opérations au Canada. En effet, le volume des opérations américaines au Canada diminue après une année 2024 particulièrement active : le nombre annualisé d’opérations devrait atteindre 362, en baisse par rapport aux 441 de l’année précédente (voir la figure 6). Qui plus est, le gouvernement canadien a mis à jour ses Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements afin de tenir compte, lors de l’examen des investissements étrangers au Canada, de la mesure dans laquelle l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité économique du Canada en raison de l’intégration accrue des entreprises canadiennes à l’économie d’un État étranger.

Malgré tout, on s’attend à ce que la valeur des opérations atteigne 67 milliards de dollars, alors qu’elle s’élevait à 40 milliards de dollars en 2024. Cette situation indique un changement par rapport à l’année dernière pour les acheteurs américains d’actifs canadiens, qui se concentrent sur des opérations de fusion et acquisition de plus grande envergure. Par exemple, le projet d’acquisition de Parkland Corp par Sunoco, pour un montant de neuf milliards de dollars, est la plus importante opération impliquant un acquéreur américain et une cible canadienne annoncée depuis 2020. Les opérations dans le secteur financier ont connu une croissance marquée (voir la figure 7), probablement soutenue par la stabilisation de l’inflation, la Banque du Canada ayant maintenu son taux d’intérêt cible à 2,75 %5. Le secteur de l’industrie est en léger recul, mais il demeure l’un des principaux secteurs cibles, comme c’est le cas depuis trois ans. Malgré les risques liés aux tarifs douaniers, les bénéfices élevés réalisés dans ce secteur, combinés aux effets favorables des activités du secteur de l’infrastructure, nous portent à croire qu’il continuera à intéresser les acquéreurs américains.

Figure 6 : Nombre d’opérations et valeur (acquéreurs américains de cibles canadiennes)
Nombre d’opérations et valeur (acquéreurs américains de cibles canadiennes)
Source : Bloomberg. Selon les opérations annoncées du 1er janvier 2020 au 30 juin 2025. Ce calcul ne tient pas compte des opérations résiliées et annulées.
 
Figure 7 : Ventilation par secteur d’activité (acquéreurs américains de cibles canadiennes)
Ventilation par secteur d’activité (acquéreurs américains de cibles canadiennes)
Source : Bloomberg. Selon les opérations annoncées du 1er janvier 2020 au 30 juin 2025. Ce calcul ne tient pas compte des opérations résiliées et annulées.
 
Pleins feux sur le Japon

Depuis plusieurs années, le Japon est une étoile montante sur la scène mondiale des fusions et acquisitions. Les réformes du marché et l’activisme actionnarial visant à accroître la valeur pour les actionnaires ont entraîné une augmentation des investissements japonais en Amérique du Nord. La valeur annualisée des opérations pour les acquéreurs japonais de cibles américaines et canadiennes est en hausse depuis le début de 2025 (de 43 % pour les cibles canadiennes en particulier)6. Au Canada, les secteurs des biens de consommation discrétionnaire, des matériaux et des biens de consommation de base sont les principales cibles des investisseurs japonais, l’accent étant mis sur les opérations de plus petite envergure (moins de 100 millions de dollars). Les investissements du Japon au Canada sont également soutenus par la collaboration des deux pays dans le cadre de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, qui élimine ou réduit les droits de douane sur la plupart des principales exportations canadiennes vers le Japon, y compris les produits agricoles, les produits de la mer, les produits forestiers ainsi que les métaux et les minéraux7.

Conclusion

Même si, jusqu’à maintenant, l’année 2025 n’a pas été à la hauteur des attentes du marché, on observe une amélioration par rapport à 2024. On pourrait donc assister à un regain des activités transactionnelles, selon l’évolution de plusieurs facteurs, notamment les politiques tarifaires, les taux d’inflation et l’humeur générale du marché. Les acheteurs et les vendeurs pourraient ajuster leur stratégie en fonction de l’issue des négociations commerciales que plusieurs pays, dont le Canada, continuent de mener avec les États-Unis8. Si les tarifs et les tensions commerciales se stabilisent, les investisseurs pourront mieux évaluer les opérations, ce qui pourrait entraîner une augmentation des activités vers la fin de l’année.


  1. Voir PWC, « Global M&A Trends in Real Estate » (24 juin 2025).
  2. Voir EY, « US economic outlook May 2025 » (20 juin 2025).
  3. Banque du Canada, « Taux directeur », (4 juin 2025).
  4. Source : Bloomberg. Selon les opérations annoncées du 1er janvier 2020 au 30 juin 2025. Ce calcul ne tient pas compte des opérations résiliées et annulées.
  5. Voir Gouvernement du Canada, « Relations Canada-Japon » (7 juin 2025).
  6. The Financial Post, « Where does Canada stand as Trump's tariff deadlines loom », (8 juillet 2025).

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