T3 | Revue Trimestrielle de Torysété 2025

One Big Beautiful Bill Act : incidences sur les entreprises canadiennes qui investissent aux États-Unis

Le 4 juillet 2025, le président Donald Trump a promulgué la One Big Beautiful Bill Act (OBBBA), une loi de réconciliation budgétaire exhaustive; les modifications graduelles mais importantes qui en découlent auront des répercussions sur les fonds de placement, les institutions financières et les multinationales canadiennes qui investissent ou exercent des activités aux États-Unis. Le présent article examine certaines des dispositions les plus pertinentes de l’OBBBA et présente les changements proposés qui n’ont pas été intégrés dans la version finale de l’OBBBA ainsi que d’autres questions intéressantes non encore réglées.

Modifications touchant les placements de sociétés étrangères aux États-Unis et l’impôt des sociétés américaines

Amortissement supplémentaire pour les biens admissibles

La Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) de 2017 permettait aux sociétés américaines de bénéficier d’un amortissement supplémentaire de 100 % pour leurs biens admissibles (généralement des équipements, des machines et d’autres actifs à court terme), mais le taux d’amortissement supplémentaire a commencé à être progressivement éliminé à partir de 2023. L’OBBBA rétablit de façon permanente la possibilité de choisir un amortissement supplémentaire de 100 % pour les biens admissibles acquis et mis en service après le 19 janvier 2025.

Passation en charges immédiate des biens de production admissibles

L’OBBBA accorde également un choix temporaire permettant de bénéficier d’une déduction pour amortissement immédiate de 100 % pour certains biens immobiliers non résidentiels (comme les usines de fabrication et les installations de production agricole ou chimique) dont la construction commence entre le 19 janvier 2025 et le 1er janvier 2029 et dont la mise en service aux États-Unis a lieu avant le 1er janvier 2031.

Passation en charges immédiate des dépenses de recherche et développement (R&D)

Avant la TCJA, certaines dépenses nationales de R&D pouvaient être immédiatement passées en charges. Depuis l’entrée en vigueur de la TCJA, ces dépenses devaient généralement être comptabilisées à l’actif et être amorties sur une période de cinq ans. L’OBBBA rétablit de manière permanente la passation en charges immédiate des dépenses de R&D pour les années d’imposition qui commencent après le 31 décembre 2024.

Limitation des frais d’intérêts d’entreprise

En vertu de la législation antérieure, pour les années d’imposition commençant après le 1er janvier 2022, la déduction pour frais d’intérêts d’entreprise était limitée à 30 % du revenu imposable rajusté calculé selon le BAII (c’est-à-dire sans tenir compte des amortissements). L’OBBBA rétablit de manière permanente les règles antérieures à 2022, qui appliquaient la limite de 30 % au revenu imposable rajusté calculé selon le BAIIA.

<< En outre, cet élargissement du traitement fiscal favorable au niveau des actifs peut inciter les parties à une transaction à structurer leur opération comme une acquisition d’actifs plutôt que comme une acquisition d’actions afin de bénéficier de l’amortissement supplémentaire prévu par les nouvelles règles.>>
Points à retenir

Concernant les placements étrangers, les changements sont généralement avantageux pour les investisseurs et les entreprises; ils encourageront les investissements et amélioreront les flux de trésorerie. En outre, cet élargissement du traitement fiscal favorable au niveau des actifs peut inciter les parties à une transaction à structurer leur opération comme une acquisition d’actifs plutôt que comme une acquisition d’actions afin de bénéficier de l’amortissement supplémentaire prévu par les nouvelles règles. La modification de la limite des frais d’intérêts d’entreprise pourrait rendre le financement de sociétés américaines par des emprunts transfrontaliers plus attrayant dans de nombreuses situations. Néanmoins, ces déductions sont soumises à certaines restrictions et conditions d’admissibilité qui devront être examinées de manière plus approfondie en fonction des faits et des circonstances de chaque placement.

De surcroît, ces nouvelles mesures ont pour objectif général d’encourager les dépenses nationales et seront moins avantageuses pour les investissements à l’étranger. À titre d’exemple, certains revenus provenant de sociétés étrangères contrôlées (controlled foreign corporation) ainsi que le revenu mondial à faible taux d’imposition tiré de biens incorporels (Global Intangible Low-Taxed Income ou GILTI) ne sont pas inclus dans le revenu imposable rajusté servant à calculer la limite des frais d’intérêts d’entreprise.

Modifications touchant les placements de sociétés américaines à l’étranger et les structures de détention transfrontalières

Rétablissement de l’exception relative à l’attribution descendante pour les sociétés étrangères contrôlées

Avant d’être abrogé par la TCJA, l’article 958(b)(4) de l’Internal Revenue Code des États-Unis (le Code) interdisait l’attribution à une personne des États-Unis d’actions détenues par une personne étrangère pour l’application des règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées (SEC). L’OBBBA rétablit cette disposition.

Ce changement élimine plusieurs des conséquences involontaires qui ont découlé de l’abrogation de la règle d’attribution descendante (downward attribution). Par exemple, le fait pour une société mère non américaine d’avoir une seule filiale aux États-Unis faisait en sorte que toutes ses filiales non américaines étaient réputées être des SEC. Toutefois, l’OBBBA prévoit également une nouvelle règle anti-abus (en vertu du nouvel article 951B du Code), qui maintient de façon générale le traitement applicable aux SEC pour toute société étrangère contrôlée à l’étranger (foreign controlled foreign corporation), définie comme une société étrangère qui, si l’attribution descendante s’appliquait, serait détenue à plus de 50 % par un actionnaire américain. Cette règle prévoit une application limitée de l’attribution descendante qui est plus cohérente avec l’objectif de l’abrogation de l’article 958(b)(4) par la TCJA.

Modifications des régimes fiscaux GILTI, BEAT et FDII

Sans l’OBBBA, le GILTI des sociétés américaines aurait été soumis à un taux d’imposition effectif de 13,125 % (soit une déduction de 37,5 % du taux d’imposition des sociétés américaines de 21 %) à partir de 2026, et le revenu incorporel provenant de l’étranger (foreign derived intangible income ou FDII) aurait été soumis à un taux d’imposition effectif de 16,406 % (soit une déduction de 21,875 %).

En vertu de l’OBBBA, pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2025, le GILTI (rebaptisé net CFC tested income ou NCTI) est soumis à un taux d’imposition effectif de 12,6 % (soit une déduction de 40 % du taux d’imposition des sociétés américaines de 21 %), et le FDII (rebaptisé foreign-derived deduction eligible income ou FDDEI) est soumis à un taux d’imposition effectif de 14 % (soit une déduction de 33,34 %).

Le taux de l’impôt anti-abus contre l’érosion de l’assiette fiscale (base erosion and anti-abuse tax ou BEAT) est établi de manière permanente à 10,5 % pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2025. En vertu de la législation antérieure, ce taux était de 10 % et aurait été porté à 12,5 % en 2026.

Points à retenir

Ces modifications aux régimes GILTI, FDII et BEAT ne sont pas aussi étendues que dans les versions antérieures du projet de loi et sont généralement avantageuses par rapport au taux qui serait entré en vigueur si l’OBBBA n’avait pas été adoptée. Toutefois, l’OBBBA prévoit également des changements potentiellement restrictifs dans la manière dont les revenus, les dépenses, les déductions et les crédits pour impôt étranger sont calculés et attribués à ces fins. Les fonds de placement canadiens et les membres de groupes multinationaux devront évaluer l’incidence de l’impôt américain sur les sociétés de portefeuille et les filiales américaines.

Autres modifications touchant certains secteurs

Énergies renouvelables

L’OBBBA réduit considérablement et élimine progressivement les crédits d’impôt pour les projets d’énergie renouvelable, en particulier les projets d’énergie éolienne et solaire, mais elle augmente ou prolonge certains crédits d’impôt relatifs à des secteurs en particulier (par exemple, les crédits relatifs à la production de carburant propre et de biodiesel, aux piles à combustible et aux ententes de location liées à des projets de géothermie).

En outre, l’OBBBA introduit de nouvelles restrictions pour les projets d’énergie renouvelable en ce qui concerne les entités étrangères préoccupantes (foreign entities of concern ou FEOC). Les projets qui bénéficient d’une aide importante d’une FEOC, qui sont contrôlés par une FEOC ou qui sont affiliés à une FEOC au-delà de certains seuils peuvent être jugés inadmissibles (et les sociétés concernées peuvent être tenues de rembourser tout crédit d’impôt reçu en lien avec le projet d’énergie renouvelable).

Fabrication/technologie

L’OBBBA augmente de 25 % à 35 % le crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de pointe pour les usines de fabrication de semi-conducteurs mises en service après le 31 décembre 2025. De plus, elle étend ou prolonge la période d’élimination progressive du crédit d’impôt pour la fabrication de pointe pour certaines installations admissibles (par exemple, les installations produisant des batteries et des minéraux essentiels), sous réserve des restrictions relatives aux FEOC.

Soins de santé

L’incidence à court et moyen terme de l’OBBBA sur le secteur de la santé en général n’est pas très claire. D’une part, l’OBBBA prévoit de nouvelles restrictions sur l’admissibilité à Medicare; d’autre part, elle prévoit l’octroi de subventions aux hôpitaux ruraux. De plus, les nouvelles dispositions relatives à la passation en charges immédiate des dépenses de R&D sont susceptibles d’apporter un avantage important et immédiat aux entreprises de l’industrie pharmaceutique et des secteurs des technologies de la santé et de la biotechnologie.

Immobilier

Pour les années d’imposition commençant après le 31 décembre 2025, l’OBBBA augmente la limite des actifs qui peuvent être détenus par l’intermédiaire de filiales de FPI imposables à 25 % des actifs de la FPI (contre 20 % actuellement en vertu de la TCJA). Ce changement augmentera la flexibilité de la structure des FPI.

Transferts de fonds

L’OBBBA introduit, à compter du 1er janvier 2026, une nouvelle taxe d’accise sur les transferts de fonds effectués à partir de comptes américains vers des comptes à l’étranger. Toutefois, cette taxe d’accise ne s’applique que lorsque l’expéditeur finance le transfert en remettant au prestataire de services de l’argent ou un instrument physique, tel qu’un mandat-poste ou un chèque bancaire. En outre, elle ne s’applique pas aux transferts de fonds effectués à partir de certaines institutions financières désignées ou d’une carte de débit ou de crédit émise aux États-Unis. Par conséquent, cette taxe d’accise ne devrait généralement pas avoir d’incidence sur les transferts liés aux opérations et transactions commerciales transfrontalières.

À quoi s’attendre pour l’avenir?

Le projet d’article 899 du Code, communément appelé la « revenge tax », prévoyait des taux d’imposition punitifs pour les résidents des pays étrangers « discriminatoires » imposant des taxes étrangères inéquitables aux contribuables américains ou à leurs filiales étrangères. À la suite des négociations entre les États-Unis et d’autres pays, cette disposition n’a finalement pas été incluse dans la version finale de l’OBBBA. Toutefois, il est possible que certaines des propositions législatives qui ont été envisagées mais qui n’ont pas été incluses dans l’OBBBA soient reprises dans de futurs projets de loi. En outre, plusieurs modifications prévues dans l’OBBBA nécessiteront d’autres orientations et clarifications (y compris la publication de nouveaux Treasury Regulations) avant d’être mises en œuvre.


Si vous souhaitez discuter ces enjeux et ces questions, veuillez contacter les auteurs.

Cette publication se veut une discussion générale concernant certains développements juridiques ou de nature connexe et ne doit pas être interprétée comme étant un conseil juridique. Si vous avez besoin de conseils juridiques, c'est avec plaisir que nous discuterons les questions soulevées dans cette communication avec vous, dans le cadre de votre situation particulière.

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