T3 | Revue Trimestrielle de TorysÉté 2025

Le crédit privé a le vent en poupe : le résumé de quelques conférences récentes

Les marchés mondiaux du crédit privé sont en pleine croissance en raison de l’adaptation des prêteurs à la volatilité des marchés de la dette. Récemment, l’équipe Crédit privé de Torys a assisté aux conférences « Private Credit Canada » de Markets Group et « U.S. Private Credit Industry » de DealCatalyst qui visaient à faire le point sur les principales tendances du secteur. Dans cet article, nous présentons les principaux points à retenir de ces conférences, entre autres la collaboration croissante entre les acteurs du marché et la diversification des opérations de crédit privé.

Le crédit privé gagne du terrain

Historiquement, le crédit privé est associé aux prêts garantis de premier rang destinés aux petites et moyennes entreprises pour financer des acquisitions par emprunt de capital-investissement (souvent appelés prêts directs). Cependant, avec la hausse du nombre de prêteurs privés et de la taille de leurs actifs sous gestion, les opérations de crédit privé se sont également élargies.

Le crédit privé offre désormais des prêts de toutes tailles pour financer des acquisitions, des crédits généraux aux entreprises, un grand éventail de structures de financement fondées sur l’actif, des prêts d’urgence ou opportunistes, ainsi que des transferts de risques stratégiques. À titre d’exemple de cette diversification, on observe que certains grands prêteurs privés se concentrent à présent sur des produits de la catégorie investissement. La couverture géographique s’est également étendue, les prêteurs privés étant de plus en plus actifs en Europe et partout en Amérique du Nord. Compte tenu de la grande diversité des opérations, il est difficile de faire des généralités sur les conditions du marché, car des prêts privés de très gros montants rivalisent aujourd’hui avec des opérations de grande envergure sur les marchés publics, voire y participent, et doivent donc offrir une structure et des taux compétitifs.

Les experts prévoient une augmentation des flux provenant des canaux gestion de patrimoine et détail, ce qui aura pour effet d’accroître davantage les capitaux à déployer et de stimuler l’intérêt pour un éventail plus large de types et de structures d’opérations.

Les investisseurs sur le marché du crédit privé sont traditionnellement des investisseurs institutionnels comme les compagnies d’assurance, les régimes de retraite et les fonds de dotation. Les fonds mobilisent également de plus en plus de capitaux auprès de particuliers fortunés (en partie en raison des changements réglementaires aux États-Unis). Les experts prévoient une augmentation des flux provenant des canaux gestion de patrimoine et détail, ce qui aura pour effet d’accroître davantage les capitaux à déployer et de stimuler l’intérêt pour un éventail plus large de types et de structures d’opérations. Toutefois, la priorité de la plupart des fonds de crédit privé demeure la réalisation et le financement d’opérations de grande qualité présentant des risques contrôlés. Il faut donc s’attendre à ce que l’essor du crédit privé se traduise par de meilleures conditions pour les emprunteurs hautement solvables, mais pas nécessairement par un accès plus facile au capital pour les entreprises à risque.

Le marché canadien du crédit privé

Le marché canadien du crédit privé est également en croissance, tout en demeurant moins développé que celui des États-Unis. Les investisseurs canadiens participent activement à de nombreux aspects du crédit privé, et cette tendance devrait se poursuivre. Les commandités canadiens continuent de créer des fonds de crédit privé et jouent un rôle actif de prêteurs. Les investisseurs canadiens ont investi dans des placements de crédit privé à titre de commanditaires, et les fonds de capital-investissement canadiens et leurs sociétés en portefeuille continuent d’emprunter auprès de prêteurs privés. Ces secteurs devraient tous susciter un intérêt croissant auprès des entreprises et des investisseurs canadiens.

Le temps nous dira si le nombre de prêts accordés par les fonds de crédit privé aux emprunteurs canadiens connaîtra une croissance similaire à celle observée aux États-Unis. L’un des principaux obstacles à cette possibilité est l’intérêt soutenu des banques canadiennes pour un large éventail de prêts : une grande partie de la croissance des prêts privés aux États-Unis et en Europe est attribuable au fait que les banques ont cessé d’accorder directement des prêts à effet de levier, entre autres en raison des mesures de surveillance réglementaire accrues, qui n’ont pas (encore) été mises en place au Canada.

Outre la forte concurrence exercée par les banques canadiennes, les prêts aux emprunteurs canadiens peuvent sembler moins attrayants pour les fonds de crédit américains parce que les taux d’intérêt canadiens sont relativement plus bas que les taux américains du fait des divergences de politique monétaire, ainsi que de la nécessité de se protéger contre l’exposition aux fluctuations des taux de change, c’est-à-dire de mettre en place des stratégies de couverture adéquates. Par conséquent, les prêts de crédit privé consentis aux emprunteurs canadiens pourraient devenir moins fréquents et se limiter à des secteurs pour lesquels les banques ont généralement montré moins d’intérêt, comme les prêts d’urgence ou les structures de capital complexes. Souvent, le crédit privé permet de s’adapter à des répercussions économiques inhabituelles et à structures complexes, ainsi que de combler les manques lorsque d’autres fournisseurs de capitaux se retirent. Les banques canadiennes suivent de près ce marché (notamment en travaillant à la mise en place de structures visant à faire concurrence aux prêteurs privés américains grâce à des prêts à des promoteurs canadiens du crédit privé).

La volatilité des marchés publics : quel impact?

Les marchés publics ont été assez volatils en 2025, essentiellement en raison de l’incertitude entourant les politiques commerciales. La volatilité du marché confirme la capacité des prêteurs privés à offrir aux emprunteurs de la certitude et de la rapidité dans l’exécution des opérations, et quelles que soient les conditions du marché. Cette certitude et cette rapidité s’accompagnent généralement d’une prime pour les prêteurs, que les emprunteurs sont davantage disposés à payer lorsque la volatilité des marchés est importante.

De nombreuses solutions alternatives aux marchés publics (comme les prêts à terme institutionnels américains et les obligations à rendement élevé) ne sont accessibles que pour les opérations d’une valeur égale ou supérieure à 100 M$, de sorte que la concurrence avec les marchés publics concerne principalement les opérations les plus importantes. Pour ces opérations, la prime accordée aux prêteurs privés peut être de courte durée si ces opérations sont refinancées par des opérations moins onéreuses et syndiquées lorsque les conditions le permettent, et nous avons vu certains prêteurs privés prendre des positions dans certaines de ces opérations syndiquées. En ce qui concerne les petites opérations, la concurrence vient traditionnellement des banques qui se retirent de plus en plus de divers secteurs du financement aux États-Unis, ce qui a en partie alimenté la croissance du crédit privé. Au Canada, il sera intéressant de voir si la politique commerciale actuelle aura pour effet d’inciter les banques à renoncer à l’octroi de prêts à certains secteurs touchés, ce qui pourrait générer des occasions d’affaires pour les prêteurs privés canadiens.

Les primes de risque d’illiquidité

L’une des caractéristiques attrayantes du crédit privé pour les prêteurs et leurs investisseurs est son rendement supérieur par rapport à d’autres actifs à revenu fixe. Cette prime est souvent attribuée en partie au manque de liquidité du crédit privé. À cet égard, notons l’intérêt croissant pour la création d’un marché secondaire de crédit privé, par le biais de la vente directe de prêts (souvent subordonnée au consentement de l’emprunteur), de la vente de participations dans des fonds de crédit privé à l’initiative des commanditaires, et de la vente d’actifs par les commandités au moyen de véhicules de continuation. Avec la croissance de la liquidité du crédit privé, il sera intéressant de voir si les primes diminueront ou si les autres avantages du crédit privé, tels que la certitude et la rapidité d’exécution des opérations, ainsi que la volonté d’offrir des échéances plus longues, justifieront toujours une telle prime.

Les bons et les mauvais paiements en nature

Un autre avantage qu’offre le crédit privé est la capacité d’offrir une certaine flexibilité dans la structure des opérations, par exemple en offrant à l’emprunteur la possibilité de reporter le paiement des intérêts (en permettant qu’une partie des intérêts soit « payée en nature » en étant ajoutée au capital). Cette option est intéressante pour les emprunteurs, car elle permet de réduire le coût du service des titres d’emprunt à court terme, une mesure particulièrement utile lorsque les taux d’intérêt augmentent (comme ce fut le cas ces dernières années), lorsque les rentrées d’argent sont réduites, soit en raison d’un ralentissement des activités ou de l’impact des tarifs douaniers, ou lorsque les emprunteurs souhaitent consacrer leurs liquidités à des projets de croissance plutôt qu’aux paiements d’intérêts.

Les éléments clés permettant de considérer un paiement en nature comme « bon » sont les suivants : i) le paiement en nature est prévu dans la structure initiale de l’opération (et non accordé après la clôture pour éviter un défaut de paiement); ii) le paiement en nature est laissé à la discrétion de l’emprunteur, qui peut ainsi choisir de verser les intérêts ou de les capitaliser; et iii) il s’agit d’un mécanisme à la disposition de l’emprunteur, et non une mesure rendue nécessaire pour éviter le non-respect de clauses restrictives.

En règle générale, les paiements en nature ajoutés par voie d’avenant à titre de concession à un emprunteur ou en raison d’un déficit de trésorerie sont considérés comme de « mauvais » paiements en nature par les analystes du marché, y compris les agences de notation. Certains experts du secteur ont soulevé des préoccupations quant au fait que l’ajout d’un paiement en nature à une opération de crédit privé par le biais d’une modification des clauses du contrat – qui est un signe avant-coureur qu’un emprunteur pourrait ne pas être en mesure de respecter ses obligations de remboursement – pourrait être un indicateur de risque de défaut de paiement accru dans les portefeuilles de crédit privé. D’autres soutiennent que la possibilité d’alléger les clauses restrictives à court terme par un paiement en nature est un avantage utile que le crédit privé est en mesure d’offrir (contrairement aux prêteurs bancaires traditionnels) et qui peut contribuer à réduire la pression sur les conditions financières pendant les ralentissements temporaires du marché.

La convergence des marchés

Les prêteurs privés ont toujours été considérés comme des concurrents aux marchés publics et aux banques, mais on assiste de plus en plus à une collaboration entre les différents acteurs du marché. Les prêteurs privés ont participé à de nombreuses opérations syndiquées de grande envergure, et les banques et les prêteurs privés ont formé plusieurs coentreprises et alliances de marketing pour financer des opérations ou offrir des solutions de capital d’emprunt qui mettent en évidence les avantages que présente la diversification des prêteurs. Comme c’est souvent le cas dans le monde des affaires – mais aussi dans la vie en général – les innovateurs trouvent les moyens de réussir, et les participants existants doivent s’adapter s’ils ne veulent pas disparaître.


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