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Faites vos jeux : la Cour d’appel autorise les paris et jeux d’argent transfrontaliers pour les Ontariens

Le 11 novembre 2025, la Cour d’appel de l’Ontario a rendu sa décision dans l’affaire Reference re iGaming Ontario (le Renvoi), qui porte sur la question de savoir si les jeux réglementés par la province et auxquels participent des joueurs à l’étranger sont autorisés par le Code criminel1. La formation de cinq juges de la Cour a tranché à quatre contre un, la majorité ayant répondu « oui ».

Ce que vous devez savoir

  • Le Renvoi. Dans le Renvoi, il était demandé à la Cour d’appel de décider si les jeux en ligne autorisés demeureraient légaux au regard du Code criminel dans les cas où des joueurs en Ontario participaient à des jeux et à des paris sportifs de poste à poste avec des joueurs à l’extérieur du Canada. Les joueurs des autres régions du Canada ne seraient pas autorisés à participer à ces jeux, sous réserve d’une entente entre l’Ontario et l’autre province ou territoire.
  • Les joueurs établis en Ontario peuvent jouer et parier à l’extérieur des frontières. Une majorité de quatre juges a estimé que le fait de permettre à des joueurs de l’Ontario de participer à des jeux avec des non-Canadiens était autorisé par le Code criminel. Le texte, l’objet et l’esprit de l’alinéa 207(1)a) du Code criminel soutiennent la conclusion selon laquelle l’Ontario est autorisé à lier son projet de système géré par la province à des territoires étrangers.
  • La juge dissidente conteste la légalité du modèle. Une juge a contesté la décision en faisant remarquer que, pour rester légale, une loterie gérée par une province doit être mise sur pied et exploitée dans la province. Étant donné que la mise en commun des fonds se fera entre des joueurs en Ontario et des joueurs à l’étranger, les jeux et les loteries ne se dérouleront pas entièrement « dans la province » et ne seront pas entièrement mis sur pied et exploités par l’Ontario.
  • Prochaine étape : la Cour suprême. Il est probable que la décision de la Cour d’appel ne permette pas de clore le dossier. Les parties ayant un droit d’appel, cette affaire pourrait bien aller jusqu’à la Cour suprême. Même si aucun appel n’est interjeté, les détails de la mise en œuvre du modèle proposé devront être précisés, notamment les ententes avec les exploitants et les organismes de réglementation étrangers, ainsi que les mesures de protection opérationnelles.

Les jeux sur Internet en Ontario et la réglementation connexe

La partie VII du Code criminel interdit généralement les jeux d’argent et les loteries au Canada, sous réserve de certaines exceptions. L’exception centrale en cause dans le Renvoi était l’alinéa 207(1)a). Il autorise le gouvernement d’une province, seul ou de concert avec celui d’une autre province, à mettre sur pied et à exploiter une loterie (y compris les loteries informatiques) « dans la province » (et dans les provinces participantes) en conformité avec la législation provinciale. En vertu de cette exception, les provinces ont adopté des lois régissant les jeux et les loteries.

En Ontario, les jeux sont réglementés et administrés par la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, un mandataire de la Couronne. Les jeux sur Internet sont quant à eux offerts par l’entremise de Jeux en ligne Ontario (iGO), une société d’État et un mandataire de la Couronne. Actuellement, les joueurs doivent se trouver en Ontario et ne sont pas autorisés à participer à des jeux avec des joueurs situés en dehors de l’Ontario.

En février 2024, l’Ontario a soumis à la Cour d’appel la question de savoir si les jeux en ligne autorisés demeureraient légaux au regard du Code criminel dans les cas où des joueurs en Ontario participaient à des jeux et à des paris sportifs de poste à poste avec des joueurs à l’extérieur du Canada (tout en continuant à exclure les joueurs des autres provinces canadiennes, à moins que l’Ontario ait conclu des ententes interprovinciales). 

La majorité dit « oui » aux joueurs non canadiens

La majorité a estimé que l’affaire reposait sur l’interprétation législative de l’expression « dans la province » figurant à l’alinéa 207(1)a) du Code criminel. Appliquant les principes modernes de l’interprétation des lois, les juges ont fondé leur analyse sur le texte et l’objet de la disposition ainsi que sur l’esprit des dispositions relatives aux jeux de hasard prévu dans le Code criminel.

La Cour a interprété l’expression « dans la province » de manière extensive. La majorité a noté que l’alinéa 207(1)a) n’aborde pas la question de savoir si une loterie gérée par une province peut être liée à d’autres pays. Mais comme la législation est présumée territoriale, on peut supposer que le Parlement a décidé que [traduction] « la question de savoir si des personnes établies dans d’autres pays devraient être autorisées à participer à des loteries gérées par les provinces » relève des gouvernements de ces pays2. La Cour a estimé que le texte de la disposition se prêtait à une interprétation extensive de l’expression « dans la province ». Elle a noté que la disposition autorise expressément l’offre de loteries gérées par les gouvernements provinciaux dans d’autres provinces avec l’accord de ces dernières (y compris en autorisant la commercialisation et la vente interprovinciales de billets de loterie), ce qui indique que la préoccupation du Parlement n’était pas [traduction] « quelque chose qui était intrinsèquement contraire à la politique publique ».

Le cadre législatif relatif aux jeux de hasard appuie une interprétation extensive. La majorité s’est également appuyée sur l’esprit de la loi. Elle a noté que le Parlement et les provinces sont tous deux compétents en matière de jeux et de loteries, le Parlement pour protéger la moralité publique et les provinces pour gérer les conséquences de ces jeux à l’échelle locale. Lorsque le Parlement avait des préoccupations à l’égard d’un jeu en particulier, par exemple, il l’interdisait expressément en utilisant un langage clair et précis. Toutefois, le fait qu’il ne soit pas interdit de lier les loteries provinciales à des loteries étrangères suggère que cette omission était intentionnelle.

L’objet de la disposition appuie une interprétation extensive. La majorité a expliqué qu’en adoptant l’alinéa 207(1)a), le Parlement avait pour objectif de remplacer la criminalisation fédérale des loteries par une réglementation provinciale, réduisant ainsi le risque de préjudice et donnant aux provinces le pouvoir d’élaborer leurs politiques relatives aux jeux dans le cadre des paramètres généraux du Code. En permettant la participation des joueurs étrangers, on respecte cet objectif. Par ailleurs, Internet rend difficile d’empêcher l’accès par les Canadiens à des sites de jeux étrangers, qui échappent à la réglementation canadienne. Mais le fait de permettre à l’Ontario de réglementer les joueurs établis dans la province qui souhaitent jouer à des jeux en ligne contre des joueurs à l’étranger favorise la sécurité publique en soumettant ces jeux à une réglementation protectrice, tout en préservant les sources de revenus publiques.  

La minorité dit « non »

Dans ses motifs dissidents, la juge van Rensburg a conclu que le fait de permettre aux joueurs de l’Ontario de jouer avec des joueurs à l’étranger contreviendrait aux interdictions prévues par le Code. D’emblée, elle a adopté une approche différente. Elle a estimé que le système proposé devait entrer spécifiquement dans le cadre de l’exception légale particulière prévue à l’alinéa 207(1)a), et non simplement ne pas en être expressément exclu. En outre, elle n’est pas d’accord avec la caractérisation du système faite par la majorité selon laquelle il s’agit d’une loterie provinciale « interagissant avec » une loterie internationale. Le modèle proposé serait plutôt un système imbriqué, les fonds étant mis en commun entre les joueurs ontariens et étrangers.

Selon elle, les mesures envisagées par l’Ontario à l’égard de la loterie proposée feraient perdre à la province le bénéfice de l’exception prévue à l’alinéa 207(1)a), puisque l’activité ne se déroulerait pas entièrement « dans la province » (c’est-à-dire à l’intérieur des frontières de l’Ontario). Pour parvenir à cette conclusion, la juge van Rensburg a noté que, lorsque le Parlement faisait référence à des actions en dehors de la province ou du pays, il le faisait explicitement; en effet, le Parlement a expressément autorisé les provinces à mettre sur pied des loteries en collaboration avec d’autres provinces, mais pas avec des entités internationales. Enfin, l’atteinte de l’objectif de prévention et de traitement des préjudices potentiels liés aux jeux exige que la province contrôle les jeux et le cadre dans lequel les joueurs y participent. Cet objectif ne peut être atteint

Conséquences

La décision adopte une vision extensive des exceptions prévues par le Code criminel pour les loteries en ligne gérées par les provinces. Toutefois, la décision de la Cour d’appel de l’Ontario pourrait n’être que la première étape dans la détermination de la légalité du nouveau modèle de jeux sur Internet proposé par l’Ontario, car nous prévoyons qu’un appel sera probablement interjeté. Torys continuera à suivre l’évolution de la situation et à vous en informer.


  1. 2025 ONCA 770
  2. Par. 148

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