Le 10 janvier 2024, le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, a publié le Projet de règlementmodifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires (le Projet de règlement) dans la Gazette officielle.
Ce Projet de règlement a pour but de préciser certaines modifications apportées par la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (encore souvent désignée comme le projet de loi n° 96) à la Charte de la langue française (la Charte) (voir notre bulletin précédent) et faciliter la mise en œuvre de la Charte.
Comme mentionné dans notre bulletin concernant l’impact du projet de loi no 96 en matière d’emballage, d’affichage et de publicité, l’exception relative aux « marques de commerce reconnues » sera remplacée par une exception relative aux « marques de commerce déposées » à compter du 1er juin 2025. Ce changement est reflété dans le Projet de règlement.
Le Projet de règlement apporte une clarification très attendue : pour l’application de la Charte, la marque de commerce en cours d’enregistrement sera assimilée à une marque déposée à compter de la date de la demande d’enregistrement auprès du registraire des marques de commerce et pourra être affichée uniquement dans une autre langue que le français, à condition qu’aucune version correspondante en français ne se trouve au registre. Compte tenu des délais de traitement de l’OPIC, cette disposition est très utile aux propriétaires de marques. (Il est à noter que l’exception relative aux marques de commerce déposées n’a pas été étendue aux marques de commerce dans les affichages publics et les publicités commerciales.)
Même dans un tel cas, toujours à compter du 1er juin 2025, si un générique ou un descriptif du produit est compris dans une marque déposée, celui-ci doit figurer en français sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.
À cet égard, le Projet de règlement apporte d’autres clarifications très attendues, les termes « générique » et « descriptif » ayant été la source de nombreuses questions interprétatives. Le Projet de règlement précise qu’« un descriptif réfère à un ou plusieurs mots décrivant les caractéristiques d’un produit » et qu’« un générique réfère à un ou plusieurs mots décrivant la nature d’un produit ». Cela dit, le Projet de règlement ne fournit pas d’indications précises sur la manière dont ces termes seront interprétés.
De plus, il clarifie qu’en aucun cas un générique ou un descriptif d’un produit compris dans une marque de commerce rédigé dans une autre langue ne doit l’emporter sur sa traduction française ni être accessible de manière plus favorable.
Le Projet de règlement énonce également qu’un « produit » inclut son contenant ou son emballage ainsi que tout document ou objet qui l’accompagne.
Finalement, le Projet de règlement prévoit que si un produit a été fabriqué avant le 1er juin 2025, et qu’aucune version française de sa marque de commerce reconnue n’était déposée à la date de publication du règlement à la Gazette officielle, tout produit qui n’est pas en conformité avec l’exception relative aux « marques de commerce déposées », prévue à l’article 51.1 de la Charte qui entrera en vigueur le 1er juin 2025, pourra, jusqu’au 1er juin 2027, tout de même être distribué, vendu au détail, loué, offert en vente ou en location ou autrement offert sur le marché. Cette disposition offre donc une période d’adaptation additionnelle bienvenue, compte tenu du temps qu’un produit de consommation peut passer dans les réseaux de distribution avant d’être vendu.
Le Projet de règlement vient préciser que l’inscription sur un produit, qui doit être en français, conformément à l’article 51 de la Charte (et peut être assortie d’une traduction à condition que cette traduction ne l’emporte pas sur la version en français), s’étend à « l’inscription qui s’y affiche pour l’utilisateur au moyen d’un logiciel embarqué. »
Le Projet de règlement confirme la position déjà prise par l’Office de la langue française que l’obligation de rédiger en français les documents visés par l’article 52 de la Charte (catalogues, brochures, dépliants, etc.,) et de rendre la version en français accessible dans des conditions aussi favorables que celles dans une autre langue comprend l’information publiée sur des sites Internet et des plateformes de média.
Ces clarifications font partie de celles qui entreront en vigueur avant le 1er juin 2025.
Conformément aux dispositions de la Charte en vigueur depuis le 1er juin 2023, les contrats d’adhésion doivent être rédigés en français. Ce n’est qu’après avoir eu en sa possession la version française qu’une partie peut expressément choisir d’adhérer à un contrat d’adhésion rédigé dans une autre langue. Les documents qui se rattachent à un tel contrat peuvent alors être rédigés exclusivement dans cette autre langue. Le Projet de règlement précise que les documents se rattachant à un contrat d’adhésion incluent notamment un document qui atteste l’existence du contrat (comme un certificat d’assurance), un document dont l’annexion est obligatoire par la loi (comme un formulaire de résiliation ou de résolution) et un document qui constitue autrement l’accessoire du contrat d’adhésion. Cette liste est non exhaustive vu l’utilisation de « notamment ».
Le législateur est également venu préciser comment satisfaire à l’obligation de remettre une version française d’un contrat d’adhésion avant qu’une partie puisse choisir d’adhérer à la version rédigée dans une autre langue lorsqu’un tel contrat est conclu par téléphone ou par l’entremise d’un moyen technologique, ce qui avait aussi été la source de nombreuses questions. Dans le premier cas, l’obligation est comblée si la partie adhérente a eu l’opportunité de consulter une version en français des clauses types applicables par l’entremise d’un moyen technologique ou lorsque le contrat doit prendre effet immédiatement et que l’adhérent n’a pas à sa disposition les outils technologiques nécessaires afin de lui permettre d’avoir accès aux clauses types applicables. Dans le deuxième cas, l’obligation est satisfaite si une version en français des clauses types applicables a été remise à l’adhérent.
Le Projet de règlement apporte des éclaircissements sur quelques règles de la Charte en matière d’affichage public. Notamment, il adresse la portée de l’exigence de la nette prédominance du français dans les affichages publics et les publicités commerciales. Conséquemment, le Projet de règlement abroge le Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française aux dépens de ces nouvelles règles.
Conformément au Projet de règlement, « de façon nettement prédominante » signifie que « le texte rédigé en français a un impact visuel beaucoup plus important que le texte rédigé dans une autre langue ». Par ailleurs, un texte rédigé en français a un impact visuel beaucoup plus important lorsque : 1) il est au moins deux fois plus grand que celui rédigé dans une autre langue, et 2) sa lisibilité et sa visibilité permanente sont au moins équivalentes à celles du texte rédigé dans une autre langue. Cependant, le Projet de règlement ne fournit pas d’indications précises sur la manière dont ce deuxième critère sera interprété. Le Projet de règlement énumère également les facteurs qui ne doivent pas être pris en compte pour évaluer la nette prédominance du français (heures d’ouverture, adresses, etc.) et l’impact visuel.
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