26 juillet 2022Calcul en cours...

Métaux BlackRock : encore une fois, un tribunal du Québec accorde une ODI contestée

C’est en 2020 que la Cour supérieure du Québec s’était penchée pour la première fois sur une demande d’ordonnance de dévolution inversée (ODI) contestée dans le cadre de procédures concernant Nemaska Lithium Inc. en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).  L’ODI avait été accordée et la demande d’autorisation d’appel avait été rejetée à deux reprises1. La Cour a encore une fois approuvé l’utilisation de cet outil de restructuration novateur dans le cadre des récentes procédures concernant Métaux BlackRock en vertu de la LACC2.

Ce que vous devez savoir

  • À la fin de 2021, Métaux BlackRock a initié des procédures en vertu de la LACC. En janvier 2022, la Cour a approuvé un processus de vente ou de sollicitation d’investisseurs (PVSI) par lequel les prêteurs garantis et les prêteurs débiteur-exploitant existants de Métaux BlackRock ont été approuvés en tant qu’acheteurs-paravents. L’offre a été structurée comme une offre de crédit nécessitant l’octroi d’une ODI.
  • Certains actionnaires se sont opposés à l’approbation de l’offre-paravent à titre d’offre retenue à la clôture du PVSI, se sont opposés à l’octroi de l’ODI et ont demandé de prolonger le PVSI afin d’avoir plus de temps pour soumettre une offre concurrente. 
  • La Cour a accordé l’ODI en faisant les constatations suivantes : 1) il ne convenait pas de prolonger le PVSI afin de fournir plus de temps pour l’appel d’offres; 2) les ODI avaient été jugées acceptables par les tribunaux dans bon nombre d’affaires précédentes; 3) les actionnaires qui n’ont aucun intérêt économique dans une société insolvable n’ont pas voix au chapitre; et 4) il convenait d’accorder les quittances de tiers au bénéfice des prêteurs garantis; toutefois, de telles quittances ne doivent pas être accordées à l’aveugle ou de manière systématique.
  • La décision Métaux BlackRock a fait l’objet d’un appel. Sous réserve du résultat de ce processus, cette décision confirme la disponibilité de l’ODI comme outil de restructuration novateur, tout en servant de mise en garde contre son utilisation excessive. Les ODI demeurent une exception à la règle.

Contexte

Le 23 décembre 2021, Métaux BlackRock inc., Minière BlackRock inc., Métaux BlackRock, s.e.c et Commandité Métaux BRM inc. (collectivement, Métaux BlackRock) ont entrepris des procédures en vertu de la LACC. Depuis 2008, Métaux BlackRock tentait de développer des activités de fabrication de métaux et de matériaux en construisant une mine à Chibougamau et une usine métallurgique au Port de Saguenay. La mine aurait permis de fournir des produits de vanadium, de fonte brute de haute pureté et de titanium. Métaux BlackRock n’a pas été en mesure d’obtenir le financement nécessaire pour démarrer la construction.

Le 7 janvier 2022, la Cour a approuvé un processus de vente ou de sollicitation d’investisseurs (PVSI) par lequel les prêteurs garantis et les prêteurs débiteur-exploitant existants de Métaux BlackRock ont été approuvés en tant qu’acheteurs-paravents. L’offre a été structurée comme une offre de crédit nécessitant l’octroi d’une ODI.

Un groupe d’actionnaires s’est opposé à l’approbation de l’offre-paravent à titre d’offre retenue à la clôture du PVSI, s’est opposé à l’octroi de l’ODI et a demandé de prolonger le PVSI afin d’avoir plus de temps pour soumettre une offre concurrente. 

Ces objections étaient notamment fondées sur les allégations suivantes : 1) les ODI ne sont pas légales, notamment en ce qui concerne la saisie des biens (les actions) des actionnaires sans compensation ou vote; 2) la LACC n’autorise pas de telles ordonnances; et 3) les quittances générales de tiers contenues dans l’ODI, notamment celles au bénéfice des prêteurs garantis, étaient inappropriées.

Décision

En accordant l’ODI, la Cour a examiné diverses questions et a fait plusieurs constatations importantes :

Prolongation du PVSI

Il ne convenait pas d’octroyer une ordonnance en vertu de l’article 11 de la LACC prolongeant le PVSI afin de fournir plus de temps pour l’appel d’offres.

Pour qu’une ordonnance rendue en vertu de la LACC soit considérée comme appropriée dans les circonstances, la Cour doit tenir compte du caractère indiqué de celle-ci, de la bonne foi et de la diligence des parties. En outre, l’ordonnance doit promouvoir les objectifs réglementaires et réparateurs de la LACC. En déterminant s’il y a lieu de s’écarter d’un PVSI approuvé sur lequel les parties se sont appuyées, les considérations financières seules (c.-à-d. la possibilité d’un recouvrement plus élevé) ne sont pas suffisantes. L’intégrité du processus de vente est très importante.

Selon la Cour, le manque d’intérêt de la part d’autres soumissionnaires était évident. Elle a souligné que le groupe d’actionnaires n’était pas prêt à soumettre sa propre offre, ni à assumer les frais liés à un PVSI prolongé – il ne souhaitait que prolonger la durée de l’appel d’offres pour que d’autres soumissionnaires aient l’occasion de se manifester. La Cour n’a pas vu d’un bon œil le « PVSI parallèle » que les actionnaires ont mené sans autorisation, en embauchant leur propre conseiller financier pour tester le marché en même temps que le déroulement du PVSI.

Selon elle, le PVSI a permis d’établir des règles de jeu équitables et toute modification des règles à la fin du processus ne peut se faire qu’après mûre réflexion. Les objectifs réparateurs de la LACC imposaient le rejet de la demande de prolongation du PVSI dans les circonstances.

L’acceptabilité des ODI

La Cour a mentionné plusieurs décisions canadiennes où des ODI ont été accordées, notamment des procédures en vertu de la LACC dans les affaires Nemaska Lithium, Quest University3 et Harte Gold4.

Elle a confirmé que l’article 36 de la LACC permettait de telles ordonnances, mais que, d’une manière ou d’une autre, l’octroi d’une ODI est possible aux termes de l’article 11. La Cour a fait siennes les conclusions de la Cour Supérieure de l’Ontario dans l’affaire Harte Gold, selon lesquelles le paragraphe 36(3) établit un cadre d’analyse utile pour examiner le caractère approprié d’une ODI et que les ODI doivent être accordées avec parcimonie et seulement dans des circonstances appropriées.

La Cour a cité de manière favorable les conclusions précédentes selon lesquelles les ODI ne devraient généralement pas être utilisées pour contourner les droits de vote des créanciers, débarrasser un débiteur d’un créancier récalcitrant ou simplement parce que c’est plus pratique ou avantageux pour un acheteur. Elle a souligné que les affaires liées au secteur des mines telles que celle-ci offrent souvent l’occasion d’utiliser une ODI et a examiné soigneusement les circonstances factuelles rendant cette utilisation appropriée en l’espèce – y compris les actifs incorporels essentiels (tels que les licences ou les permis) et les contrats importants (p. ex. avec des groupes autochtones locaux) qu’il pourrait être difficile de transférer à un acheteur. 

Actionnaires

La Cour a également souligné que les actionnaires, qui n’ont aucun intérêt économique dans une société insolvable, n’ont pas voix au chapitre et a examiné le pouvoir conféré à la Cour par la Loi canadienne sur les sociétés par actions d’approuver une opération résultant en une annulation ou une perte d’actions sans un vote d’actionnaires.

Quittances de tiers

La Cour a déterminé qu’il convenait d’accorder les quittances demandées dans l’ODI au bénéfice des prêteurs garantis, jugeant qu’il s’agit d’une pratique répandue en dehors d’un plan d’arrangement dans le contexte d’une opération de vente. Toutefois, de telles quittances ne doivent pas être accordées à l’aveugle ou de manière systématique.

La Cour a fait siennes les considérations relatives aux quittances de tiers énoncées dans l’affaire Lydian International5. La participation des prêteurs garantis ayant joué un rôle clé dans la restructuration de Métaux BlackRock, il était raisonnable que les prêteurs garantis souhaitent recommencer à neuf, les quittances étant raisonnablement liées à l’ODI et cette opération avantage de manière générale toutes les parties prenantes de Métaux BlackRock.

Conclusion

Le groupe d’actionnaires qui s’était opposé à l’ODI a demandé l’autorisation d’en appeler de la décision Métaux BlackRock. Sous réserve du résultat de cet appel, la décision Métaux BlackRock confirme la disponibilité de cet outil de restructuration novateur tout en servant de mise en garde contre son utilisation excessive. Les ODI demeurent une exception à la règle et ceux qui les demandent doivent démontrer qu’elles sont indiquées dans les circonstances. De même, il est encore possible de se prévaloir de quittances de tiers raisonnablement liées à une ODI.


  1. Arrangement relatif à Nemaska Lithium Inc., 2020 QCCS 3218, (demande d’appel rejetée, 2020 QCCA 1488; demande d’appel devant la CSC rejetée, 2021 CanLII 34999).
  2. Torys a agi pour Orion Mine Finance dans ce dossier, à titre de prêteur garanti et d’actionnaire existant, de prêteur débiteur-exploitant, de soumissionnaire-paravent et d’acheteur de Métaux BlackRock.
  3. Re Quest University Canada, 2020 BCSC 1883 (demande d’appel rejetée, 2020 BCCA 364).
  4. Re Harte Gold Corp., 2022 ONSC 653.
  5. Re Lydian International Limited, 2020 ONSC 4006.

Si vous souhaitez discuter ces enjeux et ces questions, veuillez contacter les auteurs.

Cette publication se veut une discussion générale concernant certains développements juridiques ou de nature connexe et ne doit pas être interprétée comme étant un conseil juridique. Si vous avez besoin de conseils juridiques, c'est avec plaisir que nous discuterons les questions soulevées dans cette communication avec vous, dans le cadre de votre situation particulière.

Pour obtenir la permission de reproduire l’une de nos publications, veuillez communiquer avec Janelle Weed.

© Torys, 2024.

Tous droits réservés.
 

Inscrivez-vous pour recevoir les dernières nouvelles

Restez à l’affût des nouvelles d’intérêt, des commentaires, des mises à jour et des publications de Torys.

Inscrivez-vous maintenant